Molière is not only known as an author and as a man, he also appears as a character in numerous plays written during the eighteenth centuryMolière and the Age of enlightenment, dans Studies on Voltaire and the eighteenth century, Éd. de Theodore Besterman, vol. CXII, The Voltaire Foundation, Thorpe Mandeville House, Banbury, Oxfordshire, 1972, p. 20. Nous traduisons : « Molière n’est pas seulement connu en tant qu’écrivain et en tant qu’homme, il apparaît également en tant que personnage dans de nombreuses pièces du XVIIIe siècle. »
Imaginez : vous entrez dans la maison de Molière à Auteuil, un soir, peut-être vers la fin des années 1660. Là, vous tombez nez à nez avec Boileau, La Fontaine, Lully, Chapelle et Baron, festoyant gaiement autour de vins – ou de boissons lactées – et de vaudevilles. La soirée bat son plein, et les convives, notamment Chapelle, il faut bien le dire, sont si imprégnés d’effluves alcoolisées, qu’ils décrètent que la vie n’est que misère et que leur seule issue est d’en finir avec elle : la rivière n’est pas loin, allons nous y jeter ! Se noyer la nuit ou attendre le lendemain matin : telle sera la question posée par Molière… Entre mariage heureux, soirée arrosée et lendemain incertain, cette petite pièce historique – ou non –, mêlée de vaudevilles, ne manquera sans doute pas de vous faire sourire !
Charles-Louis Cadet de Gassicourt, (dit Cadet-Gassicourt pendant la Révolution), traversa une période particulièrement riche de l’histoire de France : « assistant dans sa jeunesse à l’extinction du siècle des Lumières, il vécut ensuite les ambitions et les exagérations de la Révolution, la gloire et la chute de l’Empire, le retour hésitant de la Royauté. Chaque fois, il participa activement à ces événementsCharles-Louis Cadet de Gassicourt (1769-1821), Bâtard royal, pharmacien de l’empereur, Paris, Éditions Historiques Teissèdre, 2001, Avant-propos, p. 7. Pour cette première partie concernant l’auteur, nous nous appuyons essentiellement sur cet ouvrage très complet.Ibid.Ibid., p. 8.
Né le 23 janvier 1769, et baptisé en l’église Saint-Eustache à Paris – tout comme Molière en 1622 –, Charles-Louis fut probablement le fils illégitime de Marie-Thérèse-Françoise Boisselet, sa mère, et de Louis XV en personne. Les Mémoires de Paul Thiébault (1769-1846, général d’armée et ami de Gassicourt), en sont notamment un témoignage (tome V, p.370-372) :
On connaît les fastueuses amours de Louis XV, le zèle des agents de ses plaisirs pour découvrir et livrer à la fantaisie de ce monarque des beautés nouvelles. Mme Cadet lui fut signalée ; il paraît qu’elle ne résista pas et qu’elle sortit des bras de sa majesté grosse de Gassicourt
Cité par FLAHAUT (Jean), .op. cit., p. 20-21.
Jean Flahaut va également dans ce sens en soulignant que « tous ceux qui ont approché Charles-Louis ont laissé des témoignages affirmant sa grande ressemblance avec la lignée royaleIbid., p. 24.
Louis XV eut beau nommer Louis-Claude Cadet de Gassicourt membre de l’Académie des Sciences, ce dernier ne pardonna jamais à sa femme, et son unique concession fut de ne pas la répudier publiquement. Charles-Louis eut l’occasion de rencontrer son père biologique pour la première fois en 1774 ; alors âgé de cinq ans, il ne comprit sans doute pas la formule que Louis-Claude lui aurait dite à l’oreille : « salue papa roiIbid., p. 23 : Extrait d’un manuscrit de seize pages attribué à Charles-Louis, 1818-1820, paragraphe 13, « Ma naissance et mes premières années », Coll. Soc. Hist. Pharmacie. À cette occasion, Louis XV fit offrir à Marie-Thérèse un éventail représentant la venue de ce fils à Versailles.Ibid., p. 47.Ibidem.
Charles-Louis, avec son ami Thiébault, fréquenta, dès sa jeunesse, « une brillante et aimable sociétéIbid., p. 67.
Il tomba d’abord sous le charme d’une certaine Mademoiselle Lacroix, pour laquelle il rédigea une chanson, « La Croix », sur l’air : « Ce mouchoir belle Raimonde », que l’on retrouvera par ailleurs dans la pièce, scène IV, P. 12.
Puis il se maria avec Madeleine-Félicité Barré ; la cérémonie religieuse eut lieu le 8 janvier 1789, et deux fils, Charles-Louis-Félix et Louis-Hercule, naquirent de cette union. Mais les lettres de Mon voyage ou lettres sur la ci-devant province de Normandie, qu’il rédigea alors qu’il se cachait dans le Berry, au moment de sa condamnation à mort par contumace, témoignèrent de sa passion pour « Eugénie ». Il s’agirait de Mademoiselle de la Balme, jeune femme qu’il avait « rencontrée et aimée passionnément mais fort brièvement dans sa folle jeunesseIbid., p. 84.Ibid., p. 87.Ibid., p. 88.Ibid.
Cadet vécut alors chez son père, jusqu’à la mort de ce dernier, et mena une vie fort dissipée, conquérant le cœur de plusieurs maîtresses, parmi lesquelles Françoise Sancerotte, dite Mademoiselle de Raucourt, fameuse comédienne – Charles-Louis étant alors pharmacien de la Comédie-Française, cette fonction put créer des liens. Puis, il s’éprit de Marie Walter, « femme de petite vertu mais courtisane de renomIbid., p. 92.Ibid., p. 94.Ibid., p. 95.Souper ; néanmoins, Charles-Louis acquit sa propriété – située quant à elle à Chatenay-Malabry – en 1805, bien après, donc, l’écriture de la pièce, en 1794.
Notons la consonance déjà politique de la première œuvre de Charles-Louis : en 1788, il rédigea en effet une tragédie pour rire, facétie « fort spirituelle », intitulée La Restauration de la HalleIbid., p. 67. Jean Flahaut précise : « On y voit la reine des poissardes faisant appel à ses sujets pour couvrir ses dettes. »Ibid., p. 70.Ibid., p. 71.e siècle, on assista en même temps qu’à l’amenuisement de la domination aristocratique, à la naissance progressive d’une bourgeoisie de plus en plus consciente de son pouvoir, mais freinée par la « persistance de structures féodalesIbid., p. 111.Ibid.Ibid., p. 112.
Charles-Louis en tout cas compta beaucoup sur les États-Généraux, et laissa entendre l’idée d’une assemblée, qui prendrait les décisions, le roi devant se limiter à les faire appliquer. Au printemps 1789, il apprécia que le Tiers État « se trouve à égalité avec l’ensemble des deux autres ordresIbid., p. 113.Ibid., p. 120.e arrondissement de Paris. « L’appartenance à une Section dépend du lieu d’habitation » (ibid., p. 125). C’est pourquoi, lorsqu’il changea de domicile au début de l’année 1793, Charles-Louis passa à la Section du Mont-Blanc. Ibid., p. 121.Ibid., p. 123.Ibid.
Passé à la Section du Mont-Blance arrondissement de Paris.La Montagne à l’été 1793, qu’il signa « Par un sans-culotte », et, en décembre, il célébra Marat et Lepelletier, et prononça une ode à la création du Lycée Républicain. C’est à peu près à ce moment que la particule à son nom disparut, ce qui explique l’inscription « Cadet-Gassicourt » sous le titre du Souper. Alors désespéré par les violences révolutionnaires et les exécutions de la Terreur – notamment celle de Lavoisier, dont son père lui avait parlé, et qu’il avait plusieurs fois rencontré – il se replia sur lui-même : il écrivit alors Le Souper de Molière, qui fut joué dans les premiers jours de 1795. Le 15 septembre 1795 (29 fructidor an III), Charles-Louis participa aux insurrections contre la Convention : il fut jugé en tant que président de l’assemblée primaire de la Section du Mont-Blanc, le 17 octobre (25 vendémiaire), par le Conseil militaire de la butte des Moulins. On lui reprocha alors d’avoir été absent lors de perquisitions effectuées à son domicile : il fut donc condamné à mort par contumace, puisqu’ayant fui dans le Berry. Ainsi, pourtant très engagé dans les premiers temps de la Révolution, mais s’étant par la suite opposé à la Convention, Gassicourt fut décapité en effigie, place de Grève, « le 28 vendémiaire, à dix heures du matinIbid., p. 163.
Puis, le 25 août 1796 (8 fructidor an IV), Gassicourt, ainsi que tous les condamnés de vendémiaire, furent acquittés par le Tribunal Criminel du Département de la Seine. Ainsi, au sortir de la Révolution, la pensée de Charles-Louis était tout à la fois « réaliste, idéaliste et visionnaire » : « réaliste car il perçoit bien les défauts des gouvernements issus de la révolution » ; « idéaliste, car il est persuadé de la stabilité et de l’efficacité d’un gouvernement issu du peuple » ; et « visionnaire car les structures gouvernementales qu’il propose s’établiront quelque soixante-dix ans plus tardIbid., p. 169.Ibid., p. 170.Ibid.
Au moment de la Révolution régnait une certaine « effervescenceIbid., p. 354.Le Tombeau de Jacques Molai ou le secret des conspirateurs, à ceux qui veulent tout savoir, et une suite : Les initiés Anciens et Modernes. Gassicourt étant condamné à mort en vendémiaire an IV, ils furent présentés comme des ouvrages posthumes, et signés « CL CG DLSDMB CDV », autrement dit « Charles-Louis Cadet Gassicourt De La Section Du Mont Blanc Condamné De Vendémaire ». Ils connurent en tout cas un grand succès, puisqu’une seconde édition fut proposée l’année suivante. Enfin, sous l’Empire, dès 1805, Charles-Louis devint lui-même Franc-Maçon. Quant au domaine religieux, si Gassicourt fut tout d’abord lié à l’enseignement du Collège de Navarre, néanmoins, les amis de sa mère étant marqués par la légèreté, et ceux de son père (Lalande, d’Alembert, Condorcet, Bailly, Fourcroy, Vicq d’Azyr) « imprégnés des idées nouvelles éloignées des convictions religieusesIbid., p. 345.Ibid., p. 346.Ibid.Scepticisme, petites questions d’un grand incrédule adressé au Rédacteur de la Tribune PubliqueIbid., p. 347.Ibid., p. 348. Pensons à Dom Juan (III, I) avec la référence de Sganarelle au « Moine bourru », ou la formule du personnage éponyme (V, II) : « l’hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour des vertus. » (MOLIÈRE, Œuvres complètes, Gallimard, NRF, Bibliothèque de la Pléiade, Éd. Georges Forestier et Claude Bourqui, 2010, Tome II, p. 875 et p. 897).op. cit., p. 348.
Quant aux charlatans, Charles-Louis s’y attaqua aussi, et notamment en luttant contre les remèdes secrets : la loi du 11 avril 1803 (21 germinal an XI) – qui créa les Écoles de Pharmacie – jouant en sa faveur, même si ces produits persistèrent, car mouvant de « considérables enjeux financiersIbid., p. 417.Du charlatanisme, Bull. Pharm., 1809, t.I, p.42-43) : « tout homme qui professe l’art de guérir et qui fait un secret de sa méthode ou de la composition des remèdes qu’il prépareIbid., p. 418.Le Malade imaginaire par exemple (Acte III, scène IV, Béralde à Agran) : « Dans les discours et dans les choses, ce sont deux sortes de personnes que vos grands Médecins ; entendez-les parler, ce sont les plus habiles gens du monde ; voyez-les faire, les plus ignorants de tous les hommes ; de telle manière que toute leur science est renfermée en un pompeux Galimatias, et un spécieux babil. » (MOLIÈRE, Œuvres complètes, op. cit., Tome II, p. 696).
Dès son enfance, Charles-Louis manifesta une grande attirance pour les lettres ; il écrivit par la suite « des poèmes, des comédies, des rapports politiques, des mémoires pharmaceutiques et chimiques, des relations historiques, des pamphletsop. cit., p. 171.homme de lettresIbid.La Montagne et dans ses hommages à Marat et à Lepelletier à la fin de l’année 1793, resta discret, redoutant le Comité Révolutionnaire de la Section du Mont-Blanc. Il se livra alors à son « passe-temps favori » : les lettres, et rédigea des comédies « légères et sans prétentionIbid., p. 173 : Le Souper, puis Monsieur de Bièvre, par « Dupaty aidé de Luce, Salverte, Coriolis, Creuzé, Gassicourt, Légouvé, Mouvel, Longpérier, Alexandre et Chazet » créée au théâtre des Troubadours le 26 mai 1799 ; La visite de Racan par Gassicourt, créée au théâtre des Troubadours le 1er août 1799 ; Christophe Morin, rédigée par les mêmes auteurs que Monsieur de Bièvre, créée au théâtre des Troubadours le 10 octobre 1799 ; Deux et deux font quatre, par les « Cens C.G…, D.T… et Bonnin », créée au théâtre des Troubadours en janvier 1800 ;Finot ou l’ancien portier de M. de Bièvre par les Citoyens Chazet et Gassicourt, créée au théâtre Montansier-Variétés le 19 mars 1800.Deux et deux font quatre rappelant d’ailleurs la fameuse scène de l’incroyance dans Dom Juan, Acte III, scène I) ; on y retrouve à chaque fois « une grande culture du passé et une profonde maîtrise des connaissances de son époqueop. cit., p. 7-8.Ibid., p. 178.
Plus précisément, Charles-Louis eut un lien particulier avec la chanson. Il était, avec Thiébault, « très attiré par la littérature légèreIbid., p. 367.Ibid.Ibid.Société Gastronomique et Littéraire, dite les Dîners du VaudevilleIbid., p. 368.Ibid., p. 457-458). C’est également le fondateur du Théâtre des Troubadours (en 1799).Dîners du Vaudeville. En 1806 fut fondée une nouvelle société gastronomique et littéraire : le Caveau Moderne ; Gassicourt y composa, entre 1806 et 1817, de nombreuses chansons, et se présenta, « à plusieurs reprises, dans ses écrits, comme étant épicurienIbid., p. 400.
Rire, manger, dormir et boire, rimer et chanter sur un rien, aimer toujours, voilà la gloire du véritable Épicurien. Qui se prive, dit-il, s’abuse, Suivons, mais réglons nos désirs, Il faut qu’on s’amuse et le bonheur est dans le plaisir . Ibid., p. 401.
Nous verrons à quel point ces paroles sont éloquentes pour l’étude du Souper…
Le Souper de Molière, ou la soirée d’Auteuil fut joué pour la première fois le 23 janvier 1795 (4 pluviôse an III) au théâtre du Vaudeville. « Pleine d’entrain, bien traitée, spirituelleIbid., p. 174.Ibid.Ibid.Le Souper serait donc un texte « porteur d’interrogationsIbid., p. 179-180.Ibid., p. 180.Ibid.
La composition du Souper, au cours de l’année 1794, correspond à la période dite de la « Terreur », donc à un contexte d’effervescence politique, de mouvements adverses, de soupçons et d’arrestations. Déjà, l’exécution de Louis XVI (le 21 janvier 1793 ; 2 pluviôse an I) avait provoqué une crise de la pensée et des représentations mentales et morales. La Convention montagnarde mit en place le Tribunal révolutionnaire – censé éviter de nouveaux massacres de prisonniersLa Révolution française, chronologie commentée, 1787-1799, Paris, Perrin, 1988, p. 129.La Révolution française, Paris, Vuibert, Regards d’auteurs 2005, p. 203.
Qu’en est-il du théâtre ?
On constate que le théâtre prit « une dimension nouvelle » dans la vie culturelle du XVIIIe siècle : « Si en nombre de titres (opéras et ballets compris), le siècle précédent avait produit environ 2000 pièces, on en dénombre près de 11500 de 1700 à 1789, composées par environ 750 auteurs ! On estime à 5000 le nombre de comédiens actifs en France au XVIIIe siècleLa vie culturelle en France aux XVI e, XVIIe, XVIIIe siècles, Paris, Éditions OPHRYS, 1999, p. 193.
Au début de la Révolution, on comptait douze salles de théâtre, dont trois privilégiées : la Comédie-Française, qui détenait le monopole du théâtre parlé parisien, l’Opéra, et la Comédie-Italienne. La loi Le Chapelier du 13 janvier 1791 adopta un décret qui mit fin à ce monopole de la Comédie-Française, et décréta la liberté pour tout citoyen d’élever un théâtre public et de faire représenter des pièces de tous genres (à condition, s’il s’agissait d’auteurs vivants, d’avoir préalablement reçu leur accord). Désormais, on ouvrait un théâtre comme une boutique ; cela devenait moins une entreprise étatique que commerciale, entraînant une concurrence entre les théâtres. On peut donc citer le théâtre Louvois, le théâtre de l’Émulation, le théâtre de la Liberté, le théâtre d’ombres chinoises, celui des Arts, le théâtre Olympique, le théâtre des Jeunes Élèves, ou encore celui de la Rue des Muses. Et bien sûr le théâtre du Vaudeville, que nous avons déjà mentionné, situé rue Chartres-Saint-Honoré (1er arrondissement), dans le Petit-Panthéon. Quant au théâtre Molière, devenu théâtre Martin en 1795 (et aujourd’hui Maison de la Poésie, rue Saint-Martin dans le 3e arrondissement), qui publia Le Souper, il « s’appela tour à tour théâtre Molière, théâtre des sans-culottes, théâtre des amis des arts, des variétés nationales, des élèves de l’opéra-comiqueLe Théâtre révolutionnaire, Genève, Slatkine reprints, 1970, p. 338.
Avec la réaction thermidorienne des 27 et 28 juillet 1794 (9 et 10 thermidor an II) qui mit fin à la Convention et à la Terreur, les Parisiens furent conduits à « chercher des dérivatifs à leurs problèmes quotidiens », et ce grâce à des « comédies sans prétention, aussi gaies que possible, souvent agrémentées de vaudevillesop. cit., p. 173.e siècle fut bien l’âge d’or de la chanson. Ce fut d’ailleurs au théâtre du Vaudeville, fondé par BarréSouper de Molière, le 23 janvier 1795 (4 Pluviôse an III).
Le théâtre « mêlé de VAUDEVILLES »…
Le
Dictionnaire de l’Académie françaisede l’époque de Cadet (1798) précise : « AnciennementVau-de-Vire, du nom de la vallée de Vire en Normandie, où furent composées des chansons gaies et malignes qui eurent beaucoup de vogue, il y a quelques siècles. Le nom deVaudevillesignifie aujourd’hui une chanson qui court par la ville, dont l’air est facile à chanter, et dont les paroles sont faites ordinairement sur quelque aventure, sur quelque événement du jour. »« Mettre en vaudevilles » signifie alors que « les personnages chantent ce qu’ils ont à dire, non sur des musiques écrites pour la circonstance, mais sur des airs communs, tirés de l’innombrable répertoire des “caveaux” et des ouvrages déjà passés sur la scène, de sorte que le sens de leurs propos est souligné, commenté et contrarié par la chanson citée
BÉRARD (Suzanne), . »Le Théâtre révolutionnaire de 1789 à 1794, la déchristianisation des planches, Presses universitaires de Paris Ouest, 2009, p. 128.C’est un « genre où des chansons satiriques et malicieuses, renonçant à toute ambition musicale, viennent égayer les dialogues », autrement dit, de « petites pièces de 4 à 8 vers chantées par les acteurs en intermèdes des textes ». On y fait « presque toujours référence à des airs à la mode » dont on indique le titre, comme c’est le cas dans
Le SouperFLAHAUT (Jean), .op. cit., p. 178-179.
N.B : Cela correspond à ce qu’on appelle en musique le « timbre », c’est-à-dire le procédé consistant à « adapter à des textes nouveaux la césure musicale d’airs connusBIGET (Michelle), . »Musique et Révolution française, Annales Littéraires de l’Université de Besançon, 397, Diffusion Les Belles Lettres, Paris, 1989, p. 98.
Mechele Leon évoque bien une « resurgence of interest in the vaudeville genre during the RevolutionMolière, the French Revolution, and the theatrical afterlife, University of Iowa Press, Iowa City, 2009, p. 114. Nous traduisons : « résurgence de l’intérêt pour le genre du vaudeville pendant la Révolution. »Ibid.Ibid., p. 115. (« par nature »).Le Souper de Molière, Gassicourt a très bien pu songer au phénomène de double historicité : en illustrant une anecdote de la vie de Molière, l’auteur fait des allusions à la situation contemporaine, aisément comprises par l’auditoire, comme nous le verrons plus loin. S’il y a critique ou du moins remise en question de la situation contemporaine, c’est au travers d’un procédé qui reste placé sous le signe de la légèreté. L’air du vaudeville des Visitandines, par exemple, présent dans Le Souper (scène VIII, P. 23), illustre bien cette prééminence de la joie : il s’agirait de « la plus joyeuse, la plus inoffensive des antimonacales, et en même temps, un des succès les plus incontestés du théâtre de la Révolution » : « même sous la Terreur, le public ne voudra pas s’en passerop. cit., Tome I, p. 90.Le Souper de Henri IV, ou le laboureur devenu gentilhomme (comédie en un acte, en prose, par MM. Boutiller et Deprez de Walmont, les Frères Bonnet, Avignon, 1792op. cit., p. 33.La Parfaite égalité ou les tu et toi, (comédie en trois actes, en prose, par Dorvigny, chez Barba, Paris, 1795Ibid., p. 271.Le Vous et le toi, opéra-vaudeville, en un acte (par Valcour, Cailleau, Paris, 1794).
