[...] je puis vous asseurer [...] que les
oreilles delicatesn’y trouveront point leur satisfaction, que les chercheurs de poinctes en trouveront plus chez les vitriers que dans mon livre [...][...] que si les Vers ne sont assez coulans à la fantaisie de ces Messieurs qui les voudront lire, vous le frottiez de beurre frais pour les rendre plus glissans & plus faciles à passer dans leurs
delicates oreilles.
Ces deux citations, sont extraites respectivement de chacune des préfaces liminaires des deux seules pièces publiéesEpistre servant d’advertissement à ceux qui veulent rire des Noces de Vaugirard publiée en 1638. La deuxième citation appartient au paratexte liminaire de la pièce Alizon. Elle ne se trouve cependant pas dans la première édition de 1637 mais dans le deuxième de 1664 où l’auteur a rajouté un deuxième épitre intitulé à mesdames les Beurieres de Paris.Discret demeure encore aujourd’hui dans l’ombre. Quoique discret, de nom et de fait, cet auteur ne fut sans doute pas dépourvu d’esprit ni ignorant les débats littéraires de son temps, étant donné que ses mots d’esprits sur les « délicates oreilles [des messieurs] » étaient perçues pour les lecteurs de l’époque, comme une malicieuse allusion à La Gazette de Renaudot, qui, en soutenant la naissante entreprise de réhabilitation du théâtre voulue par le cardinal Richelieu, rendait compte par des termes élogieux, le 6 janvier 1635, de l’épuration enfin réalisée :
[la] Comédie
Le terme depuis qu’on a banni des théâtres tout ce qui pouvoit souiller lesComédieest ici à entendre au sens large concernant toute production théâtrale.oreillesplusdélicates, est l’un des plus innocents divertissemens, & le plus agréable à [la] bonne ville de Paris : [la] bonté [du roi] est telle qu’il y veut entretenir trois bandes de Comédiens, la I. à l’hostel de Bourgoigne, la 2. aux marais du Temple, de laquelle Mondori ouvrit le Theatre Dimanche dernier : & la troisième aux faux-bourg S.Germain.
Comme l’on sait, le théâtre français connaît dans la première moitié du XVIIe siècle une série d’importantes transformations qui aboutissent à mettre en place autour des années 1650 ce qu’on appelle depuis le XVIIIe siècle le théâtre classique.
Or l’œuvre restreinte de Discret, et tout particulièrement la pièce Les Noces de Vaugirard,(Les) Noces.
Dans le premier XVIIe siècle, c’est à dire quelques années avant la mise en œuvre de la reforme du théâtre, la scène dramatique se caractérise par un goût de la métamorphose et de l’ostentationRousset Jean, La Littérature de l’âge baroque en France, Corti, 1954.Les Noces de Vaugirard, représentée en 1637, témoigne au contraire de l’influence du mouvement réformiste, mais en même temps, elle nous montre aussi ses réticences, qui sont le signe d’une dépendance et d’un attachement à une esthétique antérieure qui reste encore bien vivante malgré le procès de régularisation. De ce point de vue, l’exemple canonique qu’illustre la tension entre ces deux systèmes esthétiques, insinués l’un dans l’autre, est, bien évidemment, Le Cid de Corneille. Cette pièce fut, elle aussi, représentée en 1637, et notre auteur Discret dans la préface de sa première comédie, fait un admiratif récit du retentissement que fit la pièce de Corneille :
[…] depuis quelques mois ont paru sur le théâtre de nos Comédiens avec tant d’éclat & d’admiration de chacun, que le seul bruit du
Cidde Monsieur Corneille a fait souhaiter par toutes les bonnes villes de la France, qu’il y eust autant de troupes de Mondory, qu’il y en a maintenant de gendarmes dans la FlandreDans l’ [...]Advertissement important au lecteurde la première édition en 1637 de la comédieAlizonde Discret.
Le Cid, pour sa structure dramaturgique et thématique appartient pleinement à la tradition de la tragi-comédie, genre éminemment irrégulier. Et pourtant cette pièce constitue, comme l’a dit Hélène Baby : « la première tragi-comédie régulièreBaby Hélène, La Tragi-comédie de Corneille à Quinault, Klincksieck, 2002, p.83.
Si nous avons juxtaposé pour un moment deux pièces si différentes que sont Le Cid et Les Noces de Discret qui présente plusieurs traits tragi-comiques, c’est que cela nous permet d’apercevoir comment la tragi-comédie, par son goût du romanesque, est l’un des genres les plus représentatifs du premier XVIIe siècle. C’est un genre très mouvant, et, comme son nom l’indique, la tragi-comédie dès ses débuts entretient des rapports de promiscuité avec les autres genres dramatiques : la comédie, la tragédie et la pastorale.
Or la pièce de Discret reflète tout à fait cette pratique du mélange des genres, dès la page de titre l’on peut s’apercevoir de la bigarrure générique qu’elle contient : Les Noces de Vaugirard se présente en effet au lecteur comme Pastoralle dédiée à ceux qui veulent rire ; et c’est par là, que Discret convoque une diversité de genres. Sa pièce est d’abord explicitement donnée comme appartenant au genre Pastoralle, mais le rire, fonction qu’elle est supposée remplir, fait glisser l’identification générique dans un domaine qui appartient a priori à la comédie ; et en dernier lieu, même si cela n’apparaît pas d’emblée au lecteur, Les Noces prend aussi en compte le genre de la tragi-comédie, qui apparaît en creux dans l’analyse de la structure dramatique de la pièce6 Analyse dramaturgique) de la présente introduction.
