Auteur tombé assez rapidement dans l’oubli et redécouvert depuis peuLa Littérature de l’âge baroque en France (p. 65-68) où Jean Rousset, en 1953, tire de l’oubli l’une des pièces de Brosse : Les Songes des hommes esveillez, ainsi que les travaux de Georges Forestier.Les Songes des hommes esveillez. Ce dramaturge n’est cependant pas l’auteur d’une seule pièce : il compte à son actif deux autres comédies, une tragi-comédie et une tragédie, qui ont été plus délaissées par la critique.
La liste des pièces composées par Brosse est donc la suivante :
En revanche, Les Anagrammes à la Reine (1660), qui ont longtemps figurées parmi les œuvres de Brosse, ont en réalité été écrites par son homonyme le Révérent Bénédictin Brosse, comme l’a démontré Georges ForestierSonges des hommes esveillez, p. 13.Le Curieux impertinent ou Le Jaloux (1645), que certains dictionnaires de théâtre du XVIIIe sièclee siècle, tels que Leris, Maupoint, Chamfort et Mouhy, confondent souvent les deux frères Brosse.Curieux Impertinent rédigée par ses soins. L’épître de La Stratonice ou le malade d’amour, dans laquelle il espère que les auxerrois réserveront un bon accueil à sa pièce, laisse supposer que Brosse serait originaire d’Auxerre. D’ailleurs, les autres informations que l’on pensait détenir à propos de ce dramaturge provenaient principalement du témoignage de l’abbé Lebeuf, auteur des Mémoires concernant l’histoire de la ville d’Auxerre. Celui-ci nous apprenait qu’un fils de chapelier nommé N… Brosse, décédé en 1651, avait écrit une tragédie et diverses œuvres à caractère religieux. Ces maigres renseignements se sont malheureusement révélés sujets à cautionSonges des hommes esveillez, p. 13. Le doute principal réside dans le fait que les œuvres attribuées à cet homme ne correspondent pas avec celles que nous avons citées plus haut.Turne de Virgile. Les autres pièces sont toutes signées Brosse.Innocents Coupables rédigée par Pierre Pasquier, p. 5. Dans son introduction aux Songes des hommes esveillez, Georges Forestier déclare, quant à lui, que « la seule énigme que soulève [cette] comédie (…) est celle de son auteur », p. 12.Pratique du théâtreInnocents coupables, p. 6.Les Apparences trompeuses est une adaptation de la comedia de Calderón Peor está que estaba qui avait déjà été reprise par Brosse, une dizaine d’années plus tôt, sous le titre Les Innocents coupables, ne mentionne nulle part, semble-t-il, le nom de notre auteur. De même, Quinault, qui reprendra le sujet de La Stratonice dans sa pièce du même nom en 1660, ne fait aucune allusion à Brosse. Mais on ne peut évidemment pas affirmer qu’ils aient eu connaissance de ces pièces, dont on ignore d’ailleurs l’accueil que leur réserva le public.
Une seule pièce de Brosse semble ne pas être totalement tombée dans l’oubli : il s’agit de L’Aveugle clair-voyant. En effet, LancasterAHistory of French DramaticLiterature in the Seventeenth Century, part. II, p. 735.e siècle. Cet auteur-comédien va réduire la pièce en un acte et la faire représenter par sa troupe en 1716. On peut donc supposer que le public n’a pas réservé un trop mauvais accueil à la dernière pièce de Brosse.
La page de titre de L’Aveugle clair-voyant nous fournit également quelques précisions sur les premières représentations de la comédie. On y apprend en effet qu’elle a été « représentée sur le théâtre Royal devant leurs majestez ». Le « théâtre Royal » désignant le théâtre de l’Hôtel de Bourgogne dans la première moitié du XVIIe siècle, nous savons désormais où la pièce a été créée. Cette indication nous permettrait-elle, également, de lever les doutes concernant l’année de la première représentation de L’Aveugle clair-voyant ? On ignore en effet si cette pièce fut jouée en 1648 ou en 1649. Dans son livre intitulé Le Théâtre de l’Hôtel de Bourgogne, Sophie Wilma Deïerkauf-Holsboer affirme, en se basant sur cette information, que la comédie a été représentée pour la première fois en 1648 :
Ce renseignement nous permet de déterminer la date probable de la création de cette pièce à l’Hôtel de Bourgogne. La famille royale a en effet été absente de Paris pendant presque toute la durée de la Fronde et il est inconcevable qu’elle aurait tranquillement assisté au cours d’un très bref séjour dans la capitale perturbée à une représentation théâtrale à l’Hôtel de Bourgogne. La première de
L’Aveugle clairvoyanta donc été donnée avant le début de la Fronde en 1648. Le Théâtre de l’Hôtel de Bourgogne, p. 65-66.
Cependant, cet argument peut être retourné. On peut en effet voir une stratégie politique dans le fait d’assister à une représentation théâtrale pendant une période où l’autorité royale est remise en cause. Ce serait un moyen de montrer au peuple et aux opposants du régime que la famille royale n’est pas inquiétée par les affrontements
Quoi qu’il en soit, en 1648 comme en 1649, la composition de la troupe de l’Hôtel de Bourgogne reste la même. Elle comprend onze membres : Zacharie Jacob, dit Montfleury et sa femme Jehanne de la Chappe, Claude Deschamps, sieur de Villiers et sa femme Marguerite Béguin, Josias de Soulas dit Floridor, François Chastelet dit Beauchasteau et sa femme Magdeleine du Pouget, André Boiron dit Baron et sa femme Jehanne Anzoult, Nicole Gassot, et Pierre HazardOp. cit., p. 60.L’Aveugle clair-voyant. On peut cependant se laisser aller à quelques suppositions. L’acteur de Villiers, connu pour son talent comique, jouait habituellement les rôles de valet (il est le créateur du célèbre rôle de Philippin). On peut donc penser qu’il aurait pu jouer le rôle de Sylvestre, valet rusé et plein de verve. En outre, la scène 5 de l’acte V, dans laquelle Lidamas et Cléanthe parlent pendant une dizaine de vers de La Suite du Menteur de Corneille, gagnerait en intérêt si l’un des deux rôles était tenu par Floridor. Ce dernier jouait en effet le rôle principal, celui du « menteur », dans la pièce de Corneille à sa création pendant la saison 1644-1645. Le comique de la scène serait ainsi renforcé puisque les spectateurs verraient l’acteur commenter l’un de ses rôles précédents, s’il incarne le personnage de Lidamas, ou feindre l’ignorance quant au succès de la pièce dont il était le protagoniste, si Floridor joue le rôle de Cléanthe. Il est aussi fort probable que l’actrice qui jouait le rôle de Lucille, la servante de Mélice, incarnait en même temps un autre personnage (peut-être était-elle aussi Nérine, l’autre suivante de la pièce ? ). En effet, son rôle est peu fourni : elle n’est présente que dans six scènes et ne prononce que cinquante-huit vers dans toute la pièce. Mais surtout, c’est le seul personnage de la comédie qui ne revient pas au dénouement. Dans le théâtre du XVIIe siècle, comme le dit Jacques Scherer, « la plus importante [des traditions du dénouement] consiste à rassembler le plus grand nombre de personnages possible pour la fin de la pièce. Il semble que la troupe veuille se montrer au grand complet »La Dramaturgie classique, p. 141.