Au cours du XVIIIe siècle, en France, « le public (populaire) du parterre, jusqu’alors debout », se vit offrir « des places assisesop. cit., Tome I, p. 359.banquettes latérales qui, sur la scène même permettaient à des “petits maîtres” plus ou moins turbulents de “parasiter la représentation”Ibid.Molière et sa fortune littéraire, Éditions Ducros, coll. « Tels qu’en eux-mêmes », Bordeaux, 1970, p. 68.Le Théâtre en Franceop. cit., Tome I, p. 90.op. cit., Tome II, Paris, Armand Colin, 1989, p. 14.op. cit., Tome I, p. 284.Molière, drame en cinq actes en prose, imité de Goldoni, (Amsterdam, 1776, p.10), comme d’un « bourdonnement monotone et continu de ces insectes folliculaires, qui troublent plus qu’il ne nuisent, qu’on écrase et qui renaissentOmbres de Molière : naissance d’un mythe littéraire à travers ses avatars du XVII e siècle à nos jours, Paris, Armand Colin, Recherches, 2012, p. 155.
Le théâtre de la Révolution française est bien souvent associé à son prétendu manque de qualité. Dans ses fonctions pédagogiques nouvelles, avec le recours à un discours « que l’on veut univoque et sans ambiguïté », il devint porteur d’un « monologisme écrasant » qui sembla « réduire les textes à la propagande la plus caricaturaleop. cit., Tome II, p. 13.Influence de la Révolution, sur le théâtre françois : pétition à ce sujet, adressée à la commune de Paris, Paris, Debray, 1790. Ibid. p. 3.Ibid. p. 10. Épître dédicatoire à la Nation française, dans Charles IX ou l’École des Rois (le 15 décembre 1789), Paris, Didot Jeune, 1790.op. cit., Tome II, p. 10.Ibid., p. 11.Ibid.Ibid.L’Ami des lois (comédie en cinq actes, en vers, 2 janvier 1793 – 13 nivôse an 1) de Jean-Louis Laya (1761-1833), la pièce étant jugée contre-révolutionnaire. Enfin, il persistait toujours un certain « discrédit » jeté sur les comédiens : « Leur statut n’a guère évolué, malgré une professionnalisation accrue liée à la multiplication de troupes résidentes en province. Le comédien est toujours suspecté par l’Église […]. Ce qui n’empêche pas le public d’aduler ses idolesop. cit., p. 193.
Avec la Révolution, les théâtres devinrent propriété publique : l’on pouvait donc jouer « du Molière » sur n’importe quelle scène, puisque cet auteur était mort depuis plus de cinq ans (seul le consentement des auteurs vivants était requis).
Statistics show that Molière is the author by far the most frequently staged during the eighteenth century : he is played more often than Racine and Corneille together
WAGNER (Monique), .op. cit., p. 22. Nous traduisons : « les statistiques montrent que Molière est de loin l’auteur le plus fréquemment mis en scène au cours du XVIIIesiècle : on le joue plus souvent que Racine et Corneille réunis. »
Et Mechele Leon d’abonder dans ce sens :
With nearly two thousand performances of his plays between 1789 and 1799, Molière was one of the most frequently performed playwrights in Paris during the Revolution
LEON (Mechele), .op. cit., p. 14. Nous traduisons : « Avec presque deux mille représentations de ses pièces entre 1789 et 1799, Molière fut l’un des dramaturges les plus fréquemment représentés à Paris pendant la Révolution. »
Molière, donc très représenté au XVIIIe siècle, et notamment pendant la Révolution, est néanmoins souvent associé à l’opinion fausse d’un auteur « interditBulletin d’histoire de la révolution française, op. cit., p. 43.Journal Général de France, en janvier 1791, affirma par exemple : « Si Thalie se montre avec Molière, ses yeux n’ont plus d’attraitsIbid. Ibid., p. 44.Dépit amoureux fut représenté soixante-cinq fois entre 1789 et le 10 août 1792, L’École des maris cinquante-quatre fois (durant cette même période), L’École des femmes vingt-sept, Le Misanthrope vingt, Tartuffe cinquante-neuf, Dom Juan vingt-trois, et L’Avare vingt-six…
Cependant, il ne s’agissait plus de l’époque de Molière ; Mercier le souligna dans Du Théâtre ou Nouvel Essai sur l’art dramatique (1773, p.67-68) : « Molière revenant au monde en 1773 […] ne pourrait rire au milieu d’une nation qui n’a plus sujet de rire. Les deux muscles de la bouche, nommés zygomatiques, sont aujourd’hui paralysés chez tous les Françaisop. cit., p. 29.
Il s’est donc agi, pour les auteurs qui s’en emparèrent, de mettre en lumière des liens avec Molière, et de lui faire jouer un rôle « dans la lutte des idées, à une époque où la neutralité n’était guère concevableBulletin d’histoire de la révolution française, op. cit., p. 65.Médecin malgré lui – opéra au Théâtre de la rue Feydeau. Désormais, le but des représentations moliéresques était clairement annoncé dans le Journal des Spectacles du 9 décembre 1793 (19 frimaire an II) : « pour arriver au but civique et révolutionnaire que nous proposons, faisons jouer souvent, pour épurer nos mœurs, les pièces de Molière » : il s’agissait en effet de proposer une « leçon politique, fondée sur l’intelligence historique du passé féodalIbid.
Monique Wagner parle alors d’une véritable « renaissance moliéresqueop. cit., p. 25. (En français dans le texte.)
The posthumous election of Molière to membership in the Académie française. In 1769, many authors, including Cailhava, compete for his
éloge, ultimately won by Chamfort. In 1778 Alembert offers to the Académie the bust of Molière carved in marble after Houdon. Ibid. Nous traduisons : « L’élection posthume de Molière comme membre de l’Académie française. En 1769, beaucoup d’auteurs, y compris Cailhava, rivalisent pour proposer sonéloge, finalement remporté par Chamfort. En 1778, d’Alembert offre à l’Académie le buste de Molière, sculpté dans le marbre d’après Houdon. »
Molière n’était donc plus ce « démon vêtu de chair et habillé en homme » selon la formule du curé de Saint-Barthélemy, Pierre Roullé (Le Roi glorieux au monde, ou Louis XIV le plus glorieux de tous les rois du monde, 1664)op. cit., p. 119.Le Misanthrope et Tartuffe, « considérés comme marquant l’accomplissement du génieIbid., p. 67.Ibid., p. 49.Ibid., p. 73.Bulletin d’histoire de la révolution française, op. cit., p. 65.
Molière, « auteur de l’œuvre qui reste la plus appréciée du public de l’époque », était alors également un « personnage théâtral, et même un personnage tout court, pourvu d’un rôle dans la polémique révolutionnaireIbid., p. 74.op. cit., p. 27. Nous traduisons : « La période révolutionnaire a ranimé Molière […] par des procédés théâtraux innovants. »
On dénombra, pour la période de la Révolution et de l’Empire, « une bonne quinzaine de pièces dont Molière est, sinon toujours le héros, du moins un protagoniste importantBulletin d’histoire de la révolution française, op. cit., p. 75. La note de bas de page mentionne notamment : « 1. Mercier, La Maison de Molière ou la journée de Tartuffe, comédie en cinq actes, prose, représentée le 20 octobre 1787 par les comédiens ordinaires du Roi, et le 24 novembre à Versailles devant leurs Majestés, Paris, 1789 (souvent donnée encore de 1789 à 1800 au moins). 2. Olympe de Gouges, Molière chez Ninon, ou le siècle des grands hommes, pièce épisodique, cinq actes, prose. Non représentée, Paris, 1788. 3. Anonyme, La Matinée de Molière (théâtre de Monsieur, 1789), non retrouvée. 4. Cubières Palmézeaux, La Mort de Molière (représentée le 14 novembre 1790, théâtre de la Nation). 5. Cadet de Gassicourt, Le Souper de Molière, ou la soirée d’Auteuil, fait historique, un acte et vaudevilles (représenté le 4 pluviôse an III, 23 janvier 1795), Paris, floréal, an II, 50 pages. »Ibid.Souper de Molière : en effet, l’anecdote – prétendue – d’un certain souper arrosé de Molière avec ses amis dans sa maison d’Auteuil se retrouva en 1801, « avec un titre à peine modifié sous la signature de Rigaud et Jacquelin : Molière avec ses amis ou le souper d’Auteuil » ; les mêmes donnèrent « une nouvelle mouture en un acte, en 1806Ibid. Cf. Molière avec ses amis, ou le souper d’Auteuil, comédie historique, en deux actes et en vaudevilles, par Rigaud (Antoine François) et Jacquelin (Jacques André), Paris, Fages, 1801.Molière avec ses amis ou la soirée d’Auteuil en 1804Molière avec ses amis ou la soirée d’Auteuil, comédie en un acte, en vers, Paris, Masson, 1804.
Molière devint même, en tant que personnage, le représentant de valeurs chères à la nouvelle Nation. Les révolutionnaires furent très attentifs à ce qui allait désormais être mis à l’honneur chez Molière : son rôle dépassa donc la salle de théâtre, et entra dans l’ « identité nationale » (« national identityop. cit., p. 143.e-XIXe siècles) : du parcours exemplaire à l’hagiographie », dans POIRSON (Martial) (dir.), op. cit., p. 196.Bulletin d’histoire de la révolution française, op. cit., p. 77.La Mort de Molière de Michel de Cubières, 1788 puis 1802), mais celles qui, comme Le Souper, représentèrent « a drunken dinner party featuring Molière and friends : the stars of Old Regime literatiop. cit., p. 116. Nous traduisons : « un dîner arrosé représentant Molière avec des amis : les stars lettrées de l’Ancien Régime. »La Médiatisation du littéraire dans l’Europe des XVII e et XVIIIe, Centre de Recherches sur l’Europe classique (XVII
SCÈNE I : Antoine, le jardinier de Boileau ; Laforest, la servante de Molière.
Antoine ouvre le bal : il s’enquiert de demander à Laforest, occupée à préparer l’arrivée des convives, si son mariage avec Madelon, la jardinière de Molière, pourra enfin avoir lieu.
La réponse positive de Laforest le réjouit : Molière a en effet accepté de payer la dot de Madelon, et la mère de cette dernière, qui refusait jusqu’alors cette union, a cédé la parole décisionnaire à son mari – comme il se doit. Laforest le félicite, mais souligne, dans une antiphrase, que le valet est bien à l’image de son maître : Antoine est piqué au vif, ce qui engendre un échange rythmé entre les deux personnages, pour déterminer lequel des deux maîtres, de Boileau ou de Molière, est le plus admirable.
SCÈNE II : Mignard, Lulli, Antoine, Laforest.
Dans cette très courte scène, Antoine et Laforest s’en remettent à Mignard et Lulli pour les départager. Si Mignard manifeste une certaine gêne, Lulli trouve la solution : Molière et Boileau sont aussi habiles et respectables l’un que l’autre, mais chacun dans son domaine propre : « le genre satirique » pour Boileau, et « la scène comique » pour MolièreLe Souper de Molière, p. [6].
SCÈNE III : Mignard, Lulli, Laforest.
Après s’être mutuellement félicités pour leur talent dans leur art respectif (la peinture et la musique), Mignard et Lulli réfléchissent sur l’assurance de leur vocation, et ironisent en pointant du doigt les erreurs de parcours de l’autre : Mignard et la médecine, et Lulli et la vocation religieuse ; Laforest est à chaque fois prise à partie. Mais l’échange reste bon enfant, et l’on se pardonne, en projetant de faire la fête le soir même, ce que Laforest confirme en annonçant la célébration de la noce d’Antoine et Madelon.
SCÈNE IV : Mignard, Lulli, Laforest, Antoine, Madelon.
Justement, voici les futurs mariés. Félicités par Mignard et Lulli, ils souhaitent voir Molière pour le remercier de son acte si généreux ; mais Laforest les avertit qu’il se repose, et tous concluent de ne pas le déranger. On se raconte alors les dernières belles actions du grand homme, dans un unisson d’admiration et de respect. Mignard montre le portrait qu’il a fait de Molière, et tous sont frappés par la ressemblance avec l’original ; tandis qu’ils s’approchent du tableau pour mieux l’admirer, Molière entre discrètement par le fond du théâtre.
SCÈNE V : Les précédents, Molière.
Touché par ces marques d’amitié, Molière en regrette tout de même le caractère idolâtre, avant de féliciter à son tour le futur marié. Antoine l’invite alors à assister au serment mutuel, mais Molière lui rappelle qu’il est excommunié, et qu’il ne pourra donc pas participer à la cérémonie religieuse. Suit un échange sur la mauvaise action des prêtres envers les comédiens, que Molière conclut en proposant de porter la noce le plus tard possible, afin qu’il puisse y paraître. Antoine et Madelon sortent.
SCÈNE VI : Molière, Mignard, Lulli, Laforest.
Molière annonce qu’il a invité pour le souper du soir même Chapelle, Lafontaine et Boileau. Il prévoit de faire grande chère, et lorsque Laforest le rappelle à son régime lacté, il lui promet d’être raisonnable, mais insiste sur son désir de discuter avec ses amis, libéré de la censure infligée par son siècle. Lulli part chercher Lafontaine.
SCÈNE VII : Molière, Laforest, Mignard.
Molière ouvre son courrier, et médite sur l’attitude ingrate de sa famille, qui l’exclut de sa généalogie : « n’importeIbid., p. [21].Bourgeois-Gentilhomme ; mais il entend Boileau arriver, et craignant la critique de ce dernier, cache son manuscrit.
SCÈNE VIII : Boileau, Mignard, Molière, Chapelle.
Boileau, content de se rendre chez Molière pour ne pas sombrer dans un « accès de misanthropieIbid., p. [22].
SCÈNE IX : Les précédents, Lafontaine.
Lafontaine annonce aux convives qu’il vient juste de trouver la fin de sa nouvelle fable, « Parole de Socrate », que lui a inspiré sa venue chez Molière, et reçoit les félicitations – plus ou moins ironiques – de ses camarades.
SCÈNE X : Lulli, Boileau, Molière, Chapelle, Mignard, Lafontaine.
Lulli, de retour, s’étonne de voir Lafontaine, et se demande par où il est arrivé. Ce dernier s’explique : il a certes voyagé par la galiote de midi, mais, occupé par l’écriture de sa fable, est descendu jusqu’à Saint-Cloud. Lulli propose alors, pour compenser la course qu’il vient de faire, que Lafontaine récite un de ses écrits.
SCÈNE XI : Les précédents, Laforest.
Laforest arrive pour servir les convives en vins. On choisit du rouge et du blanc ; Chapelle n’oublie pas la promesse qu’il a faite à Boileau de s’enivrer, lequel s’indigne qu’on ne propose pas d’eau. Molière a quant à lui son lait. Tandis que Laforest admire cette réunion, les convives demandent à Lulli une chanson pour les mettre en joie. Mais une fois qu’ils ont ri, les amis portent leur conversation sur un sujet sérieux, et leur dégoût de la vie en société les amène rapidement à affirmer la bêtise et l’injustice des hommes, et les misères seules que la vie apporte. Il faudrait donc chercher le repos dans un désert, ou même, dans le fond de la rivière – c’est-à-dire, la Seine – qui n’est pas loin : cet acte leur garantira enfin l’admiration de tous, et la gloire immortelle… Mais que fait Molière ? Il attend pour intervenir : juste au moment où les convives enivrés s’apprêtent à partir, Molière les convainc d’attendre le lendemain matin pour aller se noyer, un acte aussi héroïque ne devant pas être soupçonné de conduite en état d’ivresse. Les convives sont conquis par l’idée d’une renommée encore plus certaine, et jurent tous en chœur que ce n’est là que partie remise. Ils finissent par s’endormir, après quelques verres et chansons supplémentaires.
SCÈNE XII : Les convives endormis, Antoine, Madelon, Molière.
Antoine et Madelon annoncent à Molière que tout est prêt pour la cérémonie, et que les villageois attendent devant la maison.
SCÈNE XIII : Les précédents, Mathurin, père de Madelon, les villageois, le tabellion.
Molière signe le contrat de mariage des jeunes gens, et y adjoint deux cents écus de dot. Chaleureusement remercié, Molière explique que cet argent provient, paradoxalement, d’un Avare, autrement dit d’une de ses pièces, et s’éclipse afin de revêtir un habit de circonstance. Il sort en même temps que Madelon, Mathurin et Antoine, accompagnés du Chœur. À ce moment Lulli se réveille, et, se souvenant de sa résolution de la veille, la regrette, et espère que les autres convives auront tout oublié. Mais ces derniers se font exactement la même réflexion à leur réveil, et chacun compte sur l’amnésie de tous les autres.
SCÈNE XIV et dernière :Tous les acteurs.
Molière rappelle à ses amis leur engagement, profitant de l’ambiguïté de cette formule, qui peut en effet désigner le mariage d’Antoine et Madelon, mais aussi la noyade promise ; il insiste sur l’effective gloire qui les attend, puisque tout le village est rassemblé pour assister à ce spectacle. Les convives prennent peur, et le quiproquo est assez savoureux, puisque Molière parle bien sûr de la noce. Soulagés lorsqu’ils comprennent leur méprise, tous chantent en chœur le plaisir de vivre.
Du point de vue de la dramaturgie, on peut tout d’abord noter le rythme des échanges entre les personnages, qui instaure une vivacité comique. La première scène entre Antoine et Laforest met en place cela, avec leur échange vif de répliques :
ANTOINE.
Et mon maître est le premier homme du monde, oui.
LAFOREST.
Comme tu y vas, Antoine : et Molière donc ?
ANTOINE.
Nous avons fait l’Art Poétique.
LAFOREST.
Nous avons fait le Misanthrope, l’Avare !
ANTOINE.
Et nous le Lutrin de la Sainte Chapelle !
LAFOREST.
Et nous... le Tartuffe !
LAFOREST.
Mon maître est plus habile.
LAFOREST.
Le mien est plus fameux
Scène I, p. [5]. .
Dans ce même ordre d’idées, certains enchaînements de scènes donnent lieu à un comique de situation permis toujours par cet échange vif entre les personnages. Leurs réactions en chaîne, souvent marquées par la surprise, et d’ailleurs par un excès de surprise, laissent en quelque sorte présager ce que l’on appellera plus tard les vaudevilles (cette fois non comme élément musical), fondés justement sur ces comiques de situation. En effet, l’entrée de Chapelle au cours de la scène VIII participe de cet effet de surprise :
MOLIÈRE
[…] Va, mon pauvre Despréaux, Chapelle et Lulli sauront dissiper tes sombres idées.
BOILEAU.
Chapelle !
CHAPELLE,
entrant.N'en dites pas de mal ?
BOILEAU.
Si j’avais su qu’il soupât ici, je me serais rendu plus difficile encore
Scène VIII, p. [23]. .
Gassicourt précise d’ailleurs dans la didascalie de cette scène que Chapelle entre « un instant après » : tout est donc mis en œuvre du point de vue dramaturgique pour que le public s’aperçoive de l’arrivée de Chapelle avant Boileau ; ainsi, l’effet comique est redoublé lorsque nous apprenons pourquoi Boileau a une telle réaction, c’est-à-dire parce que Chapelle l’a rendu soul. Cette même mise en scène se retrouve à la scène X, au moment où Lulli se rend compte de la présence de Lafontaine parmi les convives, alors qu’il était justement allé le chercher :
LULLI.
OUF ! je crois, mes amis, qu’il ne faut pas compter sur Lafontaine : il ne... (
apercevant Lafontaine.) Par où diable est-il arrivéScène X, p. [28]. !
Cette réaction de Lulli s’explique par sa fatigue, d’ailleurs explicitée par l’interjection « ouf ! », d’être allé au-devant de Lafontaine en vain, d’où l’étonnement presque offensé de la fin de réplique, avec la seconde interjection « diable ». Les apartés renforcent eux aussi cette constance de l’étonnement, et ce notamment à partir de la scène XIII, qui marque le réveil des convives, « réveil » dans tous les sens du terme. Ils prennent alors chacun leur tour conscience de leur comportement, et surtout de la promesse qu’ils préfèreraient n’avoir jamais faite, de se noyer dans la Seine : c’est pourquoi leurs apartés sont particulièrement importants, en tant que moments où ils confessent leur peur de mourir, à eux-mêmes et donc au public, et prient pour que tout le monde ait oublié cet épisode peu glorieux de leur vie. Lulli ouvre le bal des réveils :
Ah !... Mais où suis-je ? Chapelle, Mignard, Boileau... Ah ! dieu ! j’avais oublié qu’hier... Ô funeste résolution
Scène XIII, p. [43]. !