La question du mélange des genres se rattache à une deuxième question concernant plus particulièrement le genre comique. On a vu que le comique est directement concerné, dans la mesure où il est question d’une Pastoralle dédiée à ceux qui veulent rire. Or l’utilisation du comique que fait Discret nous montre que les formes traditionnelles du rire ne disparaissent pas en dépit de l’expérience entreprise par Corneille entre 1629 et 1635 de produire une nouvelle Comédie qui, en accord avec la générale entreprise de polissage du théâtre, soit expurgée du rire et du ridicule. Au contraire, ces formes traditionnelles, loin de rester confinées dans la farce, contribuent à innerver les genres dramatiques qui, comme la pastorale, se prêtent à des inflexions comiques de ce type.
Par cette utilisation du comique traditionnel, auquel reviendra plus tard aussi Molière, Discret fait subir à la pastorale un traitement parodique : il s’agit donc de rire de la pastorale. Or dans la conscience commune, le terme de parodie évoque spontanément, et exclusivement, l’imitation à visée satirique, mais en réalité, l’intention moqueuse n’est pas forcement la seule fonction attribuable à la parodie, qui se manifeste aussi par des imitations à visée non satirique. Le régime parodique, est en effet une pratique bien plus complexe en ce qu’elle contient une large gamme de gradations et attitudes différentes qui intéressent le rapport entre l’imitateur et son modèleGenette Gérard, Palimpsestes, La littérature au second degré, Paris, Éd. du Seuil, DL 1982 p. 45-46.
En voulant s’arrêter au seuil de la pièce, on s’aperçoit que Discret pratique la parodie dès les préfaces, d’où il fait allusion à l’actualité théâtrale de sont temps sous le mode de la raillerie, comme le montrent les deux citations d’ouverture.
En l’absence des documents nous fournissant directement des éléments sur la vie de cet homme, les textes liminaires nous permettent d’analyser l’image d’auteur avec laquelle il entendait se présenter à son lecteur, et par là nous essayons de formuler des hypothèses concernant ses relations avec le contexte théâtral de son temps.
En ce qui concerne l’origine sociale des dramaturges, nous savons qu’ils appartiennent majoritairement au milieu de la bourgeoisie, et s’ils peuvent aussi provenir de la noblesse, l’appartenance à l’aristocratie ne leur garantit nullement une prospérité financière : tel fut par exemple le cas de Tristan L’Hermite (1601-1655), né de haute condition mais pauvre, à cause de son père, mort tôt et ruiné.
Exercer la carrière d’écrivain ne constitue pas une véritable situation, car les revenues sont limitées et peu sûres. Celles-ci sont constituées essentiellement des gains de la représentation et de ceux provenant de la vente des pièces imprimées.
Pour les représentations, les auteurs sont payés au forfait ou bien au pourcentage. Les forfaits sont évidemment fixés en fonction de l’âge et de la notoriété du dramaturge et les chefs de troupe n’hésitent pas à profiter de quelques jeunes auteurs prometteurs et ambitieux qu’on rémunère assez peu, alors qu’ils doivent accepter les conditions d’un auteur à succès. La rémunération au pourcentage, qui ne se généralise cependant pas avant les années 1660, correspond en général à un douzième ou un treizième du gain des représentations. Les troupes, à la fin de chaque spectacle, après avoir retranché les dépenses, divisent les gains en attribuant une part à chaque comédien, et le dramaturge avait en général aussi droit à sa propre part. En ce qui concerne la vente des pièces imprimées, on enregistre entre 1630 et 1639, grâce à la réhabilitation du théâtre, une forte progression des impressions de pièces de théâtre, c’est à dire une augmentation de la demande commerciale.
Cependant malgré cette progression, cela ne suffisait pas à vivre. Même des auteurs célèbres et à « gros tiragee siècle les 1500 exemplaires.e siècle qui étaient fondés sur la logique du service et de la reconnaissanceCf.Viala Alain, Naissance de l’écrivain, Minuit, 1985.Noces, il tient à prévenir son lecteur du fait que :
Vous n’y trouverez point dans l’Advertissement au Lecteur ce que les Autheurs du temps ont coustume d’y mettre : [...] car pour moy je ne sçaurois flatter, je dis librement mes pensées [...] sans chercher la protection des grands, ainsi que beaucoup font, & qui s’imaginent que le nom de ceux à qui leurs livres sont dediez excusent leurs fautes, & deffendent leurs œuvres de la médisance [...]