Le décor dans lequel les acteurs évoluent pose problème lui aussi. L’Aveugle clair-voyant se situe à une période charnière, entre l’époque pré-classique et le classicisme, où il n’« exist[e] pas de système déterminé de décor » : le décor multiple du début du siècle, réduit à un petit nombre de compartiments, subsiste toujours, tandis que le décor unique commence à s’imposerL’Histoire de la mise en scène dans le théâtre français à Paris de 1600 à 1673, Librairie A. Nizet, Paris, 1960, p. 58.AHistory of French DramaticLiterature in the Seventeenth Century, part. II, p. 733.e siècle et en tout cas jamais pendant les entr’actes, les conséquences de ce fait pour la représentation des lieux sur la scène sont considérables. Elles se résument en ceci, qu’on ne pouvait que très malaisément, et au prix d’une sorte de tour de force comme dans les pièces à machines, changer de décor. », op. cit., p. 174.L’Aveugle clair-voyant respecte l’unité de lieu. Celle-ci était en effet, dans cette première moitié du XVIIe siècle, entendue « au sens large » : « l’histoire de l’unité de lieu entrera dans une deuxième époque lorsque cette unité sera considérée comme excluant la représentation de lieux trop éloignés les uns des autres, mais comme comprenant celle de lieux assez voisins pour qu’on puisse passer rapidement et sans faire un véritable voyage, de l’un à l’autre »op. cit., p. 186
Les rares écritsL’Aveugle clair-voyant dans son History of French Dramatic Literature in the Seventeenth Century (part. II, p. 733-735) et Georges Forestier a écrit un article sur les trois comédies de Brosse, « Dramaturgie de l’oxymore dans la comédie du premier XVIIe siècle : le théâtre comique de Brosse », Cahiers de littérature du XVII e siècle, n° 5, 1983, p. 5-32.
Cependant l’originalité de la pièce de Brosse ne tient pas seulement au fait qu’elle ne soit pas tirée d’une autre œuvre : elle s’écarte également du schéma traditionnel de la comédie par certains côtés.
Ainsi, si les unités de temps et de lieu sont respectées, L’Aveugle clair-voyant fait une entorse à l’unité d’action. D’après Jacques Scherer « on dit, à partir de 1640 environ, que l’action d’une pièce de théâtre est unifiée » lorsque, notamment, « on ne peut supprimer aucune des intrigues accessoires sans rendre partiellement inexplicable l’intrigue principale »Op. cit., p. 103-104.
En outre, chacune des deux intrigues dispose de sa propre exposition et de son propre dénouement. Ainsi, l’exposition de l’intrigue concernant le couple Lidamas-Olimpe occupe les scènes 1 et 2 de l’acte I, tandis que l’exposition de l’action ayant Mélice et Thélame comme protagonistes se fait à la scène 3 de l’acte I
Taisez-vous indiscrette, insolente, effrontee Ma bonté cede enfin vous l’avez surmontee, Allez, retirez-vous, & ne me parlez plus D’un homme dont le bien consiste en ses vertus Acte III, scène 2, v. 221-224. ,
De la même manière, le dénouement de chacune des deux intrigues n’intervient pas au même moment. Celle concernant Mélice et Thélame s’achève à la fin de l’acte IV par la promesse de Cléanthe de marier les deux jeunes amoureux dès le lendemaine siècle, le dénouement doit être « nécessaire, complet et rapide ». (Jacques Scherer, La Dramaturgie classique, p. 128).
Il apparaît, dans ces diverses remarques, que l’intrigue concernant Mélice et Thélame est moins développée que celle ayant pour héros Lidamas et Olimpe. Cependant elle a une importance non négligeable : en faisant ressortir les défauts de Cléanthe, dont le principal est l’avarice, elle permet d’empêcher que ce personnage ne devienne une victime. Grâce à elle, Cléanthe n’attire pas exclusivement toute la sympathie du public. Sans elle, Cléanthe, pauvre père trahi par son fils, aurait pu susciter la pitié du spectateur, émotion contraire au rire. En outre, le dénouement de la pièce aurait pu paraître injuste, voire immoral, puisqu’il aurait récompensé la trahison d’un fils envers un père exemplaire.
La peinture que Brosse fait du personnage de Cléanthe constitue d’ailleurs un nouvel écart par rapport à la comédie traditionnelle. Le lecteur est d’emblée frappé par le caractère inhabituel de ce dernier. Cléanthe est veuf, rival de son fils en amour et avaree siècle : le théâtre comique de Brosse », p. 23-24. Voir aussi, concernant la même idée, Lancaster, A History of French Dramatic Literature in the Seventeenth Century, p. 733-734.
En outre, il est accompagné de plusieurs autres types de personnages qui ne sont pas les plus couramment représentés dans le théâtre du XVIIe siècle. En effet, et ceci est encore révélateur de la perspective particulière donnée aux rapports entre les personnages, le valet rusé qui déclenche les rires, s’attirant ainsi la bienveillance du public, est du côté du personnage-obstacle, ce qui contribue à attirer vers Cléanthe la sympathie habituellement réservée uniquement aux jeunes amoureux. Jean Emelina remarque que l’usage de valets « efficaces » au service de l’opposant fait partie des « cas exceptionnels » :
Régulièrement, un même principe préside à l’emploi des serviteurs dans l’action : à jeune maître amoureux, serviteur actif et efficace ; à vieux maître hostile ou à rival ridicule, serviteur falot qui partage leurs déconvenues, ne les aide en rien ou passe dans l’autre camp
. Les Valets et les servantes dans le théâtre comique en France de 1610 à 1700, Presse universitaire de Grenoble, 1975, p. 119.
Cette spécificité mise à part, Sylvestre est doté de tous les défauts et qualités habituels du valet de comédie : il est cupide, couard, ivrogne et glouton
Quoy ? sans vous informer si l’on craint le Soleil Et si l’on ayme moins le temps clair que le sombre, Vostre main met ainsi les visages à l’ombre, Sans trancher du sçavant, ny sans passer pour fol Je puis d’oresnavant la nommer parasol Acte III, scène 5, v. 916 à 920. .
On peut également noter qu’au dernier acte de la pièce Sylvestre se rapproche encore un peu plus du valet de comédie conventionnel puisqu’en trahissant son maître
Un autre personnage apparaît peu souvent dans les pièces de théâtre du XVIIe siècle : il s’agit de la veuve. Jacques Scherer en souligne d’ailleurs la rareté :
Une seule situation de famille permet à l’auteur dramatique de montrer une héroïne indépendante : c’est le veuvage ; mais on s’en sert peu, car les obstacles sont nécessaires au théâtre
. La Dramaturgie classique, p. 32.