L’exagération de cette prise de conscience est marquée par la ponctuation affective, ainsi que les interjections, mais encore par la dimension épiphanique tournée en dérision par Gassicourt. Voyant son ami Boileau s’éveiller à son tour, Lulli opte pour la dissimulation, et annonce sa résolution : « feignons de dormir encoreIbid.à part » : « Oh dieu ! la mémoire lui revient-elle ?Ibid., p. [45].
En outre, l’utilisation de certains airs à des moments opportuns vient également agrémenter d’une touche d’humour les caractéristiques des personnages. Notons par exemple le prélude du Sommeil d’Atys à la fin de la scène XII, qui tourne en dérision les convives endormis, assommés par l’alcool et oublieux de leur promesse de noyade, prévue le matin même. Molière ironise d’ailleurs sur ses camarades, en faisant entrer « avec précaution » les villageois : « Approchez, approchez : oh ne craignez pas de les réveiller ; ils dorment bien
ANTOINE, MADELON, MATHURIN.
AIR :
Frère Jacques.Du silence.
LE CHŒUR.
Du silence.
MOLIERE.
Laissons-les.
LE CHŒUR.
Laissons les.
TOUS.
Marchons avec prudence,
Marchons avec prudence.
ANTOINE.
Paix !
MADELON.
Paix !
LE CHŒUR.
Paix !
MOLIERE.
Paix !
MATHURIN.
Paix !
LE CHŒUR.
Paix
Scène XIII, p. [43]. !
Les airs semblent ainsi illustrer avec plus de retentissement et d’impact sur les spectateurs le déroulement de l’action et les rapports de force entre les personnages, que le parler seul.
Ils marquent des avancées dans les échanges, et donnent une certaine importance à la ponctuation affective, pour étayer, illustrer, renforcer l’idée à l’instant énoncée par des répliques parlées, dans un effet de redondance destiné à faire sourire le public. Notons par exemple l’air « Alain était différent
Toujours du point de vue de la dramaturgie, notons que les conversations entre les personnages s’enchaînent de manière naturelle tout au long de la pièce : chaque sujet en amène un autre sans que le spectateur ait à se demander pourquoi. Scène III, les occupations des personnages : « Laforest range dans le fond du théâtre ; Mignard prend ses pinceaux, et Lulli se met au clavecinIbid. (Mignard).Ibid., p. [9].Ibid. (Antoine).
D’autre part, soulignons la particularité de la dramaturgie autour du personnage de Molière. Ses entrées et sorties sont ménagées, et paradoxalement marquées par une certaine discrétion. Sa première apparition est retardée et attendue par le spectateur ; il n’intervient en effet qu’à la fin de la scène IV, et en outre de manière très discrète, puisqu’il s’arrête « dans le fond du théâtreIbid.Ibid., p. [4].L’Avare. D’ailleurs, Gassicourt choisit de ne pas mettre de majuscule à ce nom, ce qui renforce l’antonomase ; cette particularité, ajoutée aux points de suspension qui précèdent la mention, peuvent montrer que c’est là un nom commun, courant dans le vocabulaire de Laforest, qui, comme imprégnée des œuvres de son maître, n’a pas en tête d’autres mots plus éloquents pour illustrer sa pensée. Enfin, l’auteur crée une véritable figure de Molière dans la mesure où on assiste à une admiration unanime à son égard. Cela est particulièrement visible à la scène IV : Mignard, Lulli, Laforest, Antoine et Madelon sont présents, et dressent un portrait extrêmement laudatif du grand homme. C’est là que Lulli fait référence à l’anecdote concernant Mondorge, et Laforest à celle sur Racine ; tous sont désolés du manque de reconnaissance que connaît Molière : Mignard : « Qu'il serait à souhaiter que tout le monde connût Molière comme nous le connaissons », Laforest : « On invente tant de choses contre luiIbid., p. [13].Ibid., p. [14].Ibid., p. [15].Ibid., p. [13] (Madelon).Ibid.
Les relations entre les personnages relèvent d’emblée du théâtre dit classique, dans la mesure où se met en place une série de couples maître-serviteur : Molière et Madelon, Boileau et Antoine, et également une dichotomie relative entre les personnages-convives, autrement dit les amis de Molière, et les personnages relevant davantage de la sphère populaire. Dès la scène d’exposition, l’on note plus précisément des choix dramaturgiques rappelant ceux de Molière. En effet, comme dans Tartuffe notamment (où le personnage éponyme arrive sur scène seulement à l’Acte III, 2)Dom Juan : I, 2, dans Le Bourgeois gentilhomme (entrée de Monsieur Jourdain de même à l’Acte I, scène 2), et dans Les Fourberies de Scapin, ou encore dans L’Avare, où Harpagon n’arrive qu’en I, 3. Les scènes précédant l’entrée du protagoniste permettent de définir ce dernier par le biais d’autres personnages, et mettre ainsi en place les éléments majeurs de l’intrigue.in medias res », permet de définir les caractéristiques du personnage tant attendu, à commencer bien sûr par sa générosité, ce qui permet dans le même temps de mettre en place l’intrigue du futur mariage d’Antoine et Madelon, puisque c’est grâce à la bienveillance de Molière que ce dernier peut avoir lieu. D’ailleurs, la discussion ne se cantonne guère longtemps aux deux personnages en présence, et Laforest et Antoine se mettent rapidement à parler de leurs maîtres, avec une admiration acharnée (nous avons relevé plus haut la vivacité de leur échange dans cette première scène). Laforest est en outre particulièrement à l’image de Molière – en tout cas de celui des anecdotes à son sujet – lorsqu’elle s’exclame spontanément : « Comment donc ? Médecin ! Ah ! mon dieu
D’autre part, si l’on étudie les mouvements de regroupement des personnages, notamment autour de cet objet théâtral que représente le portrait de Molière, on peut rapprocher cela des ballets orchestrés par le dramaturge dans certaines de ses pièces. En effet, les personnages « se groupent autour du portraitLaforest range dans le fond du théâtre ; Mignard prend ses pinceaux, et Lulli se met au clavecinSur le devant de la scène est un chevalet avec le portrait de Molière, une table et un violonŒuvres complètes, op. cit., Tome I, p. LII.op. cit., p. 36.Souper et certains dénouements chez Molière. En effet, « tous les acteursLe Bourgeois gentilhomme – c’est d’ailleurs la pièce que Molière est censé écrire au moment de ce Souper. Plus précisément, de même que Covielle (valet de Cléonte) se tourne alors vers la salle pour dire : « Monsieur, je vous remercie. Si l’on en peut voir un plus fou, je l’irai dire à Romeop. cit., Tome II, p. 334.Bourgeois gentilhomme ; BRAY (René), op. cit., p. 218.
Concernant l’intrigue du souper en lui-même, c’est-à-dire l’impact suicidaire des effluves d’alcool sur les convives, le rôle de Molière peut rappeler celui des dits « raisonneurs » dans les comédies de cet auteur. Il est en effet celui qui avertit ses amis du danger qui les guette à suivre leurs sens et sentiments corrompus par le vin : « N'abandonnons point une résolution si belle aux fausses interprétations qu’on peut lui donnerIbid., p. [36].Ibid., p. [39].Ibid., p. [39].Ibid., p. [38].op. cit., p. 172.Ibid., p. 166.Ibid.
Mais que penser de ce terme de « raisonneur », et pour la pièce de Gassicourt, et pour les comédies de Molière lui-même ? Il est considéré comme « anachronique » par Georges Forestier et Claude Bourquiop. cit., Tome I, p. XL.raisonneurs dans le théâtre de Molière. Chaque personnage est exigé par sa fonction dramatique, non par une prétendue fonction morale inventée par la critiqueop. cit., p. 18.Souper de Gassicourt, si l’on retrouve dans le protagoniste certaines caractéristiques rappelant le rôle du « raisonneur », ce terme est dans les deux cas à considérer avec la distance nécessaire. En tout cas, Gassicourt a pu vouloir faire un petit clin d’œil dramaturgique à son auteur-personnage. Enfin, notons qu’il n’y a pas de « deus ex machina » au dénouement du Souper : c’est non seulement Molière lui-même « the rescuerop. cit., p. 119. Nous traduisons : « le sauveur ».Molière ou le prix des choses. Morale, économie et comédie, Nathan, 1994, p. 87.in extremisop. cit., p. 211.
Si nous essayons de distinguer le sujet et le thème de cette pièce de Cadet de Gassicourt, nous pouvons proposer comme sujet : Molière et ses proches, en particulier ses amis ; et plus précisément, le thème serait : comment l’épisode bien connu du souper trop arrosé d’Auteuil est-il revisité par Gassicourt, et comment sa transposition au théâtre est-elle particulièrement féconde… Dès lors, que penser de la mention : « fait historique », inscrite sous le titre ?
Georges Forestier et Claude Bourqui le rappellent : « on a prétendu déchiffrer la vie dans son théâtre et expliquer le théâtre par sa vieŒuvres complètes, op. cit., Tome I, Introduction, p. LVIII.Ibid., p. LIII.Molière, homme de théâtre, Mercure de France, Mayenne, 1954, p. 14.Vies de Molière, elles ne contiennent hélas pas de notes autobiographiques. En outre, Molière fait partie de ces quelques artistes « suscitant une légende spontanée presque de leur vivant ou immédiatement après leur mortIbid., p. 17.
Il s’agira donc dans cette partie d’émettre des conjectures de sources ; ces sources étant elles-mêmes des conjectures…
GRIMAREST, PRINCIPALE SOURCE DE GASSICOURT : Jean-Léonor Le Gallois de Grimarest (1659-1713), polygraphe surtout connu pour sa Vie de M. de Molière, parue en 1705, « n’a pas connu MolièreLa Médiatisation du littéraire dans l’Europe des XVII e et XVIIIe, Centre de Recherches sur l’Europe classique (XVII
LES ANACHRONISMES : Précisons d’emblée que Gassicourt ne prête pas une attention rigoureuse à la chronologie ; Le Souper fait en effet partie des pièces « exploitant une séquence biographique authentique de convention » (Grimarest, notamment), mais en y insérant des passages relevant de la « pure invention », ou en « extrapolant sur certains événements » plus ou moins avérésop. cit., p. 21.
Molière aurait secouru un comédien – et ancienne connaissance – nommé Mondorge, alors que ce dernier se trouvait dans une grande détresse pécuniaire. Cet épisode apparaît chez Grimarest (La Vie de M. de MolièreLa Vie de M. de Molière, Le Fèbvre, Paris, 1705, p. 120 à 125.Vie de MolièreVie de Molière, Catuffe, Amsterdam, 1739, p. 17-18.MoliéranaMoliérana, un recueil d’aventures, anecdotes, bons mots et traits plaisants de Pocquelin de Molière, Paris, Marchand, 1801.e siècle, chez Georges Mongrédien (La Vie privée de MolièreLa Vie privée de Molière, Paris, Hachette, Coll. « Les Vies privées », 1950.
Dans la pièce, il y est fait référence à la scène IV (P. 13), lorsque Lulli raconte :
Un pauvre comédien, ancien camarade de Molière, vint, il y a trois jours, demander des secours pour gagner sa province... Baron était ici. -- Combien, dit Molière, faut-il lui donner ? -- Mais, répond Baron, quatre pistoles suffiront. -- Quatre pistoles... soit ; tenez, vous les lui remettrez pour moi ; mais en voici vingt que vous lui donnerez pour vous, et il joignit à ce présent un habit magnifique.
Grimarest évoque en effet « un homme, dont le nom de famille était Mignot, et Mondorge celui de Comédien », décidant d’aller à Auteuil (lieu où Gassicourt situe justement l’action de sa pièce ; nous en parlons plus précisément ci-après), chez Molière, pour tenter de trouver « quelque secours, pour les besoins pressants d’une famille qui était dans une misère affreuse ». On retrouve bien l’idée, comme dans Le Souper, que Molière et Mondorge auraient été « camarades », le terme est en effet présent chez Grimarest : « Il avait été le camarade de M. de Molière en Languedoc », et ce dernier le confirme : « il est vrai que nous avons joué la comédie ensemble, dit Molière ».
Le dramaturge aurait alors, comme le laisse entendre Lulli dans la pièce, laissé à Baron le soin de déterminer la somme nécessaire à Mondorge, et l’on note bien le même montant de « quatre pistoles » proposé par Baron, et accepté par Molière, et le détail anecdotique des « vingt autres » données « pour vous », autrement dit pour Baron, ainsi que le don supplémentaire d’un « habit de Théâtre », d’une valeur de « deux mille cinq cents livres », et qui était « presque tout neuf », d’où l’adjectif « magnifique » employé par Lulli.
Nous pouvons en tout cas confirmer l’existence de ce Jean Mignot, appelé Mondorge, cité par Mongrédien dans son Dictionnaire biographique des comédiens français du XVII e siècle :
(Jean Mignot) : Il est, parmi les comédiens du duc d’Orléans, à Albi, le 10 septembre 1657. Il a connu Molière, qui lui fit plus tard un don généreux
MONGRÉDIEN (Georges), .Dictionnaire biographique des comédiens français du XVII, Paris, Centre National de la Recherche Scientifique, 1961, p. 131.esiècle
On note la présence d’un épisode tout à fait similaire dans la pièce La Mort de Molière, de Michel de CubièresLa Mort de Molière, pièce historique en quatre actes et en vers, Paris, Hugelet, 1802, p. 38-40. Cf. Notre édition critique.La Mort de Molière.
Molière étant présenté chez Grimarest et tous ceux qui l’ont suivi comme le « bienfaiteur de RacineIbid.
Un jeune homme de 19 ans, nommé Racine, avait remis à Molière un poème pour avoir son avis. L'ouvrage était mauvais... Il me l’a lu. --Mais Molière vit que le jeune homme pouvait mieux faire... Aussi, en rendant le poème, il y cacha cent louis, et le plan d’une tragédie.
Il s’agit d’une référence à la première pièce de Racine La Thébaïde, ou les Frères ennemis, représentée pour la première fois par la troupe de Monsieur – alors dirigée par Molière – le 20 juin 1664. Grimarest racontait l’anecdote de la manière suivante :
Il [Molière] se souvint qu’un an auparavant un jeune homme lui avait apporté une pièce intitulée
Théagène et Chariclée, qui à la vérité ne valait rien ; mais qui lui avait fait voir que ce jeune homme en travaillant pouvait devenir un excellent Auteur. […] Il lui dit de revenir le trouver dans six mois. Pendant ce temps-là Molière fit le dessein desFrères ennemis[…]. Molière lui donna son projet, et le pria de lui en apporter un acte par semaine […] mais [Molière] remarqua qu’il avait pris presque tout son travail dans laThébaïdede Rotrou. […] comme le temps pressait, Molière lui aida à changer ce qu’il avait pillé, et à achever la pièce, qui fut prête dans le temps, et qui fut d’autant plus applaudie, que le Public se prêta à la jeunesse de M. RacineGRIMAREST (Jean-Léonor Le Gallois de), .op. cit., p. 58 à 61.
Les détails présents chez Grimarest, tels que la comparaison avec Rotrou, sont absents du Souper, et également du récit de Voltaire à ce sujet (dont Gassicourt s’est peut-être encore davantage inspiré) :
[Molière] engagea le jeune Racine, qui sortait du Port-Royal, à travailler pour le Théâtre dès l’âge de dix-neuf ans. Il lui fit composer la Tragédie de
Théagène et Chariclée; et quoique cette Pièce fût trop faible pour être jouée, il fit présent au jeune Auteur de cent louis, et lui donna le plan desFrères ennemisVOLTAIRE (François-Marie Arouet, dit), .op. cit., p. 17.
Cadet de Gassicourt lie donc deux anecdotes issues de ses sources, en les faisant se suivre, puisque Laforest parle du « lendemainL’Impromptu de Versailles, « joué pour la première fois devant le Roi le 14e d’octobre 1663 », donc bel et bien avant 1664, année de la représentation de La Thébaïde), en revanche celle concernant Mondorge correspond seulement à « un jourop. cit., p. 17.op. cit., p. 120.
En tout cas, étant donné que Mondorge s’adresse à Molière lorsqu’il se trouve à Auteuil, cela ne peut se faire qu’à partir du moment où Molière a commencé à y louer une maison, c’est-à-dire à partir de l’année 1666 environSouper à la toute fin des années 1660, Molière ayant en outre déjà écrit L’Avare (représenté pour la première fois le 9 septembre 1668), comme il en est fait mention P. 5, et étant en train d’écrire Le Bourgeois gentilhomme (P. 21), et Mignard n’ayant pas achevé le portrait de Molière, pour lequel ce dernier écrira, en remerciement, La Gloire du Val-de-Grâce, long poème de trois cent soixante-six vers, imprimé en 1669. Néanmoins, comme tout cela reste bien sûr de l’ordre de la fiction, nous ne pouvons que conjecturer une période qui pourrait correspondre à l’intrigue du Souper, mais non lui attribuer une date précise (les anecdotes-sources elles-mêmes relevant pour beaucoup de la fiction).
Plusieurs répliques du Souper présentent un Molière faible, malade sur la longue durée, et observant un régime consistant à ne boire que du lait. Citons notamment : « Nous allons célébrer sa convalescence ?Ibid., [p. 19] (Laforest).Ibidem. (Lulli).Ibid., [p. 20] (Laforest).Il prend du lait)
Dans sa Lettre à Madame du 12 juin 1667, le gazetier Robinet rend compte du retour sur scène de Molière après deux mois et demi d’absence pour la pièce Le Sicilien ou l’Amour peintre (représentée pour la première fois en février 1667), et montre en effet qu’il est en convalescence, et non mort, comme le laissaient croire certains bruits :
[…] tout rajeuni du lait De quelque autre infante d’Inache Qui se couvre de peau de vache, S’y rencontre enfin à nos yeux Plus que jamais facétieux Texte saisi par David Chataignier à partir du Tome II (années 1666-67) de l’édition du Bon Nathan-James-Édouard de Rothschild et de Émile Picot, 1881-1883, Paris, D. Morgand et C. Fatout éditeurs ; et consultable sur le site Molière 21 de Paris 4-Sorbonne. .
C’est de cette unique allusion au lait faite du vivant de Molière ou dans les années qui suivirent sa mort que vient l’anecdote du régime lacté, reprise ensuite par Grimarest :
Une toux qu’il avait négligée, lui avait causé une fluxion sur la poitrine, avec un crachement de sang, dont il était resté incommodé ; de sorte qu’il fut obligé de se mettre au lait pour se raccommoder, et pour être en état de continuer son travail. Il observa ce régime presque le reste de ses jours
GRIMAREST (Jean-Léonor Le Gallois de), .op. cit., p. 144. Reprise de ce détail dans leMoliérana: « Sur la fin de ses jours, Molière ne vivait que de lait » (COUSIN D’AVALON (Charles-Yves),op. cit., p. 54.).
Puis par tous les biographes, comme on le voit au XXe siècle chez Mongrédien : Molière « observait scrupuleusement son régime lactéDictionnaire biographique des comédiens français du XVII e siècle, Paris, Centre National de la Recherche Scientifique, 1961, p. 203.
Quant à l’idée d’un être fragile et atteint par la maladie, elle est probablement introduite par la comédie satirique tournée contre Molière : Élomire hypocondre ou les médecins vengés, d’un certain Boulanger de Chalussay. À l’acte I, scène 1, le personnage principal, Élomire, autrement dit Molière (Élomire étant une anagramme), se plaint : « N’as-tu point remarqué que depuis quelque temps / Je tousse et ne dors point ?Élomire hypocondre ou les médecins vengés, 1669, Genève, J. Gay et fils, 1867, p. 10.Ibid., p. 25.Molière ou l’essence du génie comique. Les cahiers rouges, Grasset, paris 1979, p. 40.
En effet, Georges Forestier et Claude Bourqui parlent à ce sujet du « mythe d’un Molière chroniquement malade », ou encore de la « belle histoire romantique d’un auteur poitrinaire tirant son art de son malŒuvres complètes, op. cit., Tome I, Introduction, p. LVII.Lettres de Jean Chapelain, Ph. Tamizey de Larroque éd., Imprimerie Nationale, 2 vol., 1880-1883, t.II, p. 820, dans MOLIÈRE, Œuvres complètes, op. cit., Tome I, Introduction, p. LX.
On ne possède aucun témoignage sur quelque maladie de Molière que ce soit dans les mois et les années qui précédèrent immédiatement sa mort. On sait par le gazetier Charles Robinet qu’il tomba malade au commencement de 1666 (Robinet,
Lettre en vers à Madamedu 21 février 1666), puis à nouveau vers Pâques 1667 (Ibid., 17 avril 1667). Ibid., Tome II, p. 1542.
Et ajoutent :
Rien ne dit qu’il s’agit de la même maladie et donc d’une rechute, et plus aucun texte contemporain ne fait état de problèmes de santé jusqu’à sa mort
. Ibid.
En outre, une seule « interruption » dans le programme du Palais-Royal, mentionnée dans les Registres de la troupe, précise : « M. de Molière étant indisposéIbid, p. 1543.Œuvres de Molière, en 1682, évoque enfin une toux qui a « abrégé sa vie de plus de vingt ans », et insiste en effet sur la « bonne constitution » de Molièreop. cit., Tome I, p. 1103.