Discret paraît donc refuser le système d’asservissement auquel s’adonnent la plupart des auteurs. Par conséquent, puisqu’il ne recherche pas l’appui d’un protecteur, figure si importante pour la réussite de la carrière d’un écrivain, cela nous induit à penser qu’il ne s’agit que d’un homme modeste, dépourvu de toute volonté de parvenir à la gloire d’une véritable réussite littéraire ; lui-même nous dit d’ailleurs dans sa première publication : « je ne fais point profession d’être poëteAdvertissement important au lecteur de Alizon, 1ère éd. 1637.
mon humeur indifferente ne se soucie de la probation des doctes, ny du mépris des ignorans [...] Je vous faits present (Messieurs) de cette Pastoralle, recevez la telle qu’elle est, acheptez la, ne l’acheptez pas, lisez la, ne la lisez pas, riez en, n’en riez pas : Il y a long-temps que je faits profession de ne me soucier des loüanges du monde & que j’ay perdu la volonté de paroistre habile homme, puisque j’ay recogneu avoir esté né pour ne l’estre pas
. Les Noces de Vaugirard, Epistre servant d’advertissement à ceux qui veulent rire, éd. 1638.
C’est par ces quelques lignes de supérieure indifférence qu’il livre nonchalamment en 1638 sa deuxième et dernière pièce au goût du lecteur. Mais faut-il vraiment croire à cette attitude d’indifférence ? Il est vrai que sa production restreinte, laisse penser qu’il ne s’agit là que d’un auteur occasionnel, qui a probablement arrêté sa carrière assez tôt. En outre ses pièces ne semblent pas être très représentatives des la production théâtrale des années 1630, puisque, comme le dit Charles Mazouer : « [les] genres pratiqués [...] sont ceux qui ont la faveur du public en ces années : la tragi-comédie et la tragédie d’abord ; assez loin derrière la comédie et plus loin encore la pastoraleMazouer Charles, Le Théâtre français de l’âge classique, I. Le premier XVII e siècle, Champion, 2006, p.197
Cependant le fait que Discret choisit d’écrire dans des genres qui ne sont plus à la mode, n’explique pas forcément l’attitude d’indifférence dont il se pare, et la condition d’amateur qu’on pourrait lui prêter. À regarder de plus près la production théâtrale de ces années, on se rend compte que ces genres désuets, qui avaient connu leur apogée dans le premier tiers du siècle, arrivent malgré tout à survivre : la pastorale trouve une nouvelle longévité en se glissant dans les genres voisins de la tragi-comédie et de la comédie ; le genre comique de son côté, qui avait été directement concerné par le mouvement de réhabilitation et de normalisation du théâtre dirigé par Richelieu, garde néanmoins un espace pour le comique traditionnel, même s’il est désormais confiné à une vie plus marginale mais qui trouve malgré tout son public. Dès lors, peut-on parler, en suivant l’abbé D’Aubignac, d’un public populaire, qui n’ayant du plaisir que pour les spectacles « des-honnestes » n’est que « populace élevée dans la fangeAubignac (François Hédelin, abbé d’), La pratique du théâtre, II, 1, éd. Hélène Baby, Paris Champion, 2001, p.122se défaire d’un mythe que certains auteurs du XVIIe siècle ont contribué à construire. [Selon ce mythe] les spectateurs seraient issus des classes populaires et il faudrait attendre les années 1630 pour que les aristocrates et les femmes aillent au théâtre ; [entrainant] une amélioration de la qualité des pièces, enfin construites selon [...] la bienséance. [Cependant] aucun document n’atteste que la composition du public parisien se modifie au cours du siècle [...] Quelle proportion du public est issue des classes populaires ? Le prix des places offre quelques renseignements. En novembre 1619, les spectateurs se révoltent contre les comédiens installés à l’Hôtel de Bourgogne parce que « sans permission ils exigent du peuple sommes excessives » ; le lieutenant civil fixe le tarif de 5 sols pour une place au parterre et 10 sols pour une place dans les loges ou les galeries. (Vers 1660, un ouvrier gagne entre 6 et 10 sols par jour) [...] Ces tarifs n’ont vraisemblablement pas été respectés et sont à prendre probablement comme des minima. [...] Autrement dit le divertissement théâtral n’est pas donné à tout le monde. » Dans Pasquier Pierre & Surgers Anne, La Représentation théâtrale en France au XVIIe siècle, Armand Colin, 2011, pp.46-47.Alizon, Advertissement important au lecteur, éd. 1637.advertissements aux égards des pratiques flatteuses des auteurs à la mode peut être vue comme une stratégie d’écrivain visant à proposer une image d’auteur différente, fondée sur le refus et la subversion railleuse des autres pratiques auctoriales. Dès lors, Discret n’est pas forcement l’auteur insensible au sort de sa pièce, comme il veut le laisser croire ; et ses advertissements au lecteur contiennent tout une série de signaux textuels qui montrent la volonté de l’auteur de promouvoir son œuvre et son attention au contexte théâtral.