La liberté d’action dont dispose Olimpe grâce à sa condition de veuve était indispensable à Brosse : il fallait que la jeune femme puisse, à sa guise, rompre ses engagements et venir séjourner dans la maison de son amant, choses qu’une jeune fille étroitement surveillée n’aurait jamais pu faire sans que l’intrigue ne devienne extrêmement compliquée. La seule contrainte susceptible de modérer l’indépendance de la jeune femme est celle de la société et c’est Nérine qui se fait l’écho de cette voix quand elle rappelle à sa maîtresse que sa réputation est en jeu et qu’on pourrait lui reprocher son inconstance
À coté de ces personnages atypiques ou peu représentés, nous retrouvons des caractères conventionnels. En effet, Mélice correspond tout à fait au type de la jeune fille tel que le définit Roger Guichemerre :
Toutefois les jeunes filles timides et obéissantes sont rares dans notre comédie. Comme dans les pièces espagnoles dont nos auteurs s’inspirent, les jeunes filles se montrent en général hardies et entreprenantes. Plus énergiques que les jeunes gens, souvent amoureux transis ou adorateurs respectueux, ce sont elles qui mènent l’intrigue et qui, par leurs stratagèmes, réussissent à conquérir de haute lutte l’homme qu’elles veulent épouser
. La Comédie avant Molière : 1640-1660, Paris, Armand Colin, 1972, p. 223.
Ainsi, Mélice va-t-elle inventer toutes sortes de ruses pour pouvoir continuer à voir Thélame, son amant, sans que son père ne s’en aperçoive et éviter d’épouser « Rustique l’aisnay ». Elle ira même jusqu’à demander à Thélame de l’enlever, l’amour lui faisant perdre tout jugement
Conformément aux dires de Roger Guichemerre, Thélame se montre beaucoup moins ingénieux que sa maîtresse. Dès qu’il peut parler librement, ses plaintes emplissent la scèneLa Comédie avant Molière : 1640-1660, p. 209.comedias espagnoles. Il doit en effet se retenir de se venger des coups que Cléanthe lui a donné alors même qu’il croit que le père de Mélice pensait battre son valet
L’autre jeune premier de la pièce, Lidamas, est en quelque sorte l’opposé de Thélame. Rusée siècle. Ainsi il se montre très jaloux et ne peut supporter qu’Olimpe s’entretienne longtemps avec son père, même en sa présence. C’est pourquoi à la scène 4 de l’acte II, sur l’injonction du jeune homme, Nérine va prendre la place d’Olimpe et se faire courtiser par Cléanthe. Il est aussi sujet aux traditionnels emportements de la jeunesse et va menacer de tuer Sylvestre qui avait tenté de le séparer d’Olimpe en le calomniant
Les rôles des deux suivantes, Lucille et Nérine, sont les moins développés de la pièce. Leur maîtresse étant soit expérimentée (c’est le cas d’Olimpe qui est veuve) soit ingénieuse et audacieuse (pour ce qui est de Mélice), elles n’ont généralement pas besoin de leurs conseils. En outre, elles n’ont pas la verve des servantes que Molière mettra en scène. Leur rôle se trouve donc essentiellement réduit à celui de confidente et, par conséquent, les deux domestiques s’effacent dès qu’elles ne sont plus seules à seules avec leurs maîtresses. L’importance de leur rôle augmente épisodiquement pour les besoins comiques d’une scènee siècle. En effet, nous n’assistons pas aux entretiens de Sylvestre et de Nérine qui se déroulent la plupart du temps en dehors de la scène, « dans la chambre prochaine ». Au mieux, nous surprenons quelquefois une métaphore « galante »
On peut noter un dernier écart par rapport à la tradition sur les personnages de la pièce en général : les valets et les suivantes ne servent pas de « bouc[s] émissaire[s] mor[aux] »op. cit., p. 289.Pratique du théâtre, publiée en 1657 mais dont la rédaction fut commencée bien avant cette date, l’abbé d’Aubignac écrit :
(…) quand nous disons que les principaux personnages doivent toujours agir, il ne faut pas entendre le héros et l’héroïne, qui bien souvent souffrent le plus et font le moins ; car à l’égard de la continuité de l’action, les principaux acteurs sont ceux qui conduisent l’intrigue du théâtre, comme sont un esclave, une suivante ou quelque fourbe…
Livre II, ch. IV, p. 146.
Au contraire, les personnages de condition de L’Aveugle clair-voyant sont actifs, comme nous l’avons vu, et prennent leur destin en main : ils sont eux-mêmes les instigateurs des différentes fourberies et, la plupart du temps, ils inventent les ruses sans l’aide de leurs domestiquesMenteur et de La Suite du MenteurMenteur fut immédiat, Corneille dit, dans l’examen de La Suite du Menteur, que la pièce ne s’attira pas à sa création les faveurs du public mais que « quatre ou cinq ans après la Troupe du Marais la remit sur le théâtre avec un succès plus heureux ». Cette pièce a donc pu être rejouée sur le théâtre du Marais à peu près au moment où le théâtre de l’Hôtel de Bourgogne créait L’Aveugle Clair-voyant.
Dans l’avant-dernière comédie de Corneille, c’est Dorante, le personnage de condition qui multiplie les mensonges devant son valet, Cliton, qui ironise sur le vice de son maître et se montre parfois moins immoral que lui sur ce sujetLa Suite du Menteur que l’insuccès de cette pièce est peut-être dû au fait « que ce n’est que le valet qui fait rire, au lieu qu’en l’autre les principaux agréments sont dans la bouche du maître »Le Menteur et La Suite du Menteur de Corneille, édition présentée, établie et annotée par Jean Serroy, Gallimard (coll. Folio théâtre), 2000, p. 167.
L’influence du Menteur et de la Suite du MenteurLe Menteur et sa Suite sont des adaptations de comedias espagnoles, respectivement La Verdad sospechosa d’Alarcón et Amar sin saber a quien de Lope de Vega.L’Aveugle clair-voyant :
The source is unknown, but a few suggestions may have been received from the
Menteurand itsSuite. AHistory of French DramaticLiterature in the Seventeenth Century, Part II, p. 733.
En effet, dans ces trois pièces, on prend plaisir à mentir. Il est vrai que dans Le Menteur, contrairement à L’Aveugle clair-voyant où chacun essaie de tromper l’autre, ce défaut semble ne toucher que le héros de cette comédie. Cependant, dans un article consacré au Menteur de Corneille, Alain LanavèreLe Menteur, de Corneille : "Par un si rare exemple apprenez à mentir" », L’Art du théâtre, Mélanges en hommage à Robert Garapon, Paris, Presses universitaires de France, 1992.
Vous autres qui doutiez s’il en pourrait sortir, Par un si rare exemple apprenez à mentir Acte V, scène 7, v. 1803-1804. .
En effet, si les ruses de Lidamas, Olimpe et Mélice échouent pendant les quatre premiers actes, ce n’est pas parce qu’elles sont mal construites ou parce que les jeunes gens ne dissimulent pas bien la vérité
Du Menteur de Corneille, L’Aveugle clair-voyant emprunte également le dénouement. Tout comme Dorante qui prétend ne pas avoir été dupe de la ruse de Clarice et de Lucrèce, qui se faisaient passer l’une pour l’autre
Quant à La Suite du Menteur, son influence est indubitable, puisque cette pièce est mentionnée au sein même de la dernière comédie de Brosse : Cléanthe est surpris par Lidamas en train de lire la pièce et ce dernier fait ensuite à son père l’éloge de cette « poësie »L’Aveugle Clair-voyant apparaît également dans La Suite du Menteur. Dans l’une et l’autre pièce, la jeune fille, rusée et peu soucieuse de son honneur, adopte le comportement typique des femmes des comedias espagnolesL’Aveugle clair-voyant n’hésite pas à demander à son amant de l’enlever et la Mélice de La Suite du Menteur offre son portrait à un inconnu et l’invite dans la demeure qu’elle partage avec son frère.