À la Scène VI du Souper (P. 19), à Laforest qui lui reproche de « marcher » sur les ordonnances de son médecin, Molière chante :
AIR de Joconde. J'ai pris un savant médecin, Je hais la médecine. Mon docteur a le coup d’œil fin, L'humeur vive et badine. Nous causons ensemble, et je ris Des remèdes qu’il cite : Je n’en prends aucun, je guéris... Fleurant se félicite.
Cette réponse de Molière reprend presque au mot une anecdote présente chez Grimarest : Molière, en compagnie de son médecin le docteur « Mauvilain » (que l’on retrouve par ailleurs dans La Mort de Molière de Cubières) , invité à dîner chez le Roi, aurait eu cet échange :
Voilà donc votre médecin ? Que vous fait-il ? Sire, répondit Molière, nous raisonnons ensemble ; il m’ordonne des remèdes, je ne les fais point, et je guéris
GRIMAREST (Jean-Léonor Le Gallois de), .op. cit., p. 78. L’anecdote est reprise à l’identique chez Voltaire :Vie de Molière, op. cit., p. 16, et dans leMoliérana: COUSIN D’AVALON (Charles-Yves),op. cit., p. 105.
« Fleurant » correspond donc à un choix onomastique de Gassicourt, en clin d’œil au personnage – médecin, bien sûr – de ce nom du Malade imaginaire de Molière (1673, donc censé être postérieur à l’action du Souper), privilégiant la fiction (dans une mise en abyme avec l’œuvre moliéresque), plutôt que la prétendue véracité historique, Mauvilain étant cité comme le médecin de Molière et prénommé ainsi chez Grimarest comme chez Voltaire.
Tentons d’illustrer les répliques de Molière ouvrant son courrier et découvrant que sa famille l’exclut, au début de la scène VII : « Les Poquelin, pour assurer leur nouvelle noblesse, viennent de faire dresser leur généalogie. » ; le père de Molière y est dit « mort sans enfantop. cit., p. 16 à 19.Moliérana fait également référence à la déception causé par le choix professionnel de Molière dans sa famille, mais en donnant prétendument la parole au principal intéressé : « je me suis toujours reproché d’avoir donné ce déplaisir à ma famille » ; « si c’était à recommencer, je ne choisirais jamais cette professionop. cit., 1801. Reprise exacte de ces détails anecdotiques p. 110.
Mais il convient de préciser que ces dires font partie de la fiction que l’on a construite sur Molière dès le lendemain de sa mort : en effet, rien ne prouve que sa famille – et en particulier son père, souvent présenté comme un véritable obstacle à sa vocation de comédien, contrairement au grand-père, dont l’image d’Épinal nous dépeint un homme « qui avait de la passion pour la Comédieop. cit., p. 7.
Scène VII de nouveau, Molière lit à Laforest un extrait du Bourgeois gentilhomme :
Je crois que j’aurai le temps avant le souper de te lire une scène de mon
Bourgeois gentilhomme... Il y a dans cette pièce une certaine Nicole, qui t’est, je crois, un peu parente... Mets-toi là : écoute-moi sérieusementCf. .Le Souper, [p. 21].
Il s’agirait donc de quelque chose d’habituel, car Laforest lui répond : « Le moyen ! vous me faites toujours rireIbid.op. cit., p. 106-107.Œuvres de Nicolas Boileau Despréaux, Charles Hughes Lefebvre de Saint Marc, Amsterdam, volume 5, 1775 (« Réflexions critiques sur quelques passages de Longin », « Réflexion première », p. 14-15). On retrouve cette même anecdote de Molière lisant des passages à Laforest dans La Mort de Molière de Cubières, op. cit. (I, 5).Moliérana fait ensuite aussi mention de cette anecdote : « Molière lisait ses comédies à une vieille servante nommée Laforest ; et lorsque les endroits plaisants ne l’avaient point frappée, il les corrigeait, parce qu’il avait éprouvé plusieurs fois que ces endroits ne réussissaient pointop. cit. Reprise exacte de ces détails anecdotiques, p.46.Bulletin d’histoire de la révolution françaiseBulletin d’histoire de la révolution française, op. cit., p. 77.Historiettes, Tomes I, textes établis par Antoine Adam, Gallimard, NRF, Bibliothèque de la Pléiade, 1960, p. 319. Une note dit en effet que « Molière lui lisait toutes ses pièces, et quand L’Avare sembla être tombé : “Cela me surprend, dit-il, car une demoiselle de très bon goût et qui ne se trompe guère, m’avait répondu du succès.” en effet la pièce revint et plut. »
Beaucoup d’ouvrages s’accordent à dire que les amis de Molière étaient proches du milieu libertin de l’époque. Maurice Descotesop. cit., p. 26.Contes, en 1665, doit « plaider que son livre n’est pas “licencieux” » ; Chapelle est associé à une certaine « propension à l’ivrognerie et à la débauche » ; François Bernier prêche que l’ « abstinence des plaisirs est un péché », Mignard a des « relations avec les francs libertins du type Manicamp », La Mothe Le Vayer est un « abbé familier des ruelles autant que des coulisses de théâtre », et Ninon de l’Enclos, à la « vie naguère scandaleuse », « organise chez elle des lectures de Tartuffe. » La liste que l’on pourrait donc dresser des amis de Molière composerait « un milieu assurément indépendant d’esprit, porté à s’affranchir du dogme et, plus généralement, de l’enseignement dispensé par l’Église et l’Université, tenté par le matérialisme et l’épicurismeop. cit., p. 23.op. cit., p. 99.
Enfin, comme toujours lorsqu’il s’agit de la vie de Molière, il convient de conserver une certaine distance critique avec les informations que l’on peut rencontrer, la « perspective » ainsi tracée n’étant en effet « pas sans artificeop. cit., p. 23.Ibid.Tartuffe aussi bien chez une dame janséniste […] que chez NinonIbid.
Le portrait peint par Pierre Mignard
« Dans son intimité, un homme d’une santé prématurément atteinte, d’une très vive sensibilité, jaloux, assez replié sur lui-même et peu communicatif, vif et coléreux, quoique très honnête homme très bon et généreux : tel nous apparaît l’homme chez Molière. Et c’est bien aussi l’impression que nous donne le portrait de Mignard, conservé au musée de Chantilly, le seul qui, dépouillé de la pompe théâtrale, nous restitue le vrai visage de Molière : le regard, d’une grande douceur, est mélancolique et même triste. L’ensemble du visage, aux lèvres sensuelles, que n’éclaire aucun sourire, laisse une impression de gravité, de sérieux, qui corrobore bien les témoignages écrits que nous avons rappelés. »
Il s’agit là de la description de Georges MongrédienDictionnaire biographique des comédiens français du XVII e siècle, Paris, Centre National de la Recherche Scientifique, 1961, p. 155.
Nous serions en tout cas dans ce que Jules Loiseleur appellerait la dernière partie de la « trilogie » constituée par la « vie de Molière », « comme celle de la plupart des hommes du reste » : nous ne sommes ni dans l’étude, ni dans la période de lutte, mais davantage dans « le succèsLes Points obscurs de la vie de Molière : les années d’études, les années de lutte et de vie nomade, Paris, I, Liseux, 1877, première partie, « les années d’étude », p. 19-20 ; cité par FILIPPI (Florence), « Les vies de Molière (XVIIIe-XIXe siècles) : du parcours exemplaire à l’hagiographie », dans POIRSON (Martial) (dir.), Ombres de Molière : naissance d’un mythe littéraire à travers ses avatars du XVII e siècle à nos jours, Paris, Armand Colin, 2012, p. 202.
Michel Baron (de son vrai nom Boiron), fils des comédiens André Boiron et Jeanne Auzoult, « orphelin à l’âge de huit ansIbid, p. 503-505. Le père de Baron serait mort « en faisant le rôle de Dom Diègue dans le Cid » : « son épée lui tomba des mains, comme la pièce l’exige, et la repoussant du pied avec indignation, il en rencontra malheureusement la pointe, dont il eut le petit doigt piqué. Cette blessure fut d’abord traitée de bagatelle ; mais la gangrène qui y parut exigeant qu’on lui coupât la jambe, il ne le voulut jamais souffrir. Non, non, dit-il, à ce que l’on rapporte, un Roi de théâtre se ferait huer avec une jambe de bois, et il aima mieux attendre doucement la mort, qui arriva le 6 ou le 7 Octobre 1655. » ; sa mère « mourut à Paris au mois de Septembre 1662. » (Ibid.).Dictionnaire biographique des comédiens français du XVII e siècle, Paris, Centre National de la Recherche Scientifique, 1961, p. 15. Le
Si l’on imagine que l’intrigue du Souper a lieu à la fin des années 1660, la présence de Baron n’apparaît donc pas comme anachronique. On remarque en outre que sa grande admiration pour Molière correspond une fois encore à ce que Gassicourt a pu lire, par exemple chez Grimarest, où le souhait le plus cher du petit Baron est adressé à Molière : « être avec vous le reste de mes jours […] pour vous marquer ma vive reconnaissance de toutes les bontés que vous avez pour moiop. cit., p. 101.
La première apparition d’une certaine Laforest se trouve à notre connaissance dans l’inventaire après décès de Molière : on parle en effet, au tout débutCent ans de Recherches sur Molière, sur sa famille et sur les comédiens de sa troupe, Archives Nationales, Imprimerie Nationale, 1963, p. 554-555.Ibid., p. 584. On note que l’orthographe de ce nom est déjà fluctuante.Recherches sur Molière et sur sa famille, Paris, Librairie de L. Hachette et Cie, 1863, p. 97.op. cit., p. 583.op. cit., p. 141. Elle est qualifiée de « vieille servante » p. 248.Dom Quichotte par la troupe de MolièreLe Gouvernement de Sanche Panse, de Guérin de Bouscal (1642), effectivement jouée par la troupe de Molière, dans un arrangement de cette pièce « mis au point par Madeleine Béjart ». Cf. BRAY (René), op. cit., p. 95.Le Roman de Molière d’Édouard Fournier : il y est fait référence à « la bonne Renée Vannier, devenue si célèbre sous le nom de Laforêt » ; et une note précise : « C’était un nom commun aux domestiques. Fouquet avait un valet qui s’appelait ainsi. » (FOURNIER (Édouard), Le Roman de Molière, E. Dentu, Paris, 1863, p. 125). On retrouve également ce nom dans ADAM (Antoine), Histoire de la littérature française au XVII e, vol. 2, Albin Michel, 1997, p. 633.
Anecdotes et biographies ayant ainsi rendu célèbre Laforêt, Gassicourt l’a logiquement intégrée à sa pièce ; elle correspond en outre à la description qu’on en fit, et, notamment, nous l’avons vu, quant à son rôle de spectatrice privilégiée de Molière.
Mignard fut effectivement l’ami de Molière : ils se rencontrèrent vers 1656, « à Avignon », au moment où Pierre « revient d’ItalieLa Vie privée de Molière, Paris, Hachette, Collection « Les vies privées », 1950, p. 138.Le Grand dictionnaire historique ou le Mélange curieux de l’histoire sacrée et profane, Genève, 1759, Tome septième, p. 542.
« Boute-en-train de la bande », Chapelle est décrit comme celui qui égayait Molière « de sa bonne humeurLa Vie privée de Molière, Paris, Hachette, Collection « Les vies privées », 1950, p. 202.Ibid., p. 140.Molière, Ligugé, Fayard, 1998, p. 186.Ibid., p. 192.
On l’a noté, La Fontaine fait partie de ces noms que l’on associe la plupart du temps aux amitiés de MolièreÉpitaphe de Molière par La Fontaine : « Sous ce tombeau gisent Plaute et Térence ; / Et cependant le seul Molière y gît. » malignement » BoileauÉloge de La Fontaine d’André Naigeon, évoquant un souper entre Molière, La Fontaine, Boileau, Racine, et « quelques amis communsÉloge de La Fontaine, aux dépens de la Société typographique, Bouillon, 1775, p. 72.
La Fontaine était ce jour plus distrait encore qu’à l’ordinaire. Racine et Boileau voulant le tirer de sa rêverie, le raillèrent si durement que Molière trouva qu’ils passaient les bornes de la plaisanterie : alors prenant à part un des convives, il lui dit avec vivacité ;
nos beaux esprits ont beau se trémousser, ils n’effaceront pas le bon homme : ils les enterrera tous. Ibid.
Anecdote que le Moliérana reprendra égalementop. cit., p. 131-132.
Lorsque Molière s’inquiète, à l’arrivée de son ami Boileau, à la fin de la scène VII : « (Il jette son manuscrit dans un tiroir). Vite, vite, mettons mon plan à l’ombre ; ce n’est qu’une esquisse
C’est par là que Molière illustrant ses écrits Peut-être de son art eût remporté le prix, Si, moins ami du peuple en ses doctes peintures, Il n’eût point fait souvent grimacer ses figures, Quitté pour le bouffon, l’agréable et le fin, Et sans honte à Térence allié Tabarin. Dans ce sac ridicule où Scapin s’enveloppe, Je ne reconnais plus l’auteur du Misanthrope BOILEAU, .Art poétique, III, V.391-400, cité dans DESCOTES (Maurice),op. cit., p. 40.
En effet, nous pouvons par exemple faire un lien entre le vers : « Si, moins ami du peuple en ses doctes peintures », et ce qui précède cette fin de scène, c’est-à-dire la lecture de Molière à sa servante Laforest. Néanmoins, à l’époque où l’on a envisagé l’action du Souper (à la fin des années 1660), Boileau est encore « très loin de faire figure de Législateur du Parnasse ; c’est un jeune homme audacieux, railleur, qui écrit et récite un peu partout de joyeuses satiresLa Vie privée de Molière, Paris, Hachette, Collection « Les vies privées », 1950, p. 144.Le Misanthrope (4 juin 1666), mais pas encore Les Fourberies de Scapin (24 mai 1671), puisque cette pièce vient justement après Le Bourgeois gentilhomme (23 novembre 1670), que Molière est en train d’écrire dans la pièce. Si Gassicourt a donc pu s’inspirer de ces vers de Boileau, et, de manière générale, s’être servi de ses connaissances des relations entre Boileau et Molière pour y faire discrètement référence dans sa pièce, ce fut sans privilégier, une fois encore, la véracité chronologique, au profit d’une intelligence plus intuitive des relations entre les personnages. Dans cet esprit, on peut en outre souligner que Mongrédien évoque bien à cette époque des débuts de Boileau une amitié « solide et durable » avec MolièreIbid.Le Souper.
Quant aux bonnes relations entre Boileau et son jardinier, relevant d’une certaine intimité, nous pouvons relever la réplique d’Antoine : « nous nous écrivons, M. Boileau et moi
Jardinier n’est pas mon titre, Le mien m’fait plus d’honneur : Mon maître, dans une épître, M’appelle son gouverneur . Ibid.
En effet, l’Épître XI de Boileau, « À mon jardinier », s’adresse bel et bien à un Antoine, que son maître nomme gouverneur, et non simple jardinier : « Antoine, gouverneur de mon jardin d’AuteuilSatires, Epîtres, Art poétique, Gallimard, NRF, Coll. Poésie, Éd. Jean-Pierre Collinet, 1985, p. 214, v.3. Une note (p.332) précise que le nom complet de ce jardinier serait « Antoine Riquié ». Une édition des œuvres de Boileau de 1837 parle d’un « Antoine Riquer » (BOILEAU-DESPRÉAUX (Nicolas), Œuvres complètes, Paris, Philippe, 1837, p. 479), et une autre de 1850 évoque « Antoine Riquet » (BOILEAU-DESPRÉAUX (Nicolas), Œuvres poétiques de Boileau-Despréaux, avec des notes de tous les commentateurs, Paris, Charpentier, 1850, p. 223).Épîtres, I, 14), écrivant de Rome au fermier de son modeste domaine, a fourni l’idée générale de cette Épître », dont Boileau « s’inspire très librementIbid., p. 331.Œuvres poétiques de Boileau-Despréaux, avec une notice biographique et littéraire et des notes par E. Gerurez, Paris, L. Hachette et Cie., 1855, p. 183.Ibid.Ibid.
Gassicourt a donc suivi la véracité historique – du moins celle transmise par ses lectures – en donnant à ce personnage du jardinier le nom d’Antoine, et en faisant clairement référence à cette Épître de Boileau.
Concernant le « surintendant de la musique du roi Louis XIVop. cit., Tome Sixième, p. 504.Souper, puisque Lully devient « très tôt et pour longtemps le collaborateur principal de Molière » : ils commencèrent à travailler ensemble en 1664op. cit., p. 105.Le Mariage forcé (1664), L’Amour médecin (1665), La Pastorale comique (1667), George Dandin (1668), Monsieur de Pourceaugnac (1669), Les Amants magnifiques (1670), et Le Bourgeois gentilhomme (1670) ; Lully semble donc avoir toute sa place dans la pièce de Gassicourt, parmi les proches du dramaturge, la fameuse brouille entre les deux artistes n’ayant pas encore eu lieu. En effet, « ce fut à la suite de Psyché que les premiers signes de la brouille avec Lully se manifestèrentLa Carrière de Molière : entre protecteurs et éditeurs, Amsterdam, Rodopi, 1998, p. 114. Psyché, tragédie-ballet, fut présentée au Palais-Royal le 24 juillet 1671.Le Dernier Molière, des Fourberies de Scapin au Malade imaginaire, Paris, Société d’édition d’enseignement supérieur, 1977, p. 49.Ibid.
Lully réussissait admirablement dans les contes obscènes : hors de là, il n’avait point de conversation. Molière le regardait comme un excellent pantomime, et lui disait assez souvent, Lully, fais-nous rire
. Encyclopediana, ou Dictionnaire encyclopédique des Ana, Paris, Panckoucke, 1791, p. 630.
Penchons-nous maintenant sur l’anecdote de la petite « infidélité » de vocation que Lulli aurait faite, évoquée par Mignard à la scène III (P. 9) : ce dernier dit en effet que, « dans sa dernière maladie, il a sacrifié, par dévotion, son nouvel ouvrage », et explique en chanson :
Un adroit et saint confesseur, Ennemi de la comédie, Vint lui conter que tout auteur Brûle à jamais dans l’autre vie. Lulli, pénétré, soupira, Et, dans une frayeur extrême, Il a brûlé son opéra Pour n’être pas brûlé lui-même.
Ce à quoi Lulli répond : « oui, mes amis, je l’avouerai », et précise finalement : « Mais en espérant bien en guérir, / J’en avais gardé la copieEncyclopédiana, où l’on peut lire en effet que Lully, s’étant blessé le « petit doigt du pied en battant la mesure avec sa canne », aurait assisté à l’aggravation de sa blessure, de telle sorte qu’un médecin « lui conseilla de se faire couper le doigt. » Mais l’opération prit du retard, et le « mal » attaqua la jambe ; alors :
Son confesseur qui le vit en danger, lui dit qu’à moins de jeter au feu ce qu’il avait noté pour son opéra nouveau, pour montrer qu’il se repentait de tous ses opéras, il n’y avait point d’absolution à espérer : il le fit. Le confesseur s’étant retiré, M. le Duc vint le voir et lui dit : Quoi ! tu as jeté au feu ton opéra ? Que tu es fou d’en croire un janséniste qui rêvait : paix, monseigneur, paix, lui répondit Lully à l’oreille : je savais bien ce que je faisais : j’en avais une seconde copie. Par malheur cette plaisanterie fut suivie d’une rechute et l’emporta
. Encyclopediana, p. 631.
Cet épisode relève donc encore une fois de l’anachronisme dans la pièce de Gassicourt, puisqu’il correspond à la toute fin de vie de Lully, c’est-à-dire l’année 1687, où il écrivit sa dernière œuvre, l’opéra Achille et Polyxène, dont il est question ici
Nous avons retrouvé dans un nombre certain d’ouvrages cette fameuse anecdote du souper très (trop ?) arrosé de Molière avec ses amis dans sa maison d’Auteuil. Plus précisément, chaque fois que nous avons cherché des renseignements sur Auteuil, cet épisode était évoqué, comme s’il faisait partie intégrante de l’histoire de ce lieu ; c’est pourquoi nous les traitons ensemble.
Le village d’Auteuil, « bâti dans une belle situation, sur une colline qui borde la rive droite de la SeineGuide pittoresque du voyageur en France, Tome Sixième, Paris, Didot frères, 1838 (« Paris et ses environs », p. 2-3). e arrondissement de Paris. Il est donc cohérent que Lafontaine arrive par le Bois de BoulogneGuide pittoresque du voyageur en France, Tome Sixième, Paris, Didot frères, 1838 (« Paris et ses environs », p. 2-3).
Cette situation participa de son succès. Le village attira, que ce soit à l’époque de Molière ou à celle de Gassicourt, un grand nombre d’artistes : « Boileau, Molière, Chapelle, Franklin, Condorcet, Helvétius, Houdon, Cabanis, Rumfort y avaient leurs maisonsIbid.e siècle, Auteuil était alors un véritable lieu de villégiature. En tout cas, si Boileau et Molière résidèrent tous deux à Auteuil, précisons qu’il y a anachronisme dans Le Souper, dans la mesure où Gassicourt fait concorder ces deux événements. Laforest évoque en effet Boileau en tant que « voisin » de Molière : « M. Despréaux, notre voisinLe Village d’Auteuil, Paris, Les Éditions de Minuit, 1978, p. 67.