La comparaison des deux éditions successives de sa première comédie, Alizon, nous montre, la volonté de l’auteur d’inscrire dans ses publications l’actualité théâtrale de son temps, et cela même dans l’espace considérable d’une vingtaine d’année qui sépare les deux éditions de sa pièce. En effet, alors que dans la première édition de 1637, on trouve les allusions à la troupe de Mondory et au succès retentissant du CidAlizon, Advertissement important au lecteur, éd. 1637.Advertissement au lecteur des Noces
Bouleversant ainsi la figure habituelle du destinataire de l’épître, Discret dégrade indirectement la pratique des autres auteurs, en s’inscrivant dans la tradition burlesque inaugurée par Sorel et poursuivie par Scarron chez qui l’on trouve des stratégies auctoriales similairessorel Charles, Histoire comique de Francion, Epître aux grands (éd.1626) : « Ce n’est pas pour vous dedier ce livre que je fais cette Epistre, mais pour vous apprendre que je ne vous le dedie point.Assaf Francis, « Sorel et l’écriture, ou l’évolution d’une mentalité » dans Charles Sorel polygraphe, textes rassemblés par Emmanuel Bury et édités par Eric Van der Schueren, Québec, Presses de l'Université Laval, 2006
Le souci de Discret, dans la mise en place de la stratégie d’auteur, ne reste pas confiné dans les épîtres car au théâtre l’appareil para-textuel déborde souvent les contours de la feuille écrite : de telle façon que, en paraphrasant Pierre LarthomasLarthomas Pierre, Le Langage dramatique, puf, [1972], 1980, p.21Alizon, établit un pont avec la réalité théâtrale du temps, et nous aide à comprendre le type de relations que le dramaturge aurait pu avoir avec les théâtres parisiens et leurs comédiens. Alizon est le nom d’un personnage comique appartenant à la tradition farcesque qu’on trouve bien avant 1637, et comme ce personnage de vieille au franc-parler et à l’affût d’amours tardives constitue la figure principale autour de laquelle la pièce est construite, il était normal que l’auteur choisisse de le faire apparaître dans le titre. D’autant plus que Alizon était aussi le nom de scène que portait un acteur de cette période spécialisé dans ce rôleGalérie historique des acteurs du théâtre français depuis 1600 jusqu’à nos jours. Par P. D. LEMAZURIER, Paris, Joseph Chaumerot, 1810. « Alison. C'était le nom de théâtre d’un acteur de l’hôtel de Bourgogne, qui jouait les servantes dans la comédie et la farce, et les nourrices dans la tragédie et tragi-comédie. Cet acteur, dont on ignore le nom de famille, jouait sous le masque. Le défaut d’actrices et la licence des propos que les auteurs faisaient tenir aux servantes avaient obligé d’introduire ce personnage. Ces raisons ne subsistèrent plus lorsque le théâtre eut pris une forme plus régulière. On trouva des femmes qui consentirent à jouer ces rôles. La représentation de la Galérie du Palais, comédie de P. Corneille, en 1634, fixe l’époque de ce changement, et l’acteur qui jusqu’alors avait rempli les rôles de servantes et de nourrices, s’en tint à ceux de vieilles ridicules ».Jodelet ou le Maître Valet (1643) et Jodelet duelliste (1646) de Scarron, Jodelet Astrologue (1646) de D'Ouville, Jodelet Prince (1646) de Thomas Corneille, La feinte morte de Jodelet (1659) de Marcoureau.
Autour de la coïncidence entre le nom de l’acteur et le titre de la pièce, une partie de la critique, principalement représenté dans la figure de H. C. Lancaster, a avancé l’hypothèse que la pièce Alizon, aurait été représentée au théâtre de l’Hôtel de Bourgogne. Cette hypothèse a ensuite été contestée, par une proposition adverse, qui est allée plutôt dans le sens d’une éventuelle représentation donnée au Théâtre du Marais. Ce débat autour des représentations s’est avéré précieux pour notre recherche même si cela ne concerne pas directement la pièce des Noces. En l’absence d’informations sur les conditions de représentation de celle-ci, la considérable proximité — autant dans le temps que dans le traitement — des Noces (1638) avec Alizon (1637) ; nous permet de faire valoir pour toutes les deux les considérations que nous allons entreprendre sur les représentations d’Alizon.
Dans le dictionnaire des Frères Parfaict, une noticeAlizon, Comédie en cinq actes & en vers, de L. Discret […] représentée au Théâtre de l’Hôtel de Bourgogne en 1637, imprimée la même année […] » dans Dictionnaire des théâtres de Paris, Par les frères François et Claude Parfaict et Godin d’Abguerbe, Rozet, Paris, 1767, T.1, p. 49Alizon aurait été représentée à l’Hôtel de Bourgogne en 1637, l’année même de sa publication. Suivant cet indication, H. C. Lancaster a tenté de démontrer que cette même année, l’acteur Alizon, après une série d’allées et venues de la troupe du Marais à celle de l’Hôtel de BourgogneDeierkauf-Holsboer, Sophie Wilma, Le Théâtre du Marais, Librairie Nizet, 1954-1958, 2 vol., t.1, p. 41Lancaster Henry Carrington, A History of French Dramatic Literature in the seventeenth century. Baltimore, the Johns Hopkins Press, 1929-1942, Part. II, vol. I, p. 116.Deierkauf-Holsboer, Op.cit, p.42 : « Alizon n’est pas membre de la troupe du Marais, en 1634, et il n’a pas non plus rejoint celle-ci contre l’ordre du roi, en 1635. En 1636, il ne fait pas partie de la compagnie de Montdory, et si Discret a donné le nom de cet acteur célèbre à l’une de ses pièces, le rôle principal ne lui a poutant pas été confié. Montdory à la fin de 1634 n’a donc pas été privé de six de ses meilleurs sujets par ordre royal, mais ce nombre doit être réduit à quatre comédiens. Alizon et Jacquemin Jadot ne sont pas dans sa troupe.Deierkauf-Holsboer Sophie Wilma, Le Théâtre de l’Hôtel de Bourgogne, Nizet, 1968-70, p. 10-11
D’autres critiques sont allés plus loin ; jusqu’au point de remettre en cause l’idée que la pièce ait pu être représentée dans le théâtre de la rue Mauconseil. Comme on l’a vu, l’Advertissement au lecteur, contient des allusions élogieuses à la troupe de Montdory, mais surtout avant le début de la pièce, on trouve un poème liminaire où l’on fait allusion à plusieurs œuvres dramatiques que l’on sait avoir été toutes représentées au théâtre du Marais : « A luy-mesme. / Mariane, le Cid, Cesar, & CléopatreLa Marianne tragédie de Tristan L’Hermite, Le Cid, tragi-comédie de Pierre Corneille, La mort de César tragédie de Georges de Scudéry, Le Marc Antoine ou la Cléopâtre, tragédie de Mairet.’AlizonAlizon par Jean Dominique Biard, University of Exeter, 1972Alizon aurait été représentée au Marais.