D’autres éléments, présents à la fois dans les deux pièces de Corneille et dans celle de Brosse, se rattachent plus largement à la dramaturgie des comedias espagnoles. Il en va ainsi pour le déguisement, et plus particulièrement pour le déguisement verbal qui repose uniquement sur le discours du personnage. Ainsi, dans sa thèse intitulée L’Esthétique de l’identité dans le théâtre français (1550-1680) : le déguisement et ses avatars, Georges Forestier déclare :
L’examen des sources de nos pièces révèle, en effet, que si des
comediassont à l’origine de comédies à déguisement d’apparence (…), cette influence est beaucoup plus sensible pour les pièces à déguisement verbal. Le théâtre espagnol préfère dans l’ensemble le jeu rhétorique au jeu visuel – plutôt l’apanage des Italiens – à moins que le personnage déguisé ne soit un bouffon. L’Esthétique de l’identité dans le théâtre français (1550-1680) : le déguisement et ses avatars, Droz, 1988, p. 61.
Soulignons toutefois le caractère particulier des déguisements de L’Aveugle clair-voyant. Les deux déguisements principaux, ceux sur lesquels repose l’action de la pièce, ne sont pas dus au changement d’identité, de condition ou de sexe de l’un des personnages, comme c’est fréquemment le cas dans le théâtre du XVIIe siècle. Nous sommes plutôt confrontés à un changement d’état. En effet, Cléanthe n’a pas deux personnalités distinctes : il est toujours le père de Lidamas et de Mélice et il montre son autorité paternelle en interdisant à cette dernière d’épouser Thélame. Cependant, il diffère légèrement de la personne qu’il était avant de partir pour Dunkerque puisqu’il contrefait l’aveugle. Il apparaît donc à ses enfants plus vulnérable et plus facile à tromper. De la même manière, Olimpe est toujours la jeune veuve qui s’est engagée auprès de Cléanthe, mais elle n’est plus tout à fait la même jeune femme puisqu’un soi-disant accident l’a défigurée. L’avantage de ce type de déguisement est qu’il évite les reproches d’invraisemblance formulés par certains théoriciens du XVIIe siècle. Ainsi, La Mesnardièreibid., p. 80.Poétique, critique l’invraisemblance de certains déguisements physiques où le personnage déguisé n’est pas reconnu par son amant(e) ou par ses parents.
Toutefois, la pièce met également en scène des déguisements plus « traditionnels », faisant intervenir un changement d’identité. Ainsi, Nérine prend la place d’Olimpe, à la scène 4 de l’acte II, et se fait passer pour sa maîtresse auprès de Cléanthe. L’auteur a soin de nous préciser dans la scène précédente que ce déguisement est tout à fait plausible puisque la voix de Nérine ressemble tant à celle d’Olimpe qu’à les « ouïr parler on prend l’une pour l’autre » (v. 526).
En outre, certains déguisements sont également imposés aux personnages. En effet, Thélame et Lidamas, respectivement à la scène 2 de l’acte II et à la scène 3 de l’acte IV, sont contraints par Cléanthe, leur prétendue victime, à endosser le rôle de Sylvestre : ils ne peuvent en aucun cas révéler leur présence, puisque se serait en même temps avouer qu’ils cherchent à duper l’« aveugle », et doivent endurer la colère du maître contre son valet trop insolent.
Plusieurs caractéristiques rapprochent les déguisements que nous venons de mentionner. Ainsi, ils sont tous découverts, excepté bien entendu le déguisement de Cléanthe, à l’instant même où ils sont mis en œuvre. Cette particularité vient du fait que dans la dernière pièce de Brosse, les personnages se contentent d’affirmer qu’ils sont autres, se satisfont d’un simple déguisement verbalibid..L’Aveugle clair-voyant, du fait que les personnages ne déterminent leurs actions qu’en fonction de la feinte cécité de Cléanthe. Il prend pour exemple la scène 5 de l’acte I, où Olimpe raconte à Cléanthe la façon dont elle a été défigurée :
L’originalité – et l’intérêt – de la scène, dont l’ambiguïté devait être beaucoup plus nette à la représentation, est déjà largement sensible à la lecture : deux personnages « normaux » cherchent à se persuader mutuellement qu’ils ne le sont plus, que l’intégrité de leur personne a été entamée ; rencontre de deux apparences mensongères qui, c’est là que réside le tour de force de Brosse, ne sont précisément pas apparentes. Face à face,
deux déguisements sans déguisement« Dramaturgie de l’oxymore dans la comédie du premier XVII .esiècle : le théâtre comique de Brosse », p. 23.
Nous avons vu que tout le monde, ou presque, se déguise dans L’Aveugle clair-voyant au moins à un moment ou à un autre, si ce n’est tout au long de la pièce. Or, le processus de déguisement provoque un autre phénomène : le dédoublement de la personne. Chaque personnage déguisé est en effet amené à jouer un rôle. Cependant, le principe du jeu de rôle dépasse le concept de déguisement pur et simple et peut également s’appliquer aux dissimulations de pensée. En effet, Mélice, aux actes III et IV, joue le rôle de la fille obéissanteróle qu’ [il] jou[ë] » et son valet lui répond : « Si j’y manque d’un mot, couvrez-moy les deux jouës »
Quelle que soit la manière dont il est déguisé, le personnage concerné se voit pourvu d’un rôle qui se surajoute à son rôle de base. Tout personnage déguisé joue donc, volontairement ou non, consciemment ou non, un rôle devant un autre personnage, au moins, qui se trouve ainsi dans une position de spectateur, et qui est amené à réagir devant le jeu du comédien. Il peut être pris par le jeu et se trouver ainsi victime de l’illusion ; il peut être mis dans la confidence et devenir complice de l’illusion dont sont victimes les autres personnages.
L’Esthétique de l’identité dans le théâtre français (1550-1680) : le déguisement et ses avatars, p. 223.
Pendant les quatre premiers actes, Lidamas, Olimpe, Mélice, Thélame et Nérine sont à la fois les spectateurs et les victimes des rôles joués par Cléanthe et son complice, Sylvestre. Puis c’est au tour de Cléanthe, une fois son déguisement découvert (acte V), de devenir la victime du jeu des autres personnages, Lidamas, Olimpe et Sylvestre s’alliant pour le mettre en défaut. Les personnages, devenus véritablement les doubles des spectateurs « réels », à partir du moment où ils ont les mêmes informations qu’eux, vont même se laisser aller à commenter le jeu des autres, à souligner les passages ou ceux-ci font preuve de virtuosité. Ainsi, Cléanthe félicitera Sylvestre, à la fin d’une scène où ils ont joué un tour à Mélice et Thélame, par ces mots : « Au reste tu m’as pleu dans ta naïveté »
Nerine dont la voix imite tant la vostre, Qu’à vous ouïr parler on prend l’une pour l’autre, Me fournit un moyen facile & non commun Pour esloigner de vous cet Amant importun Acte II, scène 3, v. 525-528. Nous soulignons. .
Puis c’est au tour de Cléanthe :
Mon esprit occupé dans un dessein si beau M’en fournit un moyen agreable & nouveauActe IV, scène 5, v. 1662-1663. Nous soulignons. .