Molière avait une maison de campagne située […] probablement à l’emplacement du N°2 de la rue d’Auteuil. De 1667 à 1672, il venait y habiter lors des beaux jours, en utilisant la galiote allant du Louvre à Saint-Cloud
. Ibid., p. 65.
Les avis sont partagés quant à la date marquant le début de sa location d’une maison. Un incident entre ses bailleurs et leur jardinier attesterait bien de la présence de Molière à Auteuil en août 1667, ce qui porte Christian Warolin à dire qu’il y est probablement à partir de 1666Molière et le monde médical du XVII e siècle, Paris, L’Harmattan, 2013, p. 43. Molière aurait en effet loué « chez Jacques de Grout de Beaufort et Marie Filz, sa femme. »
Venons-en à la fameuse anecdote du souper si mémorable qui aurait eu lieu dans cette petite maison de Molière à Auteuil. Nombre d’ouvrages y font référence, et l’épisode est partout caractérisé par le même schéma : Molière fatigué, malade, se retire et laisse ses invités poursuivre les festivités ; ces derniers, sous l’impulsion du vin, et de Chapelle alcoolisé, portent la conversation sur la vanité et la vacuité de la vie, et la nécessité d’y mettre fin ; tous sont d’accord pour aller se jeter dans la rivière, qui n’est pas loin ; mais Molière, grâce à l’intervention de Baron, les en empêche, les convainquant que leur acte serait plus héroïque s’il avait lieu au grand jour, autrement dit dès le lendemain matin. Bret évoque notamment ce souper en 1788, donc dans un ouvrage que Gassicourt a pu lire : Œuvres de Molière, avec des remarques grammaticales, des avertissements et des observations sur chaque pièce. On y retrouve notre Molière si atteint par sa « santé languissante », et son régime lacté, que Chapelle lui-même guide la fête :
Un jour que ce dernier y était allé avec MM. De Nantouillet, Jonsac, Despréaux, Baron et quelques autres, Molière qui avait assisté au commencement du souper se retira, et laissa ses amis se livrer au plaisir de causer et de boire aussi longtemps qu’il le voudraient. Le feu de la conversation, et surtout la fumée du vin, échauffèrent par degrés les esprits, et la conversation étant tombée sur les misères humaines, nos convives exhalèrent bientôt les tristes rêves d’une philosophie sombre et noire. Nous sommes tous des lâches, dit chapelle ; que ne cessons-nous de murmurer et de vivre ? la rivière est à cent pas, allons nous y précipiter. L’enthousiasme du poète ivre passa rapidement dans toutes les têtes ; déjà on se lève en applaudissant, on se prépare, en s’embrassant pour la dernière fois, à terminer des jours qui paraissent d’un poids et d’un ennui insupportables. Le célèbre Baron heureusement avait conservé plus de sang-froid ; il court au lit de Molière qui paraît bientôt au milieu de ses amis. Eh quoi ! leur dit-il, j’apprends que vous avez conçu le projet le plus courageux et le plus sage, et je ne devrais qu’à Baron l’honneur de le partager ? […] Un moment, reprit Molière, n’abandonnons point une résolution si belle aux fausses interprétations qu’on peut lui donner ; on saura qu’à la suite d’un long souper nous aurons fait le sacrifice de notre vie, et la calomnie, avide de tout dénigrer, répandra le bruit que l’ivresse nous a plus inspirés que la philosophie. Amis, sauvons notre sagesse, attendons le retour prochain du soleil ; alors, aux yeux de tout le monde, nous donnerons cette leçon publique du juste mépris de la vie. Parbleu, dit Chapelle, sa réflexion est de bon sens, donnons au repos le reste de la nuit, notre sagesse n’en sera que plus pure et plus éclatante. Molière en fut cru, on dormit, et le réveil, comme il l’avait prévu, fit trouver à ses convives assez de plaisir à vivre pour les exciter à rire de leur ridicule saillie de la nuit
BRET, .Œuvres de Molière, avec des remarques grammaticales, des avertissements et des observations sur chaque pièce, Tome premier, Paris, aux dépens des Libraires associés, 1788, p. 65-67.
Chez Georges Mongrédien, l’anecdote est en tous points identique, mais les paroles des convives, et notamment de Chapelle, sont nettement développéesLa Vie privée de Molière, Paris, Hachette, collection « Les vies privées », 1950, p. 203. Cf. Annexes.Le Souper : dans la pièce de Gassicourt, Molière reste en effet toute la soirée avec ses convives, et n’est pas, comme on a pu le lire, averti par Baron
Les sources dites historiques représentent semble-t-il la quasi totalité des références mobilisées par Gassicourt pour former son intrigue. Nous pouvons néanmoins tenter de souligner quelques éléments de sources relevant davantage du domaine littéraire : ils sont bien sûr en lien avec l’œuvre de Molière.
Ce souper n’est-il qu’un petit épisode annexe et très retravaillé par la postérité, ou peut-on du moins le rapprocher de l’œuvre de Molière ? Le XVIIe siècle est en effet « celui du champagne et de ces deux grands contemporains que sont Louis XIV et Dom PerrignonActes du colloque international de Pézenas, 7-8 juin 2001, publiés par la ville de Pézenas, université de Nice-Sophia Antipolis, Pézenas, 2003 (« La fête gastronomique », Ronald W. Tobin, p. 332).le Cuisinier françoys en 1651Ibid.
Les plats gastronomiques que Molière sert à travers son œuvre sont d’une grande variété depuis la fonction érotique du potage proposée par le serviteur Alain dans
L’École des femmesjusqu’au traité de l’indigestion et de l’évacuation que nous offre le spectacle duMalade Imaginaire, en passant par le banquet qu’offre le bourgeois gentilhomme à sa Marquise, les repas non consommés dansDom Juan, le traité de l’hospitalité implicite dans l’Amphitryon, le refus de ce qui nourrit le corps par les femmes savantes, et le désir de supprimer l’appétit de tous – convives, serviteurs et bêtes – par l’avare dans une pièce qui prouve d’ailleurs que La Varenne constituait une des sources non littéraires de Molière. Ibid., p. 335.
On pourrait même, comme le propose Ronald W. Tobin, aller jusqu’à rapprocher le mot « comédie » du « verbe latin comedi, “manger”Ibid., p. 334. Cf. TOBIN (Ronald), Tarte à la crème : comedy and gastronomy in Moliere’s theater, Ohio State University Press, 1990.
De Dom Juan (1665), l’on retrouve notamment le parler populaire de Charlotte et Pierrot, chez Antoine, disant par exemple : « mamzelle LaforestPrécieuses (1659).Dom Juan : celui du tabac par Sganarelle (I, 1), et de l’inconstance (I, 2) ou encore de l’hypocrisie (V, 2) par Dom Juan. Mais, chez Gassicourt, il s’agit en fait d’un éloge non paradoxal, l’éloge de la tempérance, mais énoncé dans une situation paradoxale, puisque Boileau parle alors sous l’effet de l’alcool… Il y a donc sans doute un clin d’œil de la part de l’auteur dans cette remobilisation d’un intertexte moliéresque connu du public. D’ailleurs, cette connivence avec le spectateur est mise en lumière par la réplique de Molière qui vient juste après : « C’est une scène ! », puisqu’il s’agit de paroles prononcées « à part », donc en adresse au public ; cela mêle le Molière personnage, et le Molière ayant réellement existé. Ce procédé de mise en abyme se retrouve quant à la pièce du Misanthrope cette fois, scène XI, lorsque Molière, observant ses convives blâmer la société et vanter leurs réunions privées, en autarcie, réplique « gaiement » : « Je puis vous consulter, à ce que je vois, pour retoucher mon Misanthrope
Pour conclure sur la question des sources, on s’accorde à dire qu’il est impossible de parler de Molière « sans mêler discours historique et construction légendaire, car l’histoire et le mythe se confondent au point d’être parfois impossibles à dissociere-XIXe siècles) : du parcours exemplaire à l’hagiographie », dans POIRSON (Martial) (dir.), Ombres de Molière : naissance d’un mythe littéraire à travers ses avatars du XVII e siècle à nos jours, Paris, Armand Colin, Recherches, 2012, p. 209.
L’amitié occupe une place prépondérante dans Le Souper, thématique d’emblée évoquée par le titre ainsi que la liste des personnages-convives. Le mot apparaît d’ailleurs sept fois, et « ami(s) » quarante-quatre. Mais soulignons qu’elle est considérée dans un prisme tout philosophique. En effet, lorsque Molière entre sur scène, il précise ce qu’il entend par amitié : s’il est touché de voir tous ces personnages autour de son portrait, qui « le couronnent et attachent des guirlandesIbid.Ibid.satisfactionIbid.Ibid.Ibid.Ibid.Ibid.disputatio est évoqué dès le début par Laforest : « nous disputions nous deuxIbid.
ANTOINE.
[…] nous venons vous prier d’assister au serment mutuel que nous avons tant de plaisir à faire.
LULLI.
Dis donc à renouveler, car vous vous aimez depuis longtemps
Scène V, p. [16]. .
En somme, ce Souper peut bel et bien faire penser au Banquet de Platon, et ce de surcroît lorsqu’on connaît l’attrait du XVIIIe siècle pour la période antique.
Toujours concernant cette thématique philosophique, la question du bonheur occupe une place de choix dans la pièce. En effet, si l’idée de la noyade voit le jour, c’est justement parce que les convives estiment que le bonheur ne leur est pas accessible, et que tous leurs efforts pour y accéder sont vains : « le bonheur, le repos ne sont pas de ce monde
S'attendre à tout est le moyen D'alléger le poids de sa vie ; N'espérer ou ne craindre rien, Est la saine philosophie. Oui, pour être heureux en effet, Ma méthode est très salutaire : Jugeons le mal que l’on nous fait Par le mal qu’on pouvait nous faire . Ibid, p. [36].
Ses principes dépassent les aléas matériels et professionnelsTartuffe, quand on n’allait qu’avec peine au Misanthrope, tandis que tout Paris courait aux pièces de Pradon. », puis avec Boileau : « Et Pradon, et Chapelain, et Brébeuf, sont de l’Académie ! c’est un enfer ! », et Lulli : « Pourquoi travaillons-nous ? pour être dénigrés par des sots. » (Ibid.).Ibid., p. [37].op. cit., p. 143.Comédies Choisies, Édition Denis Fachard, Le Livre de poche, La Pochothèque, Paris, Librairie Générale Française, 2007, Molière, I, I, p. 1075.La Vie privée de Molière, Paris, Hachette, collection « Les vies privées », 1950, p. 134.op. cit., Tome I, p. LV.op. cit.,, p. 311. On retrouve cette idée dans MOLIÈRE, op. cit., Tome I, p. XIII : Georges Forestier et Claude Bourqui citent en effet les Sentiments de Rosteau sur quelques livres ou sur quelques ouvrages qu’il a lus (Bibl. Sainte-Geneviève, ms.3339, p. 69-70) : « Cet auteur ne se contente pas de bouffonnerie. Il est sérieusement savant quand il lui plaît. La traduction qu’il a faite de Lucrèce moitié en prose et moitié en vers en est un argument certain » (la note précise que Rosteau « était le meilleur ami de Scarron et passait pour l’un des plus beaux esprits des milieux galants »).earthly paradiseop. cit., p. 120. Nous traduisons : « paradis terrestre ».Souper correspond à la période d’un repli sur soi pour Gassicourt, face aux événements politiques, et, qu’en outre, il se disait, de manière générale, épicurien.
Au travers des distinctions opérées par Molière au cours de la pièce, on a pu envisager un certain risque d’ambivalence, voire de « dualité », dans cette figure du philosophe « à la fois comme un homme sage qui mène une vie tranquille et retirée, hors de l’embarras des affaires et comme un homme, qui par libertinage d’esprit se met au-dessus des devoirs, et des obligations ordinaires de la vie civileOmbres de Molière : naissance d’un mythe littéraire à travers ses avatars du XVII e siècle à nos jours, Armand Colin, Recherches, Paris, 2012, p. 271 (Cyril Chervet reprend le
Concernant le domaine religieux – très lié au philosophique certes, mais dont nous tentons de souligner les particularités –, on constate que la vocation est tournée en dérision à la scène IIIa priori à son image, on peut donc penser que cette dérision que Gassicourt place chez Mignard et Lulli n’est pas étrangère à Molière. D’ailleurs, la scène V tend à confirmer cette première idée, dans la mesure où tout ce passage concerne l’excommunication du dramaturge, considérée comme injuste par tousIbid.L’Homme glorieux ou la Dernière perfection de l’homme, achevée par la gloire éternelle, Paris, Gilles Gourault, 1664, « Le Roi glorieux au monde, ou Louis XIV, le plus glorieux de tous les rois du monde », dans MOLIÈRE, op.cit., Tome II, p. 1166.e et le XVIIIe siècle, on peut ainsi envisager là encore un phénomène de double historicité, compris par le public contemporain de Gassicourtop. cit., p. 193).
Soulignons néanmoins la nette distinction entre le pouvoir ecclésiastique terrestre, incarné par les prêtres et rappelant la querelle entre Molière et ses détracteurs de la Compagnie du Saint-Sacrement, évoqué comme un problème par rapport à la profession de comédien, et la croyance en Dieu lui-même, qui n’est pas contestée quant à elle : Antoine : « Ce n’est pas Dieu, je le vois bien, ce sont les prêtres qui repoussent les comédiensIbid.
Que Molière fût en même temps bon chrétien, cela est très vraisemblable et nous savons qu’il avait encore fait ses Pâques l’année qui précéda sa mort. À l’époque, le monde ne se divisait pas en chrétiens et en agnostiques, mais en chrétiens dévots, rigoristes et attardés et en chrétiens ouverts aux idées nouvelles, prêts à lutter contre la tyrannie exercée dans les foyers au nom de la religion
MONGRÉDIEN (Georges), .La Vie privée de Molière, Paris, Hachette, Collection « Les vies privées », 1950, p. 147.
Finalement, Molière, s’il est érigé en saint, c’est en saint détaché du domaine religieux de son temps, caractérisé par l’injustice et la corruption, et s’il est un dieu, c’est bien le « Dieu du Ris », selon l’expression du gazetier Robinetop. cit., p. 32.
Reprenons une remarque que nous avons faite quant à la dramaturgie : nous avons souligné un double mouvement qui traversait la pièce, à savoir à la fois un mouvement de répartition, et un autre de rassemblement. Or, cette idée peut être particulièrement intéressante, si on l’applique au domaine politique, sous-jacent dans Le Souper. En effet, Gassicourt l’écrit en pleine Révolution française ; on pourrait donc s’attendre à rencontrer une résonance politique dense dans les relations entre les personnages, dans leurs rapports de force… Cette étude nous conduit à souligner, dans un premier temps, la mise en place prépondérante d’une répartition, voire d’une séparation touchant les différents personnages. De fait, plusieurs didascalies mettent en lumière un tableau de la scène présentant ces personnages attelés chacun à leurs fonctions, dans « leur élément », sans grande surprise : « Laforest range dans le fond du théâtre ; Mignard prend ses pinceaux, et Lulli se met au clavecin » ; « Mignard travaille, et Laforest, appuyée sur un balai, l’examinee comme le XVIIIe siècle. En outre, cette répartition-séparation est le point de départ du projet de noyade : c’est bien parce que les convives estiment qu’ils ne sont pas reconnus à leur juste valeur dans la société, et considèrent qu’il n’y a qu’entre eux que ce peut être véritablement le cas, que l’issue du suicide collectif s’impose. On constate ainsi une séparation entre société et autarcie, entre gens « normaux » et artistes : « Avouons-le ; ce n’est qu’entre nous, ce n’est qu’ici, que nous sommes à notre place et que nous pouvons jouir d’une liberté que n’empoisonne point l’envie ou la sottise des hommes
Cependant, il y aurait une nuance à apporter à cette prépondérance du mouvement de répartition. En effet, plusieurs éléments de la pièce témoignent d’un rassemblement fécond entre les personnages. Si Laforest est fière de son maître Molière, donc dans un schéma traditionnel, ce n’est pas en tant que maître, mais bien davantage en tant qu’artiste, et de même pour Antoine de Boileau : leur fierté prend donc un aspect culturel bien plus que hiérarchique, socialIbid., p. [13].
MOLIÈRE.
Allons, plus de retard, remplissons notre engagement : voici tout le village, qui est déjà prévenu, et qui se fait un plaisir de nous accompagner.
LES VILLAGEOIS.
Oui... sans doute... assurément.
Puis Madelon insiste :
MADELON,
à Lulli.Vous avez fait une promesse :
Vous coûterait-elle à remplir ?
Voyez la foule qui vous presse,
Ne la privez pas d’un plaisir.
Or, cette question de la représentation du peuple sur scène étant fondamentale pour le théâtre de la Révolution, cela laisse entendre là encore un effet de double historicité.
Enfin, certains termes ne manquent pas de nous rappeler que cette pièce date de la Révolution française. La notion de « sensibilité » est par exemple typique du XVIIIe siècle, et connotée positivement, comme le montre cet article de l’Encyclopédie :
Disposition tendre et délicate de l’âme, qui la rend facile à être émue, à être touchée. […] Les âmes sensibles peuvent par vivacité tomber dans des fautes que les hommes à procédés ne commettraient pas ; mais elles l’emportent de beaucoup par la quantité des biens qu’elles produisent. Les âmes
sensiblesont plus d’existence que les autres : les biens et les maux se multiplient à leur égard. La réflexion peut faire l’homme de probité ; mais lasensibilitéfait l’homme vertueux. Lasensibilitéest la mère de l’humanité, de la générosité ; elle sert le mérite, secourt l’esprit, et entraîne la persuasion à sa suiteDIDEROT et D’ALEMBERT (dir.), .op. cit., Tome Quinzième (p.52, « sensibilité » (Morale), Le Chevalier de Jaucourt).
Cette attitude très positive, donc, est bien sûr attribuée à Molière, qui contemple « avec sensibilitéIbid.Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » Puis, Chapelle évoque la liberté d’expression : « Lorsque la réunion des Auteurs s’intitule la République des Lettres, c’est pour que tous soient libres d’écrire ce qu’ils pensentIbid., p. [26].Déclaration : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ». En outre, la distinction entre les « hommes grands » et les « grands hommes », proposée par Boileau à propos du dîner refusé par Chapelle, paraît elle aussi d’actualité : « Combien peu de ces hommes si grands, seront un jour de grands hommes ! Ibid., p. [25].op. cit., Le Festin de pierre, IV, IV, p. 889 : Don Louis : « la naissance n’est rien où la vertu n’est pas. » Le Souper de Molière.
Il n’existe qu’une édition de cette pièce de Cadet de Gassicourt, d’après laquelle nous avons établi la nôtre : celle de 1795. Elle fut créée le 4 Pluviôse an III, autrement dit le 23 janvier 1795.
Nous avons établi le texte à partir de l’édition disponible sur le site contentdm.warwick.ac.uk. Il se trouve à : University of Warwick Library ; Cote : 75171139.
Il existe encore aujourd’hui plusieurs exemplaires de cette première édition, dont nous avons consulté ceux disponibles à Paris, afin d’en souligner les éventuelles différences :
BNF, Richelieu-Louvois, 8-REC-220 (7, 50) (lacune de vingt pages : arrêt à partir de la page 32).
BNF, Richelieu-Louvois, 8-REC-221 (1, 5)
BNF, Richelieu-Arts du spectacle, 8-RF-3744
BNF, Richelieu-Arts du spectacle, 8-RF-3750 (2).
BNF, Arsenal, GD-22239
BNF, Arsenal, THN-18907
BNF, Arsenal-RESERVE, 8-NF-7025
N.B : 1) Nous n’avons pas observé de différences entre ces éditions : le texte est exactement le même. Il n’y a en effet pas eu, à notre connaissance, de corrections sous presse. Les coquilles listées ci-dessous sont donc celles de tous les exemplaires que nous avons consultés.
2) Nous avons tenté tant que possible de suivre la mise en page du texte original.
Il s’agit d’un ouvrage in-octavo.
Deux pages non numérotées correspondent à la page de titre et à la liste des Acteurs. L’édition commence sans paratexte à la page [3] et comporte 52 pages au total.
Nous n’avons pas constaté d’erreurs de pagination. Nous pouvons toutefois noter que la page [51] n’était pas numérotée sur l’édition originale.
Le volume se présente comme suit :
[I] Page de titre
[II] Liste des Personnages et Acteurs
[3-50] Texte de la pièce
[51-52] Catalogue.