Si les arguments fournis par Lancaster n’apparaissent pas plus probants, en revanche la prise en considération des répertoires des pièces jouées, appartenant aux deux seuls théâtres stables parisiens des années 1630, nous porte plutôt à attribuer, comme étant plus plausible, la possibilité d’une représentation de la pièce de Discret à l’Hôtel de Bourgogne.
Grâce au processus de régularisation du théâtre, l’Hôtel de Bourgogne connut un renouvellement important des membres de sa troupe et de son répertoire, afin de se focaliser sur le théâtre littéraire et devenir ainsi le premier théâtre de Paris. Toutefois, il n’y eut pas de coupure nette avec le répertoire comique traditionnel, qui avait caractérisé la scène de ce théâtre pendant la période finissant où il avait été dirigé par le célèbre acteur Robert Guérin, mieux connu sous son nom de guerre Gros-Guillaume. Le répertoire comique de l’Hôtel de Bourgogne gardait donc un lien fort avec le comique traditionnel. Au contraire, la troupe de Charles Le Noir et Montdory, qui se transformera en la troupe du Marais, s’était illustrée pour avoir joué dans son répertoire Mélite, la première comédie de Pierre Corneille, qui entre 1629 et 1634 produisit un type de comédie nouvelle dépourvue des ressorts traditionnels du comique grossier traditionnel. Cela nous invite à mieux considérer comment les pièces de Discret, franchement rattachées à l’esprit du comique traditionnel, pouvaient être plus facilement accueillies dans le répertoire de l’Hôtel de Bourgogne que dans celui du Théâtre du Marais.
D’autre part, en revenant aux pièces imprimées, on observe que si l’on a trouvé des allusions aux pièces jouées au Marais dans l’appareil para-textuel d’Alizon, celui des Noces ne se trouve pas non plus dépourvu d’indices textuels de ce type, mais qui semblent plutôt faire référence à l’Hôtel de Bourgogne. Dans l’Advertissement des Noces que nous avons déjà cité plus haut, Discret, cherchant à se distinguer des autres auteurs, nous dit : « moy je ne sçaurois flatter [...] sans chercher la protection des grands, ainsi que beaucoup font, & qui s’imaginent que le nom de ceux à qui leurs livres sont dediez excusent leurs fautes, & deffendent leurs œuvres de la médisance [...] ». Selon Lancaster, ce passage est une pique lancée contre les prétentions de Rotrou qui, dans l’épître dédicatoire de L’heureuse constance de 1636A LA REINE dans l’édition de 1636 de L’heureuse constance : « les loüanges d’une bouche comme la votre ne s’obtiennent ny par hazard ny par faveur, comme elle procedent de cette sublime cognoissance, & des admirables lumieres qui precedent tous vos sentimens; elles ne peuvent estre soupçonnées ny d’excez ny de deffauts […] Roselie se peut vanter de cette faveur, aussi n’a-t’elle voulu consulter ny l’Academie, ny les Esprits forts, apres l’honneur de vostre approbation, elle se monstre sans contrainte, & pour faire tous ses envieux, elle ne dira que ce mot, IE PLAIS A LA PLUS GRANDE REINE DU MONDE. »Parfaict, Cl. et Fr., Dictionnaire des théâtres de Paris, t. 7, Paris, Rozet, 1767.Advertissement, l’auteur des Noces étale sa critique railleuse en conseillant « aux Autheurs du temps [...] de donner plus de temps à la composition de leurs ouvrages, & de ne les entreprendre si jeunes ». Par rapport au contexte théâtral évoqué au début de l’introduction, nous avons toutes les raisons de croire que ces jeunes auteurs sont ceux qui constituent la « société des cinq » voulue par Richelieu. Parmi ceux-ci, Jean de Rotrou, tout de suite après Corneille, est l’auteur le plus jeune du groupeNoces, il a 28 ans, et si l’on accepte l’année 1631 comme datation de la représentation de L’heureuse constance, cela signifie qu’il ne pouvait avoir plus de 22 ans lorsqu’il écrivait cette pièce. Le jeune Rotrou avait commencé sa carrière à l’Hôtel de Bourgogne dont il en était devenu le poète à gage. Bien qu’appartenant à ce groupe de jeunes dramaturges désireux de renouveler le théâtre, il restait le grand représentant de la tragicomédie traditionnelle. À la différence de Corneille, qui étais le poète phare du Marais, Rotrou ne participa jamais aux tendances contemporainesMazouer Charles, Le Théâtre français de l’âge classique, I. Le premier XVII e siècle, Champion, 2006, p. 197.