On se plaît, en outre, à mettre en évidence la part de jeu dans l’expression de tel ou tel sentiment. Par exemple, Lidamas rapporte à Olimpe ce qu’il a raconté à son père à propos de l’« accident » de la jeune veuve, en soulignant son jeu d’acteur : « Doncques d’une voix triste, Olimpe, mon cher pere, / N’est plus, luy dis-je lors, en estat de vous plaire »en se moüillant les yeux »
On ne se lasse donc pas de répéter que tout ceci n’est qu’un jeu, mais on montre également que l’on prend du plaisir à jouer. En effet, même si Cléanthe utilise aussi son déguisement pour se venger et donner une leçon aux jeunes gensL’Esthétique de l’identité dans le théâtre français (1550-1680) : le déguisement et ses avatars, Georges Forestier dégage huit finalités motivant les déguisements conscients : l’approche, la conquête, la reconquête, la fuite, la délivrance, le pouvoir ou héritage, la tromperie, le tour (voir p. 113 et suivantes).
Comme on vient de le voir, héros et héroïnes ont presque toujours une bonne raison de tromper. Aussi reste-t-il peu de cas (…) où une motivation plus explicite ne se superpose pas à la tromperie. Non que la tromperie soit une motivation gratuite. C’est toujours une motivation qui sert à réaliser autre chose, mais on a l’impression que le plaisir de tromper est près de l’emporter sur la nécessité de se déguiser
. Ibid., p. 123.
Georges Forestier ajoute également que la tromperie est liée au thème du passe-temps, du divertissement, « thème fréquent dans la comédie du deuxième tiers du XVIIe siècle »Ibid., p. 345.L’Aveugle clair-voyant. Ainsi, Cléanthe, à la scène 5 de l’acte I, veut « donn[er] plaisamment une fin qui réponde à ce commencement »
Cependant vous & moy, prenons la hardiesse De faire à cét aveugle entre nous quelque piéce, Si vous donnez croyance aux avis d’un valet, Vous aurez un plaisir qui ne sera pas laid;Joint qu’il est à propos que par quelque industrie Tout vostre procedé passe en galanterie, Il faut que vostre pere entre en un sentiment Que vous n’ignoriez pas son feint aveuglement, Et que les libertez prises en sa presence N’estoient que des essays d’user de patience v. 1393-1402. Nous soulignons. [.]
Deux motivations sont exprimées ici par Sylvestre : le plaisir dans un premier temps, puis la volonté de faire passer les méfaits de Lidamas et d’Olimpe pour des « galanteries ». Aucune de ces deux finalités ne semblent avoir une plus grande importance que l’autre, la notion de plaisir étant même énoncée avant l’autre motif. Sylvestre semble vouloir joindre l’utile à l’agréable. Lidamas, Olimpe et Sylvestre vont ainsi jouer une série de petites saynètes visant à persuader Cléanthe qu’ils étaient au courant de sa ruse depuis le début. La notion de plaisir est encore réaffirmée à la dernière scène de la pièce où Cléanthe enjoint les autres personnages à « laiss[er] la feinte à part » et « à tir[er] de vrais plaisirs, de véritables causes »
Cléanthe, dans les vers que nous venons de citer, oppose les feintes et les plaisirs illusoires qu’elles engendrent à la réalité et ses « vrais plaisirs ». Il met ainsi en évidence le jeu sur le réel et l’illusion, l’être et le paraître qui était présent pendant toute la pièce, notamment à travers les mensonges et les déguisements.
Ce jeu est d’ailleurs accentué par l’alternance de scènes où les personnages jouent un rôle et de scènes où ils se montrent tels qu’ils sont en réalité. Par exemple, Cléanthe entre deux scènes où il joue l’aveugle devant l’un de ses enfants, laisse tomber le masque quand, seul ou avec Sylvestre, il s’indigne des fourberies de Mélice, Thélame, Lidamas et Olimpe.
En outre, il faut également relever l’ambiguïté de certains couples de scènes. En effet, les personnages sont parfois conduits à jouer une scène qu’ils avaient auparavant vécue. Ainsi, à la scène 1 de l’acte V, Lidamas menace de tuer Sylvestre parce que celui-ci l’a brouillé avec sa maîtresse :
Lasche & perfide autheur d’un raport qui m’offence, Tu ne te peux soustraire à ma juste vengeance Sans mettre en contrepoids ma naissance & ton rang, Pour laver ton forfait je verseray ton sang,
Il réitérera ses menaces, à la scène 7 du même acte, au cours d’une des « pièces » jouées à Cléanthe, où cette fois, théâtralement, il fera mine de les mettre à exécution :
Le perfide qu’il est par un motif couvert, Craint de desavoüer un rapport qui me perd. Mais puisque par l’effet d’un respect qui le touche, La verité ne peut s’apprendre de sa bouche, Puissamment transporté de mon juste dessein, Je m’en la vay chercher jusque dedans son sein. (Il feind de luy vouloir donner un coup de poignard. Cleanthe luy retient le bras.)
De la même manière, le réel s’assimile presque à l’illusion, le vrai et le faux en viennent presque à se confondre, lorsque Sylvestre clame son innocence devant les accusations de Cléanthe. À l’acte I, scène 4, il est effectivement innocent quand Cléanthe lui reproche de ne pas lui avoir tout dit :
CLEANTHE Lidamas t’aura dit quelqu’autre chose encor Que tu me veux celer en faveur de son Or. Mais poursuis. SYLVESTRE Si ma dague estoit bien émouluë J’ouvrirois [à] vos yeux ma poitrine veluë. C’est tout, [ou] jamais Vin n’entre dedans mon corps, Et cela c’est vouloir passer au rang des morts v. 243-248. .
Mais à l’acte V, scène 4 c’est avec tout autant d’assurance qu’il clame son innocence, bien qu’il soit, cette fois, coupable :
CLEANTHE Aucun d’eux ne sçait mon stratageme ? SYLVESTRE Je demeure confus à cét interrogat Il me frappe à l’honneur je vous le dis tout plat. Il semble à vous ouyr, que je sois la gazette, Mais pour vos interests j’ay la gueule muette v. 1442-1446. .
Enfin, l’ambiguïté culmine au dernier acte puisque la pièce s’achève dans la déréalisation la plus complète : Cléanthe qui croyait avoir (et qui a effectivement) trompé tout le monde en vient à douter et finit par se demander si ce n’est pas lui, finalement, la victime de l’illusion
Les divers procédés que nous venons d’étudier, ont encore une autre incidence : les déguisements, les jeux de rôle, les diverses remarques d’ordre métatextuelles, l’ambiguïté entre le vrai et le faux rompent et dénoncent l’illusion théâtrale. Le jeu devient apparent à certains moments ; ces personnages qui incarnent eux-mêmes des personnages, qui deviennent donc des acteurs, renvoient le spectateur à ce qu’il a devant les yeux, à la représentation théâtrale à laquelle il assiste. Les scènes qui mettent en évidence le jeu de rôle « se donnent à lire comme image symbolique de l’activité théâtrale »Le Théâtre dans le théâtre sur la scène française du XVII e siècle, p. 347.
Ces divers éléments renforçant le jeu entre le réel et l’illusion participent de la « dramaturgie de l’ambiguïté » que l’on retrouve dans tout le théâtre comique de Brosse, comme le montre d’emblée les titres paradoxaux qu’il donne à ses comédies.