Description de la page de titre :
LE SOUPER DE MOLIERE, / OU / LA SOIRÉE D’AUTEUIL, / FAIT HISTORIQUE EN UN ACTE, / MÊLÉ DE VAUDEVILLES, / Par le C. CADET-GASSICOURT, / Représenté, pour la première fois, à Paris , / sur le Théâtre du Vaudeville, le 4 Pluviose, / an troisième de la République. / [filet] / Prix : Cinquante sols, avec la musique. / [filet] / A PARIS, / Chez les Libraires / [accolade] / Au Théâtre du Vaudeville. / Au Théâtre Martin, ci-devant Molière. / Et à l’Imprimerie rue des Droits de / l’Homme, N°.44. / [filet] / Floréal, an Troisième. / BIBLIOTHÈQUE / Amédée MARANDET
En règle générale nous avons conservé l’orthographe de l’édition originale, et n’avons pas ajouté d’accent aux majuscules qui n’en comportaient pas. Nous avons par ailleurs conservé les tirets aux pages [9, 13, 16 et 21], dans la mesure où ils sont présents dans tous les exemplaires que nous avons consultés, et où ils semblent bien correspondre à l’introduction d’une anecdote par le personnage.
Toutefois, nous nous sommes livrés à quelques rectifications d’usage, qui nous ont semblé indispensables pour une parfaite lecture du texte.
Ainsi :
P. 7 : virgule après le nom du personnage « Mignard » : remplacée par un point, pour davantage d’homogénéité avec le reste de la mise en forme de la pièce.
P. 8 : « re » (note de musique) corrigé en « ré » pour faciliter la lecture.
P. 13 : « racontez-nous-là » corrigé en « racontez-nous-la ».
P. 13 : « Lully » corrigé en « Lulli » pour homogénéiser la graphie de ce nom dans la pièce.
P. 13 : ajout du tréma sur le « e » de la première occurrence du mot « poete », dans la réplique de Laforêt, pour assurer l’homogénéité de l’orthographe « poëte » que nous avons choisi de conserver tout au long de la pièce (cette différence est sans doute due à un effacement progressif).
P. 18 : à la fin de la scène 5, nous avons rassemblé les deux répliques consécutives de Molière, l’une dite « à part », et l’autre « à Antoine et Madelon », séparées dans l’original, afin de faciliter la lecture.
P. 20 : remplacement du point d’interrogation par un point d’exclamation à la fin du vers « Que de vices seraient proscrits ! »
P. 20 : ajout de la parenthèse manquante en fin de didascalie introduisant la scène VII.
P. 21 : « rénie » corrigé en « renie ».
P. 25 : « vôtre fête » devient « votre fête ».
P. 27 : remplacement de la virgule par un point en fin de didascalie : « C H A P E L L E. »
P. 30 : « peut-ton » corrigé : « peut-on ».
P. 30 : nous avons supprimé la didascalie « (Laforest sort.) », dans la mesure où ce personnage reste présent dans cette même scène XI. De même P. 39.
P. 31 : remplacement du point d’interrogation par un point d’exclamation à la fin de la phrase « Et nous ne sommes qu’au dessert ! ».
P. 31 : « Il se mettent à table » corrigé en « Ils se mettent à table ».
P. 32 : ajout de la fermeture de parenthèse en fin de didascalie pour la réplique de Lulli « Approchez-vous… ».
P. 36 : « C H A P L L E » : « C H A P E L L E ».
P. 38 : « éffrayée » : « effrayée ».
P. 45 : ajout du « s » effacé dans « inspire ».
P. 45 : Nous avons corrigé la numérotation erronée de la dernière scène : « XIV » et non « XV ».
P. 46 : « Lully » : « Lulli » pour davantage d’homogénéité.
N.B : Nous avons par ailleurs choisi de transcrire les deux parties musicales contenues dans l’édition originale aux pages [33] et [39-40].
Nous n’avons pas restitué les deux dernières pages, correspondant aux « Livres nouveaux » choisis par l’éditeur, et variant selon les exemplaires que nous avons consultés, contrairement au texte.
Les CC. Et Cnes.
ALLONS, Antoine, laisse-moi ; nous avons du monde ce soir, et je n’ai pas plus de tems qu’il ne m’en faut...
Pourquoi me faire languir ; par pitié dites-moi si je puis espérer d’obtenir ma chère Madelon.
Je vois bien qu’il me faut débarrasser de toi… Eh bien ! oui, mon garçon ; tout est arrangé, et j’en ai la parole ; mais il faut te le dire : j’ai bien eu de la peine. Sans mon maitre, qui a promis de fouiller à l’escarcelle*, et de payer la dot de Madelon, ma foi je n’obtenois rien.
De payer la dot de Madelon ? Quel bienfait ! Allez, allez, mamzellee siècle, et qu’elle n’apparaît dans un dictionnaire qu’avec le Littré (Dictionnaire de la langue française, Tome Second, Première partie, Paris, Hachette, 1869, p. 373).
Son père ! Oh ! si fait. Mathurin n’est pas un... harpagonL’Avare de Molière, comédie en cinq actes et en vers, représentée pour la première fois au Théâtre du Palais-Royal le 9 septembre 1668.Dictionnaire de l’Académie française de 1762 (4e édition), on retrouve cette acception du proverbe à l’entrée « poule » : « Ce n’est pas à la poule à chanter devant le coq, pour donner à entendre qu’une femme ne doit point se mêler de décider en présence de son mari. » Comme le souligne M. de la Mésangère, dans son Dictionnaire des proverbes français (3e édition, Paris, 1823), (à « coq », p. 177) : « ce proverbe se trouve mot à mot dans Molière ». Cf. Les Femmes savantes, Acte V, scène 3, lorsque Martine dit : « Mon congé cent fois me fût-il hoc, / La poule ne doit point chanter devant le coq. » Et la Mésangère précise : « Longtemps auparavant, Jean de Meung avait dit : C’est chose qui moult me desplaist / Quand poule chante et coq se taist. » L’auteur ajoute enfin : « Devant était autrefois préposition de temps. Le sens du proverbe est qu’une femme ne doit prendre la parole que lorsque son mari a parlé. »
Enfin Madelon sera ma femme ! quelle joie !... Elle est bien aimable, Madelon, n’est-ce pas ?
e siècle », (La Licorne, n°52, 2000, p. 83-92), est ici éclairante : cette ponctuation « détermine le débit et l’intonation de la voix du comédien. » ; « L’utilisation du point d’interrogation dans les extraits de Sganarelle de Molière et de Mithridate de Racine, indique au comédien qu’il doit terminer le vers en élevant fortement la voix. » Et Georges Forestier, dans « Du spectacle au texte : les pratiques d’impression du texte de théâtre au XVIIe siècle » (Du Spectateur au lecteur. Imprimer la scène aux XVI e et XVIIe siècles, éd. Larry F. Norman, Philippe Desan et Richard Streier, Fasano, Schena Editore-Presses Universitaires de Paris-Sorbonne, « Biblioteca della Ricerca. Cultura Straniera », n°118, 2002, p. 107), d’aller dans le même sens : « la ponctuation avait pour fonction jusqu’au XVIII
doute, certainement. » (Dictionnaire universel de Furetière, 1690).
Et puis, épouser le jardinier de M. Boileau ; dameDame, si vous ne vous arrêtez. Dame, vous m’en direz tant que je ne saurais plus que répondre. Il est bas. » (Dictionnaire de l’Académie française, 1694). L’édition de 1762 reprend la même définition, à l’exception près de la fin : « il est populaire » et non « bas ».
Ne croyez pas plaisanter ; nous nous écrivons, M. Boileau et moi
PesteDictionnaire de l’Académie française, 1694 : « On s’en sert encore par exclamation et par admiration, et alors c’est une espèce d’interjection. Peste, que cela est beau ! Peste, qu’il fait froid ! la peste, vous ne m’y tenez pas. » On retrouve le même sens dans l’édition de 1762 : « On s’en sert encore par exclamation et par admiration ; et alors c’est une espèce d’interjection du style familier et bas. »
Et mon maître est le premier homme du monde, oui.
Comme tu y vas, Antoine : et Molière donc ?
Nous avons fait l’Art PoëtiqueL’Art poétique de Boileau, paru en 1674.
Nous avons fait le Misantrope, l’AvareLe Misanthrope, ou l’atrabilaire amoureux, pièce en cinq actes et en vers, représentée pour la première fois le 4 juin 1666 au Théâtre du Palais-Royal, et L’Avare (déjà cité supra p. [4]).
Et nous le Lutrin de la Sainte ChapelleLe Lutrin : les deux premiers chants sont publiés entre 1672 et 1674, et les deux derniers en 1683. Boileau a cherché à élaborer une œuvre sérieuse à partir d’un sujet pourtant mince, comme le soulignent Paul Emard et Suzanne Fournier dans leur Introduction (p.11) à La Sainte-Chapelle du Lutrin : Pourquoi et comment Boileau a composé son poème : « On comprend […] combien l’existence petitement mais fortement tourmentée des habitants de la Sainte-Chapelle sous la Trésorerie de Claude Auvry, peut être pleine d’intérêt. »
Et nous... le TartuffeTartuffe, ou l’Imposteur, comédie de Molière, en cinq actes et en vers : elle a été représentée pour la première fois le 12 mai 1664 à Versailles en trois actes et en vers, puis sous sa forme définitive, en cinq actes, le 5 février 1669, suite à la fameuse « Affaire du Tartuffe ».
Mon maître est plus habile.
Le mien est plus fameuxDictionnaire universel de Furetière, on retrouve uniquement la première acception : « Qui est en vogue, en réputation bonne ou mauvaise. C’est un fameux Auteur […]. », tout comme dans les éditions une (1694) à six (1835) du Dictionnaire de l’Académie française.
Vous dites cela... parce qu’il vous consulte.
Voici M. Mignard et M. Lulli ; je m’en rapporte à eux.
Soit, je le veux bien.
ALLONS, mon ami, mettons-nous à l’ouvrage... Ah ! bonjour, Laforest.
C'est que, voyez-vous, nous disputions nous deuxse disputent sur tout, sur un rien. ». Il semble que Laforest emploie bel et bien la première forme, et nous pouvons comprendre « Nous disputions/défendions notre opinion l’un contre l’autre », « nous confrontions nos points de vue » (cf. Édition de 1727, revue et augmentée par Henri Basnage de Beauval et Jean-Baptiste Brutel de La Rivière). Grammaire du Français classique (p.184). Quant à la formule « qu’est-ce qui » au lieu de « qui est-ce qui », Nathalie Fournier, lors d’une communication électronique, nous a généreusement donné son avis à ce sujet, que nous restituons ici : il ne s’agit pas du tout d’une tournure de l’époque. Alexis François n’en fait en effet pas mention dans son Histoire de la Langue française des origines à 1900 (Tome VI). Certes, « qui » accepte une tension vers le non animé, mais le pronom « que » ne s’emploie que pour l’animé, et encore plus « qu’est-ce qu- ». Il ne s’agirait donc pas d’un fait de langue, mais plutôt d’un emploi irrégulier, favorisé par la structure de la phrase, avec la postposition des deux groupes nominaux clairement à l’animé (de Molière ou de M.Despréaux). Ou, éventuellement, d’une sorte de neutralisation par la forme « qu’est-ce qui » de l’opposition animé/non animé, mais probablement liée à l’oral. (Toute cette fin d’annotation depuis les deux points correspond à l’explication de Nathalie Fournier).
Pourquoi ?
Eh bien ! nous voilà d’accord.
Je vais voir Madelon, et nous reviendrons ensemble remercier votre maître... Sans adieu.
TE troublerai-je en faisant de la musique ?
Au contraire, tu m’animeras... Les arts sont frères, et ne peuvent se nuire.
Quel avantage de peindre un homme célèbre !... Un jour ceux qui n’auront pas eu le bonheur de connaître Molière, me sauront gré de leur avoir transmis son image : peut-être ils
Oui, l’air doit être grave... la mesure bien marquée...Sol, mi, sol, ut, ut, ré, sol, fa... C'est cela.
Ma foi, mon ami, soit dit sans vanité, je crois que nous ne nous sommes pas trompés sur notre vocationvocation, il faut y vivre en bon chrétien. » Les éditions successives du Dictionnaire de l’Académie française font de même, jusqu’à celle de 1798 (cinquième édition), qui précise explicitement : « On appelle aussi Vocation, l’inclination qu’on se sent pour un état. Il se sent de la vocation pour le mariage, pour le commerce, […]. Il se dit figurément pour, Disposition, talent marqué. Il a une vocation pour ces occupations-là, pour ces sortes d’affaires. » Apparemment, donc, la réplique de Lulli serait empreinte d’un vocabulaire religieux (avec « ma foi » et « vocation »), mais la référence à la « vanité » et la tonalité ironique de la tournure « soit dit sans vanité », nous invite à ne pas nous méprendre sur cette prétendue religiosité Cf. Introduction (V).
J'ai mieux connu la mienne que ma famille.
Qui voulait te faire médecin ?
Comment donc ? Médecin ! Ah ! mon dieu.
usus, / Il n’est rien si commun qu’un nom à la latine : / Ceux qu’on habille en grec ont bien meilleure mine ; / Et pour en avoir un qui se termine en ès, / Je me fais appeler monsieur Caritidès. », (Les Fâcheux, Acte III, scène 2).
Cent verbes conjugués en Français médiéval, de Nathalie Bragantini-Maillard et Corinne Denoyelle, précise, quant à la conjugaison de l’impératif, et ce notamment dans une annotation (n°52) : « L’absence de –s à la P2 des verbes du premier groupe s’impose au XVIe siècle, tandis qu’il faudra attendre le XVIIe siècle pour que le –s soit étendu à tous les autres verbes. » La note 54 ajoute : « Sous l’influence des verbes du premier groupe dont la P2 de l’impératif se termine par –e, le français moderne ne maintiendra pas le –s des impératifs aie, sache et veuille. En revanche, être s’aligne sur les verbes des autres groupes, tous dotés d’un –s, et c’est la forme sois qui l’emporte. » Néanmoins, comme nous le constatons ici ainsi qu’aux pages [18 et 19], l’utilisation du « s » n’a pas totalement disparu.
Ta vocation t’entraînait.
Toi qui parles tant de vocation, tu as fait à la tienne une petite infidélité.
Qui t’a dit cela ?
Je le tiens de bonne part, et je vais le confier à Laforest (Laforest s’approche.) ... afin que tout le monde le sache.
Vous me croyez donc bien indiscrète.
Sois-le pour ceci. --- Dans sa dernière maladie, il a sacrifié, par dévotion, son nouvel ouvrage.
Bravo ! Lulli ; je te pardonne, mon ami, je te pardonne, et ce soir à souper je veux te réhabiliter.
A souper... ? Mais à propos, Laforest, pourquoi tous les apprêts que j’ai vus aujourd’hui ? Notre ami donnerait-il une fête ?
Que ne me disois-tu cela, j’aurais préparé quelque chose... Nous allons célébrer sa convalescence
Nous allons à la noce.
Comment à la noce ?
Molière veut marier Madelon, sa petite jardinière, à Antoine, jardinier de M. Despreaux, notre voisin ; les parens y consentent, et çaGrammaire du français classique (p.201), correspond à l’utilisation qu’en faisait Molière, en la mettant « dans la bouche des paysans et gens du peuple », comme Laforest, ici, en est représentative. On peut notamment citer avec Nathalie Fournier la réplique de Charlotte dans Dom Juan (1665, II, 3) : « Jerni ! Tu m’es promise. / - Ça n’y fait rien, Piarrot. »
Ainsi donc, dans tous les temps, malade ou non, Molière fait toujours des mariages.
Oui ; mais celui-ci ne ressemble pas aux autres.
Ne vois-je point les deux futurs ?
Justement.
GENTILLE Madelon, recevez mon complimentDictionnaires de l’Académie française, 1694 et 1762)
Grand merci, Monsieur.
C'est aujourd’hui le jour du bonheur !...
Oui. J'venons en témoigner notre reconnaissance à qui nous l’devons.
Et lui présenter des fleurs, tribut ordinaire d’un jardinier.
Dites mieux, M. Lulli.
Comment diable, Antoine, tu lis ton maître ?
Sans doute, puisqu’il m’écrit.
M. Molière est sûrement dans sa chambre... Viens ?e siècle, la ponctuation, notamment théâtrale, correspond à une rythmique bien plus qu’à un procédé syntaxique. On ne s’étonne donc pas de l’utilisation du point d’interrogation par Madelon ici.
Mes bons amis, Molière reposerepose. », qui pourrait tout à fait correspondre à l’usage qui en est fait ici. Néanmoins, le pronom personnel « se » n’est pas utilisé, et il ne s’agit sans doute pas d’une coquille, dans la mesure où « reposer », comme le précise encore Furetière, « signifie aussi, dormir. […] Ce malade a des infirmités qui l’empêchent de reposer. On dit d’un homme vautré sur un lit qu’il repose son humanité. » C’est donc le sens de « dormir » qui s’avère être le plus proche et de la grammaire de la phrase, et de la situation théâtrale, même si, pour le lecteur moderne, le verbe « reposer » ainsi utilisé, correspondrait à la troisième acception de Furetière : « se dit aussi des corps morts qui sont dans le tombeau. », ou encore, pour ne pas prêter un sens trop fatal à ce verbe, « se dit aussi des choses spirituelles. Il faut laisser reposer les esprits, quand ils sont agités de quelque passion violente. » Le respect envers Molière est en tout cas souligné par cette construction verbale. Le Dictionnaire de l’Académie française de 1694 le dit explicitement, « Reposer ; Prendre du repos. Il ne dort pas, il repose. », ainsi que celui de 1762 : « Il se dit quelquefois d’un état de repos, de tranquillité. »
Oh ! non : Dieu nous garde de le troubler ! Un homme qui fait tant de bien quand il veille, doit être tranquille quand il dortDictionnaire philosophique (1764), édition de 1819 : « Le laboureur qui a bien travaillé sans chagrin, et bien mangé sans excès, dort d’un sommeil plein et tranquille, que les rêves ne troublent point. » (p.278).
Antoine est digne d’un bienfait, puisqu’il sait le sentir. Qu'il serait à souhaiter que tout le monde connût Molière comme nous le connoissons.
Eh ! comment voulez-vous qu’on le connaisse ? On invente tant de choses contre lui.
Cette semaine il a encore fait une belle action, que vous ignorez, j’en suis sûr.
Ah ! de grace, racontez-nous-lae siècle, puisque Maupas accepte « je vous prie la me montrer » et « je vous prie me la montrer ».
Bien volontiers. --- Un pauvre comédien, ancien camarade de Molière, vint, il y a trois jours, demander des secours pour gagner sa province... Baron était ici. -- Combien, dit Molière, faut-il lui donner ? -- Mais, répond Baron, quatre pistoles suffiront. -- Quatre pistoles... soit ; tenez, vous les lui remettrez pour moi ; mais en voici vingt que vous lui donnerez pour vous, et il joignit à ce présent un habit magnifique.
Que de générosité !
Quelle sublime leçon !
Vous ne savez que cela, M. Lulli ? Bon ! Le lendemain ce fut bien autre chose. Un jeune homme de 19Revue économique, vol.1, n°4, 1950, p. 467).
Si Racine est célèbre un jour, et cela pourrait bien être, il se rappellera sans doute que c’est à Molière qu’il doit ses premiers encouragemens.
Dictionnaire de l’Académie française, première édition, 1694).
Tu as raison, mon ami...
Dites-moi, mes enfans, ai-je bien réussi ?
C'est lui ! c’est lui ! vraiment c’est bien lui-même !
Il n’y a rien à désirer ; vérité, chaleur, dessin pur... Mignard ! tu me prouves par-là qu’on ne devrait donner qu’au vrai talent le droit de peindre le génie.
On dirait qu’il va parler.
En voyant son image, je sens mieux encore ma reconnaissance, et je voudrais avoir un peu de son esprit pour la lui exprimer.
Le grand écrivain !
Quelle bienfaisance !
Quelle réunion de tous les talens ! de toutes les vertus !
Ah ! je le vois ! L'admiration, l’amitié, la reconnaissance n’ont ici qu’une même pensée...
MES amis ! mes enfans ! votre attachement vous égare. Est-ce ainsi qu’on doit idolâtrer les hommes ? Quelle erreur ! (avec satisfaction.) Mais elle est douce pour moi. J'ai reçu les faveurs de la fortune, quelquefois celles de la gloire... elles ne valent pas celles de l’amitié. -- Eh bien ! Antoine, le jour de ton bonheur est-il enfin fixé ? Pourrais-je...
Pour que vous en soyez le témoin, le père de Madelon consent à ce que la cérémonie ait lieu demain, et nous venons vous prier d’assister au serment mutuel que nous avons tant de plaisir à faire.
Dis donc à renouveller, car vous vous aimez depuis long-temps.
Votre présence sera bien agréable pour nous.
J'espère bien aussi présider à votre noce ; mais, mon ami, ne compte pas sur moi pour l’église.
Comment !
Et... pourquoi ?