Savoir dans quel théâtre Les Noces de Vaugirard a pu être représentée, on a vu que ce n’était pas une chose facile à déterminer. Mais quelle que soit la salle de représentation envisagée, cela ne comporte pas de différences sensibles en ce qui concerne le décor, car les dispositifs scénographiques pratiqués par le Théâtre du Marais et l’Hôtel de Bourgogne étaient à peu près équivalents pendant les années 1630. Les genres dramatiques qui dominent nettement cette période, et d’autant plus qu’ils ne se distinguent pas toujours clairement l’un de l’autre sont la tragi-comédie et la pastorale. C’est à ce dernier qu’appartient la pièce de Discret et cela constitue pour notre étude un avantage considérable dans la compréhension du décor des Noces. La scénographie de la pastorale en effet, au contraire de la tragi-comédie, présente une fixité des décors, puisqu’on utilisait toujours les mêmes lieux topiques. Le caractère récurrent que présente le décor pastoral est manifeste dans les annotations du répertoire de Mahelot où, comme le fait remarquer Pierre Pasquier :
Il arrivera [que] le rédacteur ne jugera plus utile de décrire les chambres à constituer et se bornera à s’en remettre à l’expérience du peintre chargé de la réalisation des décors. Ainsi la notice des
Trois semblablescommence par ces mots : « Il faut que le théâtre soit en Pastorale, a la discretion du feinteur » [...] Sans doute la confection des décors de pastorales obéissait-elle, à cette époque, à une tradition déjà ancienne qui ne laissait plus guère place à l’invention et les peintres se contentaient de reproduire des patrons, peut-être transmis par les Italiens[ .pasquierPierre éd.],Le Mémoire de Mahelot, Champion, 2005, p. 117.
Par conséquent, grâce à la fixité des éléments du décor de la scénographie pastorale qui les rendent aisément identifiables, nous pouvons reconstruire assez précisément, à partir des esquisses de Mahelot, le décor probable des Noces selon les indications textuelles présentes dans la pièce. L’usage général dans l’élaboration du décor à l’Hôtel de Bourgogne correspond au dispositif des cinq chambres ou compartiments. L’usage consistait à installer cinq chambres autour de l’espace vide au centre de la scène ; deux chambres étaient placées côtés jardin, deux côté cour et une au centre du dispositif au fond de la scène.
Il existe quelques exceptions à cet usage, mais elles restent assez peu nombreuses et la plupart des dispositifs scéniques dessinés par Mahelot suit l’usage des cinq chambres. Cet usage paraît avoir été si influent au point que des pièces s’y conforment même si la spatialisation de leur action à représenter nécessite moins de cinq chambres.
La caractérisation des chambres entourant l’espace vide obéit à un usage et à une typologie bien précise. C’est ainsi qu’à travers les croquis de Mahelot, on peut dresser un inventaire des chambres qui étaient employées dans la scénographie. Dans l’élaboration de cet inventaire, Pierre Pasquier énumère les différents types en faisant remarquer la distinction hiérarchique qu’il y avait entre les chambres majeures et les chambres mineures, selon leur fréquence d’apparitions dans les dispositifs scéniques dessinés par Mahelot. En ce qui concerne le genre de la pastorale, P. Pasquier nous dit que :
d’autres types de chambres semblent procéder de la scénographie de la pastorale, telle que l’on la concevait au XVI
esiècle dans les cours italiennes et telle qu’elle s’est transmise à la France du XVIIesiècle [...] Il s’agit parmi les chambres majeures, de lagrotte, dujardin, dubois, desrocherset peut-être du palais, parmi les chambres mineures, de la fontaine ou de la source, du temple, dutombeau, de larivière, et de l’arche de verdure.
Parmi ces onze lieux topiques du genre de la pastorale à quoi correspond une chambre pour chacun, on en trouve, à travers les références textuelles, bien six dans les Noces. À ceux-ci il faut en rajouter deux autres qui témoignent de l’inflexion que la pastorale connaît dans la pièce de Discret. Le cadre idyllique de la pastorale, est atténué en effet par la présence des deux lieux scéniques supplémentaires appartenant plutôt au genre de la comédie. Il s’agit: premièrement du décor représentant le village, qui devait correspondre à une chambre placée au fond de la scène ; et deuxièmement celui représentant un carrefour
Une fois identifiés, à travers l’analyse textuelle, tous les lieux
• I , 1 • Pancrace, le vieux berger du village, se félicite de voir enfin son dessein accompli pour le mariage de sa fille Amarille avec Floridon, lequel, aux yeux du vieux père, passe pour être le meilleur gendre qu’on puisse espérer. Le vieux Pancrace
• II , 1 • L’acte s’ouvre par de mélancoliques réflexions de Lidiane sur la misérable condition de l’homme, soumis aux souffrances de l’amour et aux aléas de la vie terrestre. Elle évoque la guerre qui les a obligées, elle et sa mère Luciane, à quitter leur contrée, les souffrances interminable face auxquelles elle a, plus d’une fois, souhaité de mettre fin à sa vie. Enfin pour occuper son esprit à des réflexions moins tristes, Lidiane se met à songer aux charmes de Polydas, qui ont fait grand effet sur elle la veille au soir. Voici alors que Polydas survient et les deux amoureux commencent à se faire des galanteries, se déclarant ainsi réciproquement leur amour pour ensuite disparaître ensemble sous la fraicheur des ormeaux. •
• III , 1 • Le lendemain, devant son fidèle ami Pysandre, le berger Polydas se plaint de ne pouvoir plus revoir la belle Lidiane. Pysandre alors, voulant lui apporter du secours, le prie de lui révéler la cause de son malheur. Ainsi, après quelques hésitations Polydas lui raconte que, ayant raccompagné Lidiane chez elle, celle-ci lui a donné un baiser sur la bouche devant sa porte, mais que par malheur, la vieille Luciane, les ayant surpris par la fenêtre, a giflée sa fille en lui interdisant de ne plus sortir pendant six mois. Ayant entendu ce pitoyable récit, Pysandre se propose d’aider son ami en tant qu’intermédiaire entre les deux amants. Polydas alors lui confie une lettre à apporter à la belle Lidiane. Ainsi les deux amis se séparent avec la promesse de se retrouver une heure plus tard au même endroit.