Dans les années 1640-1650, l’engouement pour la comédie à l’espagnole va favoriser une autre mode : celle des pièces à titres paradoxaux car, comme le remarque Georges Forestier, « même si les titres des pièces espagnoles de l’époque ne sont pas particulièrement paradoxaux, les paradoxes figurent au premier rang des jeux de " conceptisme " dont sont remplies les comedias »e siècle : le théâtre comique de Brosse », p. 6.Ibid. p. 7.
Dans
L’Aveugle clairvoyant, l’oxymore constitue au contraire la donnée fondamentale d’où découle toute l’action de la pièce . Elle est de bout en boutincarnéepar le même personnage, et jusqu’au dernier acte, aucune des victimes de l’illusion n’a conscience de l’être. » Ibid., p. 24
Dans L’Aveugle clair-voyant, Cléanthe est le maître du jeu, et c’est lui qui crée intentionnellement l’illusion dont ses enfants et leurs amants seront les victimes. On retrouve donc l’opposition entre l’être et le paraître que nous avons déjà évoquée : si Cléanthe peut-être à la fois aveugle et clairvoyant, c’est que l’une de ces caractéristiques n’est qu’une apparence, tandis que l’autre renvoie à la réalité. On peut noter que Cléanthe exprime verbalement l’oxymore lorsqu’il dit : « Je suis Aveugle enfin, & ne vy jamais mieux »
Cependant, c’est par une autre figure de rhétorique que Brosse rappelle constamment au spectateur l’écart entre le réel et l’illusion : l’ironie. Il convient tout d’abord de distinguer « ironie dramatique » et « ironie verbale », toutes deux présentes dans L’Aveugle clair-voyant :
Tout déguisement qui n’établit pas un mystère crée une situation d’ironie dramatique au détriment de la victime du déguisement, le spectateur étant plus informé que le personnage. Cette ironie dramatique se double d’ironie verbale quand le personnage déguisé s’exprime en jouant sur sa double identité, la vraie et la fausse
Georges Forestier, .L’Esthétique de l’identité dans le théâtre français (1550-1680) : le déguisement et ses avatars, n. 4 p. 225.
Liée à l’écart de savoir qui existe entre le personnage et le spectateur, l’ironie va pendant les quatre premiers actes être principalement le fait de Cléanthe. D’ailleurs, il suffit que ce dernier soit présent sur scène pour que soit créée une situation d’ironie dramatique. Cependant, dans L’Aveugle clair-voyant, celle-ci est presque toujours accompagnée d’ironie verbale : le vieillard truffe son discours de paroles à double entente, que le public seul (et Sylvestre) comprend véritablement. Pour les autres personnages, les paroles de Cléanthe n’ont qu’un seul sens. Pour reprendre les termes de Georges Forestier, le destinateur de l’ironie est Cléanthe, son destinataire le public principalement, et les cibles sont les enfants de Cléanthe et leurs amants. Cet état de fait crée bien entendu une complicité entre Cléanthe et les spectateurs, ce qui n’est pas étranger à la sympathie que l’on ressent pour ce personnage
Que je doy rendre au Ciel de graces & de vœux De vous trouver si soupple à tout ce que je veux v. 863-864. Voir aussi les vers 869-870. !
Cependant, si Cléanthe est celui qui ironise le plus de manière consciente, d’autres personnages soit font des remarques ironiques sans le savoir, soit pensent à tort que leur ironie n’est pas perçue par le personnage auquel ils font face. Ainsi, l’acte II se clôt brillamment par cette remarque d’Olimpe :
Certes si je pouvois l’estimer aujourd’huy Je me declarerois plus aveugle que luy v. 655-656. .
La jeune veuve se retrouve la cible de l’ironie dont elle est elle-même le destinateur : abusée par Cléanthe, elle est effectivement, à ce moment de la pièce, « plus aveugle que luy ». Le plaisir du spectateur se trouve sans aucun doute augmenté par le fait qu’aucun des personnages présents sur scène ne comprend le double sens contenu dans la phrase d’Olimpe, cette dernière étant seule avec Nérine qui est tout aussi ignorante qu’elle. À l’acte V, scène 4, Cléanthe devient aussi la victime de sa propre ironie lorsqu’il dit à Sylvestre, qui vient de le trahir (scène 2) : « Miroir des bons valets, & des vrays confidents » (v. 1447). À la scène 4 de l’acte II, Nérine emploie également ce trope, quand, se faisant passer pour Olimpe, elle dit à Cléanthe qui croit parler à sa fiancée :
Vous me faites rougir par trop de complaisance, Fist le Ciel que vos yeux aussi bons qu’autrefois v. 594-595. Voir aussi les vers 608 à 612 où Nérine, suivant le même procédé, dit à Cléanthe : « Monsieur vous m’honorez plus qu’il ne m’appartient, / Reservez vos presens pour de plus belles Dames, / Je ne merite pas ny vos dons ny vos flames, / Et je puis assurer que si vous me voyez / Vous plaindriez vos presens s’ils m’estoient envoyez. » […]
Cependant, le maître de maison, nullement aveugle, voit tout et sait tout. C’est pourquoi, non seulement il comprend l’ironie du discours de Nérine, mais il renchérit encore en répondant par des paroles tout aussi équivoques :
Madame, c’est assez, croyez que je vous vois, v. 596.
Le même procédé se retrouve dans la tirade de Mélice à la scène 3 de l’acte III. En effet, la jeune fille, qui vient d’écrire sous les yeux de son père le contraire de ce qu’il lui dictait, lui dit avant de partir :
La pieté m’oblige, & le Ciel me convie D’obeïr à celuy duquel je tiens la vie, Tousjours de vos desirs je hasteray l’effect Avec tout le plaisir & le soing que j’ay fait, v. 865-868.
L’ironie peut encore être employée consciemment de façon à ce que l’interlocuteur la remarque. Cette utilisation est visible au cinquième acte où la supercherie de Cléanthe est révélée aux autres personnages qui veulent désormais faire croire à l’aveugle qu’ils n’ont jamais été dupes de sa feinte. Olimpe en use ainsi à la scène 6 de l’acte V quand elle fait remarquer à Cléanthe qui vient de l’empêcher de tomber :
Je puis apres le trait que vous venez de faire Conclure encor qu’Amour vous guide & vous esclaire. Et qu’en tous vos besoins, sensible & pourvoyant, Quand il luy plaist d’Aveugle il vous rend clair-voyant. v. 1547-1550.
Le double sens des paroles d’Olimpe est parfaitement perceptible pour son interlocuteur puisque Cléanthe qualifie le discours de la jeune veuve de « suspect ».
Liée à la « dramaturgie de l’ambiguïté », l’ironie contribue également au comique dans L’Aveugle clair-voyant. En effet, comme le souligne Roger Guichemmerre, « la disconvenance (…) entre ce que le personnage croit dire et ce qu’il dit réellement » ou encore le contraste entre ce qu’il dit et ce qu’il pense, provoque chez le spectateur « le plaisir tout intellectuel de mieux comprendre la situation que les protagonistes »La comédie avant Molière, p. 279.Littératures classiques, n° 27, printemps 1996.