Ignorez-vous, mes enfans, que je suis excommuniéDictionnaire de l’Académie française (éditions de 1694 et de 1762) évoque plusieurs nuances : « Censure ecclésiastique par laquelle on est excommunié. Excommunication majeure : Qui retranche entièrement de la Communion de l’Église, et de toute communion avec les Fidèles. Excommunication mineure : Qui interdit seulement l’usage des Sacrements. » La plupart des comédiens étaient enterrés en terre sainte, si et seulement s’ils abjuraient leur métier sur leur lit de mort. En outre, les actes de baptêmes ne mentionnaient pas le métier de comédien : par exemple, lorsque Molière fut parrain, il fut décrit comme « valet de chambre-tapissier du roi » (charge qu’il a par ailleurs réellement occupée, et ce notamment durant toute sa vie parisienne, jusqu’à sa mort). Les comédiens étaient en tout cas jugés « infâmes » par les textes du droit canon pendant la quasi totalité du XVIIe siècle, et cette qualification perdura très longtemps. La progressive professionnalisation de cette activité envenima toujours davantage les polémiques, car elle devint une entreprise commerciale lucrative, accroissant ainsi son aspect profane et immoral. On peut d’ailleurs parler de double historicité, dans la mesure où « leur statut n’a guère évolué », et où « le comédien est toujours suspecté par l’Église » au siècle de Cadet de Gassicourt. (SALVADORI (Philippe), La vie culturelle en France aux XVI e, XVIIe, XVIIIe siècles, Paris, Éditions OPHRYS, 1999, p. 193).
Excommunié !
Qu'est-ce que c’est que ça.
Ce que c’est !... Tous les ans, ma chère, le pape défend l’entrée de l’église aux rats, aux sorciers, aux sauterelles, au diable et aux comédiens... à lui sur-tout.
Quel mal avez-vous donc fait ?
Quel mal ! quel mal ! il a dit... la vérité.
Laissons-là les imprécations* des prêtres,
Ce n’est pas Dieu, je le vois bien, ce sont les prêtres qui repoussent les comédiens.
Oui... par jalousie de métier.
Ce mot-là ne sera pas perdu.
Demain la noce se fera ici ; mais ce soir venez me retrouver avec le tabellion* ; nous avons une petite affaire à terminer, et je vous promets d’assister aux fiançailles, si elles se font assez tard pour que j’y paraisse... sans scandaliser. Adieu, mes enfans... A ce soir.
MES bons amis, vous n’êtes guères curieux ; vous savez que je reçois du monde ce soir, et vous ne me demandez pas les noms des convives !... Remerciez-moi. J'ai écrit à Chapelle, à Lafontaine, et ils viendront souper avec nous. Il y a long-temps que nous ne nous somme réunis, et je veux, puisque je suis un peu rétabli, égayer notre soirée. Boileau viendra, je crois, aussi, quoiqu’il ne me l’ait pas assuré. (à Laforest.) Et toi ; songes
Vous voulez faire grande chère* ?
Sans doute.
Et votre régime ! (avec intérêt.) Ah ! mon maître souvenez-vous que M. Fleurantdu Malade imaginaire.
Oui : eh bien ?
Vous n’avez pas un médecin pour marcher comme ça sur ses ordonnances.
Il ne faut rien faire qui nuise à ta santé ; songes que depuis plus de quinze jours le théâtre te redemande.
Oui ; mais voilà plus de quinze scènes que j’ai faites depuis, et mon médecin m’en a fourni plus d’une.
C'est ainsi que Molière tire parti de tout, et fait des habits à toutes les tailles.
Cela n’est pas étonnant, il est fils d’un tailleurLe Bourgeois gentilhomme, Molière avait voulu ridiculiser son propre père par la présence comique du Maître tailleur et du Garçon tailleur.
Ah !... Lulli ! trève pour les pointes*,... jusqu’au dessert.
Je vois bien que le souper aura lieu, au moins promettez-moi que vous ne prendrez que du lait.
Je te le promets ; mais j’ai besoin de voir mes amis, et de rire avec eux des ridicules que ma plume, déjà trop hardie, n’ose pas encore mettre sur la scène.
Lafontaine viendra sans doute par le bois de Boulogne ; je vais au devant de lui.
COMBIEN j’ai de choses en arrièreJe te préviens, mon ami, que les Poquelinse siècle sur le problème du pluriel des noms propres. », et nous a conseillé de lire les pages 1428 et 1429 de l’Histoire de la Langue française des origines à 1900, par Alexis François, tome VI : « Les éditeurs de Voltaire à Khel […] le constatent, à propos de la phrase : les Desfontaines, les Fréron, les Paulian.[…] La note suggère de rendre les noms propres dans tous les cas “indéclinables“, sauf licence poétique. » On trouve en tout cas bel et bien dans la Vie de Molière de Voltaire la formule « arbre généalogique de la famille des Poquelins. » (p.23), tout comme chez M.Bret, Œuvres de Molière (p.52).pour assurer leur nouvelle noblesse, viennent de faire dresser leur généalogie.
Bon ! Quelle sottise !
... Je l’ai vue chez ton oncle BartholoméLe Barbier de Séville ou La Précaution inutile de Beaumarchais (comédie en quatre actes, représentée pour la première fois le 23 février 1775 à la Comédie-Française), « médecin, tuteur de Rosine », qui séquestre cette dernière et a pour dessein de l’épouser – l’auteur s’est d’ailleurs inspiré de L’École des femmes de Molière.le seul qui ait voulu accepter ses entrées à notre théâtre ; mais envain j’y ai cherché ton nom : ton père, y est-il dit, est mort sans enfans. – Ah ! ah ! ... ainsi donc ma famille me renie ? N'importe, Molière, travaille toujours, travaille pour ton siècle, et s’il se peut, pour la postérité.
Je ne me connais point en généalogie ; mais ce que je sais, je le sais bien, et tenez...
Je ne travaille que pour cela. -- Je crois que j’aurai le tems avant le souper de te lire une scène de mon Bourgeois gentilhomme
Dictionnaires de l’Académie française (1694 et 1762) : « On dit dans ce sens, et par manière d’interrogation, Eh le moyen ! Eh quel moyen ! pour dire que la chose dont on parle ne se peut faire. Vous voulez que je fasse telle chose, eh le moyen, quel moyen ! »
Tant mieux !... C'est le moment où M. Jourdain reçoit son tailleur. M. Jourdain, Ah ! vous voilà ! je m’allais mettre en colère contre vous ; vous m’avez envoyé des bas de soie si étroits que j’ai eu... Mais quelqu’un vient, ce me semble, vois qui ce peut être.
C'est M. Boileau.
Boileau ! gare la critiqueGare l’eau ! Il se dit aussi par menaces : Gare le fouet, le bâton, etc. » (Dictionnaire critique de la langue française, Féraud, 1787-1788 ; même sens pour le Dictionnaire de l’Académie française de 1694 : « Espèce d’interjection pour avertir que l’on se mette à l’écart, pour laisser passer, ou pour éviter quelque danger. gare l’eau. gare le fouet. gare le bâton. »). Cette réaction de Mignard est peut-être un clin d’œil de Gassicourt au surnom donné à Boileau : le « législateur du Parnasse ».
Ne laissons pas voir un ouvrage qui n’est pas terminé.
C'est lui, vraiment.
Vîte, vîte, mettons mon plan à l’ombre ; ce n’est qu’une esquisse.
TU viens de bonne heure, et c’est me faire plaisir : on m’avait fait craindre de ne pas te voir ce soir.
Oui, mon ami, j’étais dans un de ces accès de misantropie où mon œil ne cherche et ne voit que des ridicules, où mon esprit se plaît à les peindre ; et comme on n’en trouve pas chez toi, j’avais peine à perdre ma journée.
Ne dirait-on pas à tes regrets que c’est la journée de Tituser siècle après J.-C., laissa la légende d’un règne court de vingt-sept mois, mais réparateur et marqué par la prodigalité et la popularité. L’expression vient en effet de la formule que Titus prononça « un jour à souper », lorsqu’il « se souvint d’avoir passé la journée sans avoir fait de bien à personne » : « Ô, mes amis, s’écria-t-il alors, voilà un jour que j’ai perdu » ; « parole mémorable, et qui conservera à jamais sa juste célébrité. » (SUÉTONE, Vie des douze Césars (1556), Tome quatrième, « Vie de Titus », Paris, Saillant et Nyon, 1771, p. 278).
Chapelle !
N'en dites pas de mal ?
Si j’avais su qu’il soupât ici, je me serais rendu plus difficile encore.
Quoi ! toujours de la rancune ? Ah ! ah ! ah !
Chapelle t’aurait-il offensé ? Il en est incapable... à jeun.
Laissons, laissons cela.
Non pas, il faut nous mettre au fait. Chapelle, on t’accuse.
Mignard a raison, je dois me justifier. Vous saurez donc, mes bons amis, qu’il y a peu de jours je rencontrai Boileau ; il m’accosta, et soupçonnant que je n’étais pas... à jeun, comme vient de dire Molière, il se mit à me faire l’éloge le plus pompeux sur la sobriété. Aristote écrivit... Socrate a dit... Pline pensait... que sais-je ? Pendant cette belle érudition, il vint à pleuvoir à verse ; moi...
Quoi ! tout de bonDictionnaires de l’Académie française, 1694 et 1762). Exemple de l’édition de 1762 : « Vous parlez tout de bon ? ».
Le traître dit vraiŒuvres de Molière, volume 1, 1778, « Supplément à la vie de Molière », note p. 65-66).
C'est une scène !
La belle gloire ! s’enivrer pour m’étourdir : c’est Guénaud qui s’éclabousse de la tête au pied pour tacher l’habit de son voisinŒuvres de Nicolas Boileau (Gallimard, NRF, Bibliothèque de la Pléiade, 1966) : un passage fait en effet référence à Guénaud (p.26, Satire IV, v.31-32) : « Il compterait plutôt combien dans un printemps / Guénaud et l’antimoine ont fait mourir de gens. » La note sur le vers 32 précise : « Guénaud considérait l’antimoine comme un médicament et un remède, et non comme un poison. » (p.896). Dans l’Amour médecin, Guénaud est représenté par le personnage de Macroton.
Je fus obligé de le reconduire, moi ! et ce qu’il y a de plus plaisant, c’est que nous fûmes rencontrés par Cottin et par Chapelainsatires de Boileau, et dans la scène de Trissotin et de Vadius, qui est la cinquième du troisième acte des femmes savantes de Molière, était parisien, poète et prédicateur. Il était conseiller et aumônier du roi, fut reçu à l’Académie française, et mourut en janvier 1682. » (MORÉRI, op. cit., Tome quatrième, p. 187). Quant à Chapelain : « (Jean) Conseiller du roi en ses conseils, l’un des premiers membres de l’Académie française. Il fit une étude particulière de la poétique, et l’on vit qu’il entendait cette matière, lorsqu’il donna sa lettre ou son discours, où il donne son opinion sur le poème d’Adonis du chevalier Marino, à la tête de ce poème, à Paris, in-folio en 1623. Le succès de cette pièce lui fit croire qu’il était appelé à faire un poème épique. Mais il eut lieu de prouver que l’on peut savoir parfaitement les règles de l’art poétique, sans être poète. Il prit pour sujet de son poème Jeanne d’Arc, ou la Pucelle d’Orléans, ou autrement la France délivrée. Il avait 34 ans quand il mit la main à l’œuvre, et il fut de plus de vingt ans à l’achever. Le plan fait d’abord en prose sous ce titre : La Pucelle, ou la France délivrée, poème héroïque, à Paris, in-folio, en 1656. Il n’y eut que les douze premiers chants qui parurent, c’est-à-dire, que l’on eut que la moitié de l’ouvrage, pour lequel la prévention fut d’abord victorieuse. Mais on ne tarda pas à ne plus s’imaginer y voir des beautés qui n’y étaient pas, et on y aperçut les défauts sans nombre qui y étaient. […] Au reste, Chapelain fut le mieux renté de tous les beaux esprits de son temps. » (MORÉRI, op. cit., Tome troisième, p. 471-472).
Le père des douze fois douze cents vers de la pucelle !Nouvelle allégorique ou Histoire des derniers troubles arrivés au Royaume d’Éloquence (1658), Furetière évoque ainsi Chapelain : « Il se trouva aussi un Aventurier inconnu qui ne leva jamais la visière de son armée ; qui de gaieté de cœur vint faire un défi au grand Chapelain, prétendant qu’il avait maltraité une Pucelle de grand mérite. » L’ « Aventurier » évoqué est un livre fait par un inconnu sous le nom de « du Rivage » contre la Pucelle, comme l’indique l’annotation de Furetière.
Comme ils vont se venger !
Je ne vois, mon cher Despreaux, qu’un seul moyen de le punir ; c’est de l’enivrer ce soir.
J'accepte la revanche. Mais à propos, savez-vous bien que j’ai refusé pour vous la plus belle fête ! un souper délicieux, offert par un prince.
Et tu nous as préféré ?
Je choisis toujours le meilleur, mon ami ; tiens, vois la réponse que j’ai faite.
En vers !
En chanson même. Quand on dit des vérités un peu dures, il faut les dire gaîment.
Voyons.
Le trait* est hardi... mais il est juste.
Il blessera, j’en suis sûr, et il faut avoir des ménagemensRatio, observantia, avec cette différence pourtant, que les ménagements regardent proprement l’humeur et les inclinations, pour éviter de choquer et de faire de la peine, et pour tirer avantage de la société, soit par le profit, soit par le plaisir. La sagesse les met en œuvre. On a des ménagements avec les personnes qui sont d’un commerce difficile ou d’un système opposé. » (Dictionnaire de Trévoux, sixième édition, 1771).
Combien peu de ces hommes si grands, seront un jour de grands hommes ! Chapelle a bien fait, cela me racommode avec lui.
Lorsque la réunion des Auteurs s’intitule la République des LettresLa République des Lettres, les gens de lettres en général, considérés comme s’ils faisaient un corps. Y a-t-il quelque chose de nouveau dans la République des Lettres ? » (Dictionnaires de l’Académie française, 4e et 5e éditions ; 1762, 1798). Le Dictionnaire universel de Furetière indique quant à lui : « On dit aussi la République des Lettres en parlant collectivement de tous les gens d’étude. »
Mes amis, je vois Lafontaine.
Comme il a l’air occupé !
Il ne nous voit pas, j’en suis sûr.
Taisons-nous.
CELA n’est point malheureux, j’arrive au moment où je trouve mes deux derniers vers... Répétons-les tous.
Il a quelque grande affaire ?
Oui, un renard, une fourmi l’occupeFables concernant « un renard », « une fourmi », composant les six premiers livres actuels (qui correspondent au premier recueil de l’époque), publiés en 1668 : nous n’avons pas cité les fables contenues dans les livres suivants, afin de respecter le contexte de ce souper (cf. Introduction, IV).
Le grand homme !
Je te sais gré d’avoir pensé à nous en faisant cet apologueapologue de l’âne et du roussin de Rabelais. Ce mot vient du Grec apologein, qui signifie raconter, rapporter. » (Dictionnaire universel de Furetière).
Ce n’est pas une fable... Mais c’est l’ouvrage d’un poëte exercé.
Le bonhomme n’a ni la rusticité d’Esope, ni la recherche de Phèdree et VIe siècles av. J.-C., et Phèdre fabuliste latin de la fin du 1er siècle av. J.-C. et du début du 1er après J.-C.
Messieurs ! messieurs ! le bonhomme ira plus loin que nous.
OUFDictionnaire de l’Académie français) à une « interjection marquant une douleur subite, ou l’étouffement, l’oppression. » Le sens de « satisfaction d’être délivré d’un fardeau, d’un travail, d’un ennui, d’une charge quelconque », apparaît seulement dans la huitième édition de 1932-1935 du Dictionnaire de l’Académie française. appercevant Lafontaine.) Par où diable est-il arrivé !
Par la galiote*.
Comment la galiote ?
Oui.
Mais elle passe ici vers midi, et tu n’es arrivé qu’à sept heures.
Eh bien ! mes bons amis,
Quand tu viens chez moi, tu prends donc le plus long ?
Comme quand tu vas à l’Académie.
Tout cela est fort bien ; mais, pour me dédommager de ma course, il nous récitera un de ses contes.
Il te récitera la fable qu’il vient de faire... elle vaut bien un conte.
PEUT-on vous servir ?
A l’instant.
De quel vin vous donnerai-je ?
De celui que tu voudras.
Du rouge ou du blanc.
Cela nous est parfaitement égal.
Eh bien ! de tous les deux.
Quand il vous plaira.
Allons, mes amis, à table.
Laforest, mets le vin près de Despreaux ; c’est lui qui doit m’enivrer ce soir.
T'enivrer ? Il suffit, pour cela, de te laisser à ta discrétionDictionnaire universel de Furetière : « prudence, modestie qui sert à conduire nos actions et nos paroles. », « signifie aussi jugement, discernement. »
Encore une turlupinade*.
Et nous ne sommes pas au dessert !
Allons, servez-vous et ne ménagez rien ; pour moi, vous le voyez, je suis au régime.
Nous allons boire à ta meilleure santé.
On dit que les auteurs ne peuvent pas vivre ensemble, il me semble cependant que l’on est ici de fort bonne intelligenceIls sont en bonne intelligence, en parfaite intelligence ». (Dictionnaires de l’Académie française, même acception pour les éditions de 1694, 1762 et 1798).
Pour nous mettre en train, Lulli... fais-nous rire.
Ah ! laisse-le souper.
Je vous ratraperai bien.
(Il prend le violon.)
N'as-tu pas contre la Serre ou Colletetop. cit., Tome neuvième, p. 367-368). Quant à Colletet : « (François), fils de Guillaume Colletet, qui était de l’académie française, s’appliqua comme son père, à la poésie, mais il y réussit beaucoup moins. Colletet le père n’était pas un poète aussi méprisable que plusieurs auteurs l’on écrit. […] Aussi n’est-ce point de Guillaume Colletet, mais de François, dont M.Despréaux a parlé avec mépris dans ses satyres. » (MORÉRI, op. cit., Tome troisième, p. 825-826).
Ils ont assez de tes satyresDictionnaire universel de Furetière : « Espèce de poème inventé pour corriger et reprendre les mœurs corrompues des hommes, ou critiquer les méchants ouvrages tantôt en termes piquants, tantôt avec des railleries. Entre les Anciens, Horace et Juvénal ont excellé à faire de belles satires. En France, Régnier et Despréaux ont fait de belles satyres. Il s’en est fait aussi en prose. » à Lulli.) Chantes-nous un de tes vaudevilles.
Oui, oui ; point de satyre.
Volontiers.
Le chanteur publicHistoire musicale des Acadiens, de la Nouvelle-France à la Louisiane : 1604-1804, Paris, L’Harmattan, 1995, p. 36).
Oui.
Soit. Avec tous ses agrémensDictionnaire de l’Académie française ; elle est absente dans l’édition de 1694 ainsi que chez Furetière.
Approchez-vous ? C'est une chanson nouvelle, faite par un écrivain
Attention ! Vous allez voir comme quoi une fille doit toujours être sur ses gardes.
Sur la fin de l’automne
Vint un rusé vieillard :
Si la vendange est bonne,
J'en veux avoir ma part.
Cette prudente fille
Lui répondit tout bas :
Vieux vendangeur grapille,
Mais ne vendange pas.
Voilà la morale : retenez-la bien.
Aux vignes de CythèreDictionnaire de Trévoux (1771) : « C’était autrefois le nom d’une île du Péloponnèse, vis-à-vis de Crète. On la nomme aujourd’hui Cérigo, Sophiano. Hésiode dit que Vénus, ayant été produite de l’écume de la mer, fut portée d’abord à cette île sur une conque marine. C’est de là qu’elle est si souvent appelée Cythérée, cythéréenne, et par les poètes grecs et latins, et par les nôtres la déesse de Cythère. »
Parmi les raisins doux,
Est mainte grappe amère :
N'en cueillez point pour vous.
Ce choix pour une fille
Est un grand embarras :
La plus sage grapille,
Et ne vendange pas.
Allons, allons : trêve à la folie... Parlons raison.
Parlons du plaisir de nous voir tous réunis et bien portans.
Avouons-le ; ce n’est qu’entre nous, ce n’est qu’ici, que nous sommes à notre place et que nous pouvons jouir d’une liberté que n’empoisonne point l’envie ou la sottise des hommes.
Mignard a raison. La société n’offre qu’un plaisir, c’est celui d’y saisir des ridicules à censurer, ou des vices à combattre.
Je puis vous consulter, à ce que je vois, pour retoucher mon Misantrope.
Il faut en convenir, les hommes sont plus traîtres... que le vin.
Il y a des momens de folie où l’on maudit son existence.
Dis plutôt des momens de raison ; car c’est quand le vin me fait perdre la mienne, que je puis seulement supporter la vie... (Il verse à boire.) Buvons.
Lorsque l’amour, la table, le vin, le jeu, la gloire, satisfont nos passions, nous appellons cela des plaisirs, et ce ne sont que des erreurs. L'amour enfante la jalousie.
Le vin, l’ivresse.
Le jeu, la ruine.
La gloire, l’envie.
Voilà pour des gens gais une bien singulière conversation !
Avec nos talens et notre réputation on nous croit fort heureux, et il s’en faut que nous le soyonsNous venons de bien rire ? Nous venons de bien rire ?
Nous heureux ! Qui peut dire cela ?