• IV , 1 • Polydas s’avance dans la nuit un flambeau à la main en invoquant les dieux pour qu’ils veuillent bien l’assister dans son périlleux projet. Arrivé au village il met le feu à une maison afin qu’une fois l’incendie répandu, il puisse, au milieu de la confusion générale, enlever Lidiane sans qu’on s’en aperçoive.
• V , 1 • Au même endroit où elle avait était séparée de Polydas, Lidiane est ramenée au petit matin par deux pêcheurs qui l’ont miraculeusement sauvée. En le quittant elle les remercie du fond de son cœur et, pour les récompenser, leur fait cadeau d’une précieuse bague. Ainsi, de retour sur le rivage, Lidiane se hâte de retrouver Polydas pour qui elle craint les pires malheurs à cause de son désastreux projet d’enlèvement. Entretemps Floridon et ses hommes, qui parcourent les bois à la recherche de Polydas, aperçoivent Lidiane et la saisissent pour l’amener devant le juge, convaincus du fait qu’elle sait où se trouve l’infâme Polydas.
Les seules indications par rapport aux sources de notre pièce sont celles qui ont été signalé par H. C. Lancaster. Ces indications sont relatives à quelques épisodes de la pièce : La ruse de Pysandre concernant la morsure de l’abeille (II , 2) et le sauvetage de Lidiane par les pêcheurs (V , 1) ; ainsi que le thème du mariage blanc entre Amarille et Floridon et la scène du procès faite à Lidiane. En ce qui concerne la thématique de l’abeille, Lancaster fait remarquer qu’elle provient de la tradition ancienne du roman grec, et indique comme source principale Les Amours de Leucippé et Clitophon de Achille Tatius (IIe siècle après J. C.) :
La comparaison entre les deux extraits ci-dessus se montre assez convaincante pour soutenir la filiation suggérée par Lancaster. Cependant il est très surprenant que le chercheur n’ait pas mentionné une autre œuvre fondamentale pour l’histoire de la pastorale dramatique où l’on retrouve la même thématique de l’abeille. Nous faisons bien évidemment allusion à l’Aminta du Tasse qui, dès la fin du XVIe siècle, exerce une influence majeure pour la constitution de la pastorale dramatique en France. L’engouement pour la petite fable bocagère se manifeste en effet rapidement en France avec une importante diffusion de l’œuvre qui connaît plusieurs traductions, dont la première remonte à 1584, seulement quatre ans après la parution de l’editio princeps en Italie. En 1632 l’œuvre est donc bien connue dans le théâtre français et fréquemment imitée par ses dramaturgesLydie, fable champêtre imitée en partie de l’Aminte de T. Tasso. » in La pastorale dramatique en France à la fin du XVIe et au commencement du XVIIe siècle, Paris : Hachette, 1905, pp. 151-152Aminte un des hypertextes principaux de la pastorale dramatique. Or comme Discret entendait faire une parodie du genre, il est très vraisemblable qu’il ait tiré cet épisode de l’abeille depuis la pièce du Tasse, qui était déjà représentée à l’Hôtel de Bourgogne depuis 1632 dans la traduction de RayssiguierL'Aminte du Tasse, Tragi-comédie Pastoralle, Accommodée au Théâtre François, Par le Sieur de Rayssiguier, 1636, I , 3, p. 23 in marsanop.cit. p. 152.