Ce dernier point est assez rare dans une pièce mettant en scène un vieillard amoureux pour être mentionné. L’absence de personnage ridicule ressort particulièrement si l’on compare notre comédie à celle de Marc-Antoine Legrand. En effet, l’auteur du XVIIIe siècle, dont la pièce se rapproche plus de la farce, a, comme nous l’avons déjà dit, adapté la comédie de Brosse en un acte en faisant disparaître Mélice et Thélame et en les remplaçant par deux personnages intrinsèquement ridicules : une vieille coquette et un médecin prétentieux nommé Lempesé. Dans la pièce de Legrand, Olimpe est rebaptisée Léonor et porte le même nom que la vieille coquette qui est, par ailleurs sa tante. Lidamas, appelé Léandre, n’est plus le fils mais le neveu de Cléanthe, nommé Damon dans la comédie du XVIIIe siècle. Instruit de l’inconduite de sa jeune fiancée qui se laisse courtiser par Lempesé et qui témoigne une vive affection pour Léandre, lui-même censé être en Flandre, Damon décide de feindre l’aveuglement pour percer à jour les manigances des uns et des autres et surtout pour se divertirL’Aveugle clairvoyant, comédie de Legrand, scène 3.Ibid., scène 4Ibid., scène 5Ibid., scène 11.Ibid., scène 10 : « DAMON : Mais comment Léonor me croit-elle si bête, / Et peut-elle me tendre un si grossier appât ? / MARIN : Elle vous croit aveugle, et vous ne l’êtes pas ; / Peut-être que l’étant, vous prendriez le change. / DAMON : Il faudroit que je fusse en un état étrange, / Et que j’eusse perdu tous les sens à la fois. ».
Au contraire, dans la comédie de Brosse, tous les personnages sont intelligents : l’insistance avec laquelle l’auteur souligne leur adresse à tromper et leur facilité à manier l’ironie en sont des preuves certaines. Il est vrai qu’à deux reprises Brosse nous propose des scènes burlesques. Il s’agit bien entendu de la scène 2 de l’acte II et de la scène 4 de l’acte III où Cléanthe frappe respectivement Thélame et Lidamas en feignant de châtier l’insolence de Sylvestre. On rit alors effectivement des deux jeunes gens mais on ne rit pas tant des personnages en eux-mêmes que de la situation dans laquelle leurs mensonges les ont conduits. Le spectateur, loin de ressentir un véritable mépris pour Thélame et Lidamas éprouve plutôt un amusement admiratif devant l’habileté de Cléanthe et ne peut résister aux plaintes de Sylvestre qui proteste contre la rudesse des coups de son maître tandis qu’un autre les reçoit.
L’outrance présente dans le jeu de Cléanthe est un autre élément du comique. « L’aveugle » et son valet exagèrent en effet parfois les problèmes provoqués par la cécité du maître. Ainsi, à la scène 5 de l’acte I, le jeu de scène accompagnant les vers 533 à 536 ne peut que susciter le rire :
CLEANTHE Madame… SYLVESTRE Attendez donc que vous soyez vers elle, Vous ressemblez les chiens de chez Jean de Nivelle, Vous abbayez de loing. Avancez, Alte-là. Tournez-vous autrement, parlez, vous y voila.
Le comique de ce passage est encore renforcé si l’on considère la manière dont Cléanthe fait sa cour à Olimpe après cette laborieuse arrivée :
J’y suis venu, Madame, accompagné d’un Dieu, Amour qui dans mon cœur en souverain preside M’a conduit par la main & m’a servi de guide, Luy seul jusques à vous a pris soin de mes pas v. 540 à 543.
Après avoir eu toute les peines du monde à parler à Olimpe face à face, Cléanthe lui dit galamment que seul l’Amour l’a conduit vers elle, faisant ainsi de Sylvestre l’incarnation du Dieu ! De la même manière, Cléanthe caricature l’emportement amoureux lorsqu’il embrasse avec ferveur la main de Lidamas pendant une dizaine de vers, tout en déclarant :
Quels transports ? ô Ciel je n’en puis plus. Encor un peu de temps, & j’expire dessus. Chaste albastre animé, belle main que je touche, Tu peux prendre mon cœur, il est dedans ma bouche Acte IV, scène 2, v. 995-998. .
Brosse tire également un effet comique du déguisement de Cléanthe, visible dans la scène que nous venons d’évoquer. En effet, si l’on rit d’un personnage ridicule, voir un personnage déguisé jouer les ridicules peut provoquer un plaisir supérieur. Ainsi, Cléanthe en embrassant avec ferveur la main de Lidamas se ridiculiserait totalement si le spectateur ne savait pas qu’il joue la comédie.
On peut également souligner la gratuité de certaines scènes qui ne font en aucun cas avancer l’action et qui ne sont réellement présentes que pour faire sourire le spectateur. Il en va ainsi pour le monologue de Lucille (IV, 4). Le seul intérêt dramatique de cette scène est que Lucille laisse échapper la lettre de Thélame. Pourtant, Brosse en profite pour placer une longue réflexion sur le bavardage des femmes, un poncif de la comédieLes Valets et les Servantes dans le théâtre comique en France de 1610 à 1700, donne de nombreux exemples de ces « multiples allusions [qui] fustigent le caquet des valets et, surtout, des servantes. (…) Les éternelles railleries sur les bavardages féminins, autre expression d’une vieille misogynie, se sont ici fixées sur les catégories féminines inférieures. » (p. 263).
Enfin, le spectateur de L’Aveugle clair-voyant s’amuse aussi des tours qui sont joués aux personnages. Il éprouve un plaisir indéniable à voir les autres se faire duper, plaisir encore accru dans la comédie de Brosse puisque les trompeurs y sont toujours trompés. Ainsi, Lidamas, dont le plan est exposé dès la scène 2 de l’acte I, avant que le spectateur n’ait eu connaissance de la feinte de Cléanthe, apparaît comme celui qui va berner son père. Dès la scène 4 de l’acte I, nous apprenons qu’il n’en est rien et qu’au contraire il va être la dupe. De même, à l’acte V, Cléanthe, qui maîtrisait pourtant totalement la situation pendant les quatre premiers actes, est finalement trompé par Olimpe et Lidamas.
Le comique repose aussi sur le personnage de Sylvestre. En effet, si l’ironie des maîtres est source de comique, la verve de Sylvestre est tout aussi efficace. Sylvestre, sur ce point, ne diffère pas du type traditionnel du valet : il utilise un langage pour le moins imagé. Les tours proverbiaux prolifèrent. On peut citer, par exemple, « Vous ressemblez les chiens de chez Jean de Nivelle » (v. 534), « En se pensant brancher le bel oyseau s’engluë » (v. 934) ou encore l’expression « friser la corde » (v. 478). Le discours de Sylvestre regorge en outre de jeux de mots et de métaphores. Il n’y a qu’à voir la manière dont le valet joue avec la métaphore usée « se passer la corde au cou » :
CLEANTHE Quel secret important as-tu donc à m’apprendre ? SYLVESTRE Que depuis ce matin j’enrage de me pendre. CLEANTHE De te perdre meschant, n’és-tu pas yvre ou fou ? SYLVESTRE J’en ay jetté la pierre & lancé le caillou, Sur ce poinct desormais ma volonté s’obstine, Je veux estre pendu, mais au cou de Nerine, Ce gibet me plaist tant, je le dis sans peché, Que je seray ravy de m’y voir attaché v. 785 à 792. .