Par exemple, toi, je ne sais pas comment tu peux exister, oui, toi, Boileau... On promet une pension à un poëte, tout Paris te nomme, et c’est Chapelain qui l’obtient.
Bien pisDictionnaire de l’Académie française, 1694) Conservation de ce même premier sens dans les éditions de 1762 et de 1798.
Vous n’y pensez pas avec vos idées sombres... la veille d’une noce !
Allons, Molière, tu n’es pas plus heureux qu’un autre.
Non... certainement.
Que dites-vous ? J'aime fort mon état ; j’ai, d’ailleurs, des principes qui vous seraient, je crois, fort nécessaires.
Tu ne disais pas cela quand on arrêtait le Tartuffe, quand on n’allait qu’avec peine au Misantrope, tandis que tout Paris courait aux pièces de Pradonop. cit., Tome huitième, p. 538). Là encore, on constate que Cadet de Gassicourt ne prête pas une attention rigoureuse à la chronologie : Pradon commence en effet sa carrière vers le moment de la mort de Molière, Pyrame et Thisbé, représentée en 1674, étant sa première pièce.
Et Pradon, et Chapelain, et BrebeufPharsale de Lucain. […] Brébeuf a encore composé des entretiens poétiques, un petit traité de controverses, etc. Il ne faut pas oublier qu’il a fait aussi deux pièces de poésie burlesque ; savoir le septième livre de l’Enéide, et le premier de Lucain, l’un et l’autre travestis. » (MORÉRI, op. cit., Tome second, p. 250-251). Là encore la chronologie n’est pas respectée : Brébeuf meurt en 1661, et la plupart des événements relatés dans la pièce – bien que mélangés – correspondent surtout à la deuxième moitié des années 1660. D’autre part, Cadet de Gassicourt commet ici une erreur : Pradon ne fut pas académicien.
Pourquoi travaillons-nous ? pour être dénigrés par des sots.
Pillés par des plagiairesDictionnaire universel de Furetière : « C’est l’épithète qu’on donne aux auteurs qui prennent effrontément les ouvrages d’autrui pour se les appliquer, et s’en attribuer la gloire. » Le Dictionnaire de l’Académie française (1694) ajoute : « Son plus grand usage est au subst. C'est un plagiaire. »
Méprisés par des grands.
Déchirés par les journalistesDictionnaire de l’Académie française ; il apparaît dans celle de 1762 : « Celui qui fait un Journal. »
Que penser des hommes, si les plus sages, les plus éclairés peuvent s’oublier ainsi ?
Il n’y a plus de goût.
Plus de probitéprobité. » (Dictionnaire universel de Furetière).
Mes amis... il n’y a plus d’amis.
De tout temps la vie (après avoir bu) est un fléau... et nous la supporterions !... Non... Mes amis, nous sommes des lâches ; le bonheur, le repos ne sont pas de ce monde...
Il faut le chercher dans le fond d’un cloître.
Dans un désertVille déserte, campagne déserte. » (Dictionnaires de l’Académie française, 1694, 1762, et Dictionnaire de Féraud, 1787-88).
Dans un désert.
Oui, dans un désert, où nous irons tous ensemble.
Non pas, s’il vous plaît, chacun le sien.
Bah ! bah ! bah ! vous ne savez pas ce qu’il vous faut.
Mais parbleu* ! je pense que nous ne sommes pas loin du pont...
Eh bien ! mes amis,
Bravo ! bravo ! Oui, le pont... du haut en bas.
Voyons jusqu’où l’enthousiasme ira.
Allons !
Ah ! mon dieu !
Cette idée est grande, elle peut nous immortaliser.
Enfin je n’entendrai plus parler de la Serre, ni de l’abbé Depuree siècle) (1620-1680) : L’Abrégé de l’histoire du théâtre français : depuis son origine jusqu’au premier juin de l’année 1780, par M. le Chevalier Mouhy (Paris, 1780, p. 352-353) évoque « Ostorius, tragédie de l’Abbé De Pure, représentée en 1659, à l’Hôtel de Bourgogne, imprimée dans la même année, in-12 : très faible et digne de la censure de Despréaux ; le même Abbé est aussi l’auteur d’une comédie qui a pour titre les Précieuses. »
Je ne verrai plus de croutesDictionnaire de l’Académie française orthographie « crouste », et n’indique pas le sens employé ici ; celle de 1762 contient l’orthographe moderne, mais n’évoque pas non plus ce sens. Le Dictionnaire de Trévoux (1771) est à cet égard plus significatif, car il ajoute : « en terme de peinture, un tableau douteux, une copie qu’on voudrait faire passer pour original, et généralement un tableau noir, écaillé, et dont le plus grand mérite est souvent d’être fort ancien » (sens qui apparaît dans l’édition de 1798 du Dictionnaire de l’Académie française).
Toi, plus de Tartuffes.
Je n’entendrai plus la musique de Colasse ni de CambertLa Bibliothèque des théâtres, de Maupoint (Paris, 1733, p. 2-3) précise à l’entrée « Achille et Polyxène » : « opéra, c’est le premier représenté depuis la mort de M. de Lully arrivée l’année précédente 1687. Le poème est de M. de Campistron, la musique de l’ouverture et du premier Acte était encore de M. de Lully, le reste fut achevé par M. Pascal Colasse, son élève, qui a été Maître de la musique de la chapelle et de la chambre de roi. » Cambert est également un compositeur français (1628-1677) : « musicien français, se fit d’abord admirer par la manière dont il touchait l’orgue, et devint surintendant de la musique de la reine mère Anne d’Autriche. […] il fut le premier qui donna en France des opéras. Son Ariadne, sa pièce intitulée Les Peines et les plaisirs de l’amour etc. furent très goûtées du public. Cependant Lully obtint le privilège de l’opéra en 1672, et se fit une réputation supérieure à celle de Cambert. » (MORÉRI, op. cit., tome troisième, p. 93).
Partons !
Un moment. O mes amis ! que faisons nous ? N'abandonnons point une résolution si belle aux fausses interprétations qu’on peut lui donner. On saura qu’à la suite d’un long souper nous aurons fait le sacrifice de notre existence, et la calomnie, avide de tout dénigrer, répandra le bruit que l’ivresse nous a plus inspirés que la philosophie. Amis, sauvons notre sagesse, attendons le retour prochain du soleil ; alors, aux yeux de tout le monde, nous donnerons cette leçon publique du mépris de la vie.
Il a raison ; c’est pour notre gloire que nous travaillons : il nous faut des témoins. Eh bien ! jurons que demain, à la pointe du jour...
Nous le jurons !
Laforest ?
Plait-il ?
J'entends, j’entends.
Sa réflexion est de bon sens : notre sagesse n’en sera que plus éclatante.
Feignons de prendre part à leurs folies, puisque je ne puis les ramener à la raison.
(I) Cette tirade est de VoltaireVie de Molière de Voltaire augmentée par M. Bret, dans son édition des Œuvres de Molière de 1773 (« supplément à la Vie de Molière », p. 73-74). La tirade est donc moins « de Voltaire » que de Bret.
Enfin les voilà tous endormis... Au réveil
TOUT est prêt, nous n’attendons que notre bienfaiteur.
Pourquoi donc ?
Approchez, approchez : oh ne craignez pas de les réveiller ; ils dorment bien.
VOILA le contrat de nos enfans ; nous venons vous prier d’y baillerDictionnaire universel de Furetière : « on dit aussi bailler des écritures, pour dire, les fournir. »
Ce m’est un grand plaisir ; mais il y manque encore une clause, père Mathurin.
Mettez que Madelon a deux cents écus
Comment puis-je reconnaître...
C'est un plaisir...
Nous nous souviendrons toujours...
Cela ne vaut pas...
Cet argent me vient de gens fort singuliers... et que vous ne connaissez pas.
Mais vraiment, cela est fort extraordinaire.
Nous n’avons jamais vu chez vous ces hommes-là.
Je les ai vus, moi, et je vous mettrai au fait.
Vous allez venir avec nous ?
A l’instant je vous rejoins, je vais passer un habit ; retournez au jardin, et vous rentrerez quand je vous le dirai.
Ah !... Mais où suis-je ? Chapelle, Mignard, Boileau... Ah ! dieu ! j’avais oublié qu’hier... O funeste résolution ! J'étais ivre sans doute... Oui, j’étais ivre, et ce qu’on promet dans l’ivresse... Si je pouvais m’échapper... Quelle lâcheté ! Quel opprobre !... Boileau s’éveille... feignons de dormir encore.
Combien le soleil enfante de bisarrerie !
Je rêvais ; mais, non, je ne rêvais pas... Cette table, ces convives me rappellent... Allons, c’est une folie... Ce serait un crime... Si je pouvais savoir ce que pensent... Bon ! Lafontaine, Chapelle et Mignard ne dorment plus : écoutons.
Avons-nous sommeillé long-temps ?
Il n’est pas jour encore.
Non, mais bientôt il faudra...
haut.) Des affaires qui me rappellent à Paris.
Des affaires ? eh bien ! il faut partir.
Des affaires pour lesquelles je voudrais que Molière... Où donc est-il ?
Sa santé lui aura fait craindre de veiller.
Dans peu de temps sa guérison sera parfaite.
Je le crois. (à part.) Oh dieu ! la mémoire lui revient-elle ?
Si nous éveillons nos camarades ?
Non... non... pourquoi ? il n’est pas encore tems.
Les voilà qui s’éveillent eux-mêmes.
Ah ! je tremble.
Je ne sais où j’en suis.
Allons, plus de retard, remplissons notre engagement : voici tout le village, qui est déjà prévenu, et qui se fait un plaisir de nous accompagner.
Oui... sans doute... assurément.
Comment ! vous ne répondez rien ? Ne vous souvient-il plus de votre résolution ? Faut-il vous la répéter ?
Certainement (à part.) Quel chien d’honneurDictionnaire de l’Académie française, l’acception suivante est mentionnée : « Se dit fig. des personnes et des choses par injure et par mépris. Quel chien de musicien ! Quel chien de poète ! Voilà une chienne de musique, de comédie. »
C'est très-honnête assurément. (à part.) Où ces gens-là mettent-ils leur plaisir ?
La cérémonie ne sera pas longue.
La cérémonie !
Comptez maintenant sur vos amis.
Comme il est content, radieux !
Il jouit du plaisir de faire une bonne action.
Une belle action !
Mais je ne vois pas qu’il faille
Ne crains-tu pas qu’elle s’arrête ?
L'heure avance, et M. le curé...
Un curé ! Ah ! ah ! (à Molière.) Tu es un homme de précautions, et tu penses qu’on doit faire la chose en bons Chrétiens.
Comment ! Mais nous ne voulons pas autrement ; nous ne sommes pas excommuniés nous autres.
Allons, mes amis, distribuez-nous des fleurs.
Je ne sais ce que tout cela veut dire.
C'est ainsi que chez les Grecs
Oui, et chez les CannibalesDictionnaire de l’Académie française (1694). C’est donc un mot contemporain et assez nouveau pour Cadet de Gassicourt et les spectateurs de l’époque. La quatrième édition du Dictionnaire de l’Académie française (1762) définit « cannibale » : « nom de certains peuples d’Amérique, qui mangent de la chair humaine. » Le Dictionnaire de Trévoux précise : « C’est le nom des peuples qui habitaient les Iles Antilles, mais qui n’en possèdent plus que quelques unes. On leur donne encore ce nom, parce que ces peuples étaient carnassiers, qu’ils dévoraient les ennemis morts sur le champ de bataille. Ils mangeaient aussi les prisonniers qu’ils faisaient à la guerre, après les avoir fait jeûner quelque temps. Ces peuples sont aujourd’hui plus doux et plus civilisés par la fréquentation des Français, des Anglais et des Hollandais, qui possèdent la plus grande partie des Iles Antilles. »
Des bouquets ! Madelon parée ! Antoine avec desDictionnaire de l’Académie française, tout comme le verbe « duper ». La quatrième édition (1762) définit : « dupe » : « Celui ou celle qui est trompée, ou facile à tromper. », et « duper » : « Tromper, en faire accroire ». Cette réplique s’inscrit dans la continuité du quiproquo, et du comique de situation, qui place les convives dans un désarroi qui ne doit pas manquer de faire rire les spectateurs.
Comment !
AinhLe Grand vocabulaire françois, par une Société de gens de lettres, Tome second, Paris, Panckoucke, 1767).
Qu'est-ce donc ?
La noce d’Antoine et de Madelon.
FIN.
Connaître Molière était un mérite que l’on cherchait à se donner avec empressement : d’ailleurs M. de Chapelle soutenait sa table avec honneur. Il fit un jour partie avec M. de J., de N. et de L. pour aller se réjouir à Auteuil avec leur ami. Nous venons souper avec vous, dirent-ils à Molière. J’en aurais, dit-il, plus de plaisir si je pouvais vous tenir compagnie ; mais ma santé ne me le permettant pas, je laisse à M. de Chapelle le soin de vous régaler du mieux qu’il pourra. […] Molière pris son lait devant eux, et s’alla coucher.
Les convives se mirent à table : les commencements du repas furent froids : c’est l’ordinaire entre gens qui savent ménager le plaisir ; et ces Messieurs excellaient dans cette étude. Mais le vin eut bientôt réveillé Chapelle et le tourna du côté de la mauvaise humeur. Parbleu, dit-il, je suis un grand fou de venir m’enivrer ici tous les jours, pour faire honneur à Molière ; je suis bien las de ce train-là : et ce qui me fâche c’est qu’il croit que j’y suis obligé. La troupe presque toute ivre approuva les plaintes de Chapelle. On continue de boire, et insensiblement on changea de discours. À force de raisonner sur les choses qui sont ordinairement la matière de semblables repas entre gens de cette espèce, on tomba sur la morale vers les trois heures du matin. Que notre vie est peu de chose, dit Chapelle ! Qu’elle est remplie de traverses ! Nous sommes à l’affût pendant trente ou quarante années pour jouir d’un moment de plaisir, que nous ne trouvons jamais ! notre jeunesse est harcelée par de maudits parents, qui veulent que nous nous mettions un fatras de fariboles dans la tête. Je me soucie, morbleu bien, ajouta-t-il, que la terre tourne, ou le soleil, que ce fou de Descartes ait raison, ou cet extravagant Aristote. […] Toutes ces femmes, dit-il encore, en haussant la voix, sont des animaux qui sont ennemis jurés de notre repos. Oui morbleu, chagrins, injustice, malheurs de tous côtés dans cette vie-ci ! Tu as parbleu raison, mon cher ami, répondit J. en l’embrassant ; sans ce plaisir-ci que ferions-nous ? La vie est un pauvre partage ; quittons-la, de peur que l’on ne sépare d’aussi bons amis que nous le sommes ; allons nous noyer de compagnie ; la rivière est à notre portée. Cela est vrai, dit N. Nous ne pouvons jamais mieux prendre notre temps pour mourir bons amis, et dans la joie ; et notre mort fera du bruit. Ainsi ce glorieux dessein fut approuvé tout d’une voix. Ces ivrognes se lèvent, et vont gaiement à la rivière. Baron courut avertir du monde, et éveiller Molière, qui fut effrayé de cet extravagant projet, parce qu’il connaissait le vin de ses amis ; pendant qu’il se levait, la troupe avait gagné la rivière ; et ils s’étaient déjà saisis d’un petit bateau, pour prendre le large, afin de se noyer en plus grande eau. Des domestiques, et des gens du lieu furent promptement à ces débauchés, qui étaient déjà dans l’eau, et les repêchèrent. Indignés du secours qu’on venait de leur donner ils mirent l’épée à la main, courent sur leurs ennemis, les poursuivent jusques dans Auteuil, et les voulaient tuer. Ces pauvres gens se sauvent la plupart chez Molière, qui voyant ce vacarme dit à ces furieux ; qu’est-ce que c’est donc, Messieurs, que ces coquins-là vous on fait ? Comment ventrebleu, dit J. qui était le plus opiniâtré à se noyer, ces malheureux nous empêcheront de nous noyer ? […] Vous avez raison, répondit Molière. Sortez d’ici, coquins, que je ne vous assomme, dit-il à ces pauvres gens, paraissant en colère. Je vous trouve bien hardis de vous opposer à de si belles actions. […]
Comment ! Messieurs, poursuit Molière aux débauchés, que vous ai-je fait pour former un si beau projet sans m’en faire part ! Quoi vous voulez vous noyer sans moi ? Je vous croyais plus de mes amis. Il a parbleu raison, dit Chapelle, voilà une injustice que nous lui faisions. Viens donc te noyer avec nous. Oh ! doucement, répondit Molière ; ce n’est point ici une affaire à entreprendre mal à propos : c’est la dernière action de notre vie, il n’en faut pas manquer le mérite. On serait assez malin pour lui donner un mauvais jour, si nous nous noyons à l’heure qu’il est : on dirait à coup sûr que nous l’aurions fait la nuit, comme des désespérés, ou comme des gens ivres. Saisissons le moment qui nous fasse le plus d’honneur, et qui réponde à notre conduite. Demain sur les huit à neuf heures du matin, bien à jeun et devant tout le monde nous irons nous jeter la tête devant dans la rivière. […] Sans la présence d’esprit de Molière il serait infailliblement arrivé du malheur, tant ces messieurs étaient ivres, et animés contre ceux qui les avaient empêchés de se noyer.
Contrairement à son humeur accoutumée, qui était joyeuse, Chapelle, ce soir-là, avait le vin triste :
“Que notre vie est peu de chose, disait-il ; qu’elle est remplie de traverses ! Nous sommes à l’affût pendant trente ou quarante années pour jouir d’un moment de plaisir, que nous ne trouvons jamais ! Notre jeunesse est harcelée par de maudits parents qui veulent que nous nous mettions un fatras de fariboles dans la tête. Je me soucie, morbleu, bien que la terre tourne, ou le soleil, que ce fou de Descartes ait raison, ou cet extravagant Aristote. J’avais pourtant un enragé précepteur (Gassendi) qui me rebattait toujours ces fadaises-là, et qui me faisait sans cesse retomber sur son Épicure : encore passe pour ce philosophe-là, c’était celui qui avait le plus de raison. Nous ne sommes pas débarrassés de ces fous-là, qu’on nous étourdit les oreilles d’un établissement. Toutes ces femmes, dit-il encore en haussant la voix, sont des animaux, qui sont ennemies jurés de notre repos. Oui, morbleu ! chagrins, injustices, malheurs de tous côtés dans cette vie-ci ! ”
Complètement perdu dans les fumées du vin, Jonzac renchérissait sur cette philosophie pessimiste :
“Tu as, parbleu, raison, mon cher ami. La vie est un pauvre partage ; quittons-la, de peur qu’on ne sépare d’aussi bons amis que nous le sommes ; allons nous noyer de compagnie, la rivière est à notre portée.”
Le chevalier de Nantouillet approuva ce magnifique projet, pensant à juste titre qu’il “ferait du bruit”, et voilà nos compagnons partis, d’un pas chancelant, bras dessus bras dessous vers la rivière. Le jeune Baron, qui seul avait conservé son sang-froid dans cette folie collective, comprit que la chose risquait de tourner au tragique. Il alla réveiller Molière. Mais déjà les ivrognes s’étaient éloignés en bateau, pour se noyer en grande eau. Quelques gens du pays, alertés du bruit, eurent tôt fait de repêcher nos désespérés provisoires qui prirent très mal la chose, les poursuivirent l’épée à la main et allèrent s’en plaindre à Molière :
“Comment, ventrebleu, dit Jonzac, ces malheureux nous empêcheront de nous noyer ? Écoute, mon cher Molière, tu as de l’esprit, vois si nous avons tort ; fatigués des peines de ce monde-ci, nous avons fait dessein de passer en l’autre pour être mieux ; la rivière nous a paru le plus court chemin pour nous y rendre ; ces marauds nous l’ont bouché. Pouvons-nous faire moins que de les punir ? ”
Molière comprit tout de suite qu’il ne fallait pas heurter de front ses amis, durant leur ivresse ; il fit mine d’entrer dans leurs vues :
“Comment ! vous avez raison. Sortez d’ici, coquins, que je ne vous assomme, dit-il à ces pauvres gens, simulant la colère. Je vous trouve bien hardis de vous opposer à de si belles actions.”
Resté seul avec Chapelle et ses amis, Molière prit un autre ton :
“ Comment ! messieurs, que vous ai-je fait pour former un si beau projet sans m’en faire part ? Quoi, vous voulez vous noyer sans moi ? je vous croyais plus de mes amis.
Tout le monde convint que Molière avait raison et on alla se coucher. Le lendemain, bien entendu, personne ne parla plus de ce glorieux projet…
http://www.cesar.org.uk (Calendrier Électronique des Spectacles sous l’Ancien Régime et sous la Révolution).
http://www.moliere.huma-num.fr
Article « Révolution française », http://www.larousse.fr : http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/Révolution_française/140733
La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, 1789 : http://www.textes.justice.gouv.fr/textes-fondamentaux-10086/droits-de-lhomme-et-libertes-fondamentales-10087/declaration-des-droits-de-lhomme-et-du-citoyen-de-1789-10116.html
Dictionnaires des XVIIe et XVIIIe siècles en ligne :