Un style plus familier, l’utilisation de mots bas comme « drillez » ou « gueule », l’emploi de mots considérés comme comiques ou burlesques par les dictionnaires de l’époque (voir par exemple les notes concernant les mots « opilee » (v. 261), « moult » (v. 262), « phœnix » (v. 480) ou encore « estocader » (v. 1438) ) achèvent de distinguer le discours de Sylvestre de celui des autres personnages. Son langage est en outre caractérisé par une abondance de paroles et une vivacité certaine. Jean Emelina remarque, à juste titre, qu’« il faudrait aussi tenir compte du débit dans la parole des serviteurs. (…) Le rythme des phrases, les accumulations de termes, les exclamations (…) suffisent à indiquer que l’acteur, qui joue les valets doit, le plus souvent, parler vite »Ibid., p. 265.
Ce jeu ne me plaist pas, & la main sur la pance J’enrage de bon cœur aussi tost que j’y pense. Moy n’avoir aujourd’huy rien humé que du vent ! Ma foy j’éviteray ce mal d’orénavant. Plustost que de jeusner, j’iray la teste nuë, Estocader du bras les passans dans la ruë Mon Maistre me [deusse-t] -il….. il vient à petits pas. v. 1433 à 1439.
Il faut en outre imaginer la gestuelle qui accompagne cette tirade (il est probable qu’à la représentation, Sylvestre mimait sa façon d’« estocader » les passants) et l’on conviendra que l’acrobatie verbale accompagne l’acrobatie physique.
Il n’existe qu’une seule édition de L’Aveugle clair-voyant, publiée en 1650 par Toussainct Quinet. En voici la description :
1 vol., 4 ff. non paginé [I-I bl-VI], 108 p.
[I] : L’AVEUGLE / CLAIR-VOYANT, / COMEDIE. / Representée sur le Theatre Royal / devant leurs Majestez. / (Vignette) / A PARIS, / Chez TOUSSAINCT QUINET, au Palais, sous la montée / de la Cour des Aydes. / M. DC. L. / AVEC PRIVILEGE DU ROY.
[II] : verso blanc.
[III-VI] : épître dédicatoire.
[VII] : extrait du privilège du roi.
[VIII] : les acteurs.
1-108 : le texte de la pièce, précédé d’un rappel du titre en haut de la première page.
Nous avons consulté les exemplaires disponibles à la Bibliothèque nationale, à la bibliothèque de l’Arsenal, à la bibliothèque Mazarine, à la bibliothèque de la Sorbonne et à la bibliothèque Sainte-Geneviève
Ainsi nous retrouvons la même erreur de pagination. En effet, la page 79 est numérotée 63 (cahier K) et, à partir du cahier L, la numérotation des pages est décalée d’un cahier (p. 73=81, p. 74=82, etc.) et ce, jusqu’à la fin de la pièce. Toutefois, l’exemplaire de la bibliothèque Mazarine présente une erreur de pagination supplémentaire : la première page du cahier N porte le n° 79 au lieu du n° 89. Cette unique variante est vraisemblablement due à une correction sous presse effectuée au cours du tirage.
En règle générale, nous avons conservé l’orthographe et la ponctuation de l’édition originale, à quelques réserves près :
Les rectifications apportées sont signalées entre crochets dans le texte.
Nous avons corrigé la disposition des vers 1683 et 1684 : J’y consens était rattaché au v. 1683 alors qu’il complétait le v. 1684.
Suivant l’usage, nous avons mis les indications scéniques entre parenthèses.
La comédie est entièrement écrite en alexandrins, à l’exception de deux passages en octosyllabes : une lettre de Melice
MONSEIGNEUR
LE COMTE
DU DAUGNIONe siècle, par Mazarin. Il se révolta pendant la Fronde et ne renonça à la rebellion qu’en mars 1653 en échange notamment du bâton de maréchal et d’une promesse d’amnistie. Il ne semble toutefois pas avoir été le courageux soldat que dépeint Brosse dans son épître puisqu’en 1646, après la mort du jeune amiral Maillé-Brezé qu’il secondait au cours de la bataille d’Orbitello, « il crut opportun de ramener sans tarder la flotte à Toulon, sans se préoccuper du petit corps expéditionnaire demeuré à terre. » (Voir le Dictionnaire du Grand Siècle, sous la direction de François Bluche, p. 612.)
LIEUTENANT GENERAL
Pour le Roy aux Villes & Gouvernemens de Broüage, La Rochelle, Païs d’Aulnis, Isles & Citadelles d’Olleron & de Ré. Seul Lieutenant General des Armées Navales de sa Majesté, & Intendant general de la Marine, Navigation & Commerce de France.
MONSEIGNEUR,
Je serois plus Aveugle que celuy que je vous présente, si m’estant proposé de le faire passer pour Clair-voyant : J’empruntois d’autre que de vous de l’esclat, du jour, & des lumieres. Comme je ne croy pas que cette production soit assez puissante pour se soutenir d’elle-mesme, je n’estime pas aussi qu’elle ait si peu de force qu’elle ne puisse entreprendre un voyage de cent lieuës, pour rencontrer où vous estes un Protecteur & un Appuy. Quelques vers que je vous ay desja presentez
MONSEIGNEUR,
Vostre tres-humble, tres-obeissant
& tres-obligé*serviteur*, BROSSE.
Par grace & privilege du Roy donné à Paris le 10. jour de Novembre 1649. Signé, Par le Roy en son Conseil, Le Brun. Il est permis à Toussainct Quinet Marchand Libraire à Paris, d’imprimer ou faire imprimer, vendre & distribuer une piece de Theatre intitulée, L’Aveugle Clair-voyant, Comedie, du sieur Brosse, pendant le temps de cinq ans entiers & accomplis. Et defenses sont faites à tous Imprimeurs, Libraires & autres, de contrefaire le dit Livre, ny le vendre ou exposer en vente d’autre impression que de celle qu’il a fait faire, à peine de trois mil livres d’amende, & de tous despens, dommages & interests, ainsi qu’il est plus amplement porté par lesdites Lettres, qui sont en vertu du present extrait tenuës pour bien & deuëment signifiees, à ce qu’aucune siècle, « aucun, pronom substantif sans antécédent, s’emploie dans le sens de personne dans une proposition négative. Cf. Que chacun se retire et qu’aucun n’entre ici. (Corn., Cinna, II, 1, 355.) – Deux jours s’étoient passés sans qu’aucun vînt au puits. (La Font., Fables, XI, 6, 25.) » (Haase, § 50, B, Rem. II, p. 107).
Achevé d’imprimer pour la premiere fois
le 2. Mars 1650.
Les exemplaires ont esté fournis.
Pour définir le sens des mots, nous avons utilisé les trois dictionnaires de la fin du XVIIe siècle, désignés par les lettres suivantes :
Nous nous sommes également aidés du Lexique de la langue du XVII e siècle de Gaston Cayrou pour préciser le sens de certains termes.
Nous indiquons en gras les occurrences portant un astérisque dans le texte.
Toutes les œuvres de Brosse sont accessibles sur le site : http://gallica.bnf.fr
Accessible sur le site : http://www.lib.uchicago.edu/efts/ARTFL/projects/dicos/