Amour qui me rendit plus fin que je n’estois, / Me fit avoir bien-tost ce que je souhaitois, / Je feins subtilement, qu’un abeille, de mesme / Me laissoit sur la levre, une douleur extreme, / Mon visage troublé l’oblige à m’accorder, / Ce que ma langue alors n’eust osé demander, / Elle m’aproche donc, & doucement me baise, / Mon ame en la baisant tressaillit toute d’aise, / Mais je me pleins encor, afin qu’en me plaignant, Mon ame en ce plaisir feust longtemps se baignant : / Ma Nimphe qui croyoit ma douleur veritable, / Par un second baiser me rend moins guerissable, Elle accreust mon desir des cet heure, si fort / Que je ne pouvoy plus arrester son effort, /
Quant à l’épisode du sauvetage de Lidiane par les pêcheurs, qui intervient au début du cinquième acte des Noces, Lancaster signale comme source première L’Astrée d’Honoré d’Urfé, roman fleuve constituant une immense pépinière dans laquelle les dramaturges avaient l’habitude de puiser. L’épisode fait partie de l’histoire de Madonte et de son amoureux Damon, qui, poussé au désespoir par l’amour, avait tenté de se donner la mort en se jetant dans un fleuve :
Je fus incontinent englouti par les flots, où je perdis toute connoissance. Déjà le courant m’avoit emporté bien loin, lorsque des pêcheurs m’ayant apperçu vinrent à moi, & après m’avoir tiré dans leur bateau, ils gagnerent le rivage. Là ils m’entendirent sur le sable, ils me dépouillerent, & remarquant mes blessures qui sembloient encore fraiches, ils furent bien étonnés; mais ils le furent surtout lorsqu’ils me trouverent des bagues pretieuses aux doigts, & beaucoup d’or dans mes poches. Ce jour, dit l’un d’eux, va faire tout notre bonheur, ou tout notre malheur. Voici dequoi nous enrichir à jamais.
L’Astrée, IIIepartie, livre 6
Lancaster signale aussi que Jean Auvray, dramaturge aussi peu prolifique que Discret, avait déjà repris cette histoire contenue dans L’Astrée pour en tirer La Madonte, tragi-comédie représentée en 1630 dans l’un des théâtres parisiensCESAR : http://www.cesar.org.uk/cesar2/titles/titles.php?fct=edit&script_UOID=173010 consulté le 4/06/2013Noces présente des points communs avec la pièce de d’Auvray. En effet, chez Madonte comme dans les Noces, les pêcheurs sont des personnages secondaires qui apparaissent dans le récit de façon ponctuelle pour remplir une fonction dramatique d’adjuvant. En deuxième lieu, bien que les intentions et le rapport entre les pêcheurs et le héros changent sensiblement d’une pièce à l’autre, leur caractérisation dans la scène est assez proche, car chez Discret comme chez Auvray, le comique est basé sur le contraste entre la richesse du héros et la rusticité des pêcheurs :
Enfin les deux dernières indications que Lancaster nous donne concernent d’une part le thème du « mariage blanc » entre les bergers Floridon et Amarille ; et d’autre part la scène du procès faite à Lidiane (V, 2). Le « mariage blanc » proviendrait de La Vraie Histoire comique de Francion de Charles Sorel ; quant à la scène du procès, on retrouve dans l’Aristène, pastorale de Pierre Troterel (1626), l’utilisation d’une scène de jugement vers la fin de la pièce (IV, 1). Ces deux dernières indications demeurent cependant assez vagues, et le rapprochement que fait Lancaster se limite au signalement d’un thème qui reste dépourvu d’un quelconque rapprochement formel.
Pour indiquer la spécificité des Noces nous avons dit qu’elle ressentait à la fois l’influence de la période baroque et de l’esthétique classique en train de se fixer autour des années 1630, et que ses attributs étaient en grande partie ceux du genre tragi-comique en plein épanouissement. Or par rapport à ce constat deux questions se posent : premièrement, pourquoi le fait de s’intéresser au genre de la pastorale nous mène nécessairement sur le terrain de la tragi-comédie ? Deuxièmement, comment la tragi-comédie, fer de lance de l’esthétique baroque irrégulière, passe-t-elle dans le camp adverse au point que l’on voit apparaître des pièces comme la nôtre que l’on peut paradoxalement définir comme tragi-comédies régulières ? La pastorale et la tragi-comédie, sont deux genres qui se rencontrent très tôt sur leur chemin. D’abord parce que la tragi-comédie est un genre qui dès ses débuts pose des problèmes de définitionBaby Hélène, La Tragi-comédie de Corneille à Quinault, Klincksieck, 2002, pp. 15 et suivantes.tragi-comédie est originairement une invention du poète latin Plaute. Il est repris par le Cinquecento italien qui fait l’objet de réflexions théoriques précises sur ce genre qu’on appelle aussi à l’époque « drame mixte ». Un de ces théoriciens italiens, Giraldi Cinthio (1504-1573) introduit la mode des sujets romanesques pour créer une Tragédie qui soit à fin heureuse et qui s’inspire de la fiction plutôt que de l’histoire. C’est là qu’on trouve le premier point de conjonction avec le drame pastoral. Car celui-ci est en train de se développer avec des œuvres marquantes telles que le drame pastoral de l’Aminte (1573) et la tragicommedia pastorale du Pastor Fido (1589). La pastorale, qui mêle facilement les tons, contribue par là à l’élaboration de l’univers moyen de la tragi-comédie. Le Tasse donne avec l’Aminte le modèle du mélange des tons (dits « tragique » et « comique ») et Guarini mène une réflexion sur la tragi-comédie qui aboutit à la publication de son Compendio della poesia tragicomicaGuarini Giambattista, Il compendio della poesia tragicomica [De la poésie tragi-comique], texte présenté, traduit et annoté par Laurence Giavarini, Paris, H. Champion, 2008.Pastor Fido soutient que la tragi-comédie est une troisième forme et revendique la modernité du genre à travers le mélange des éléments comiques et tragiques, alors que ses adversaires comme le professeur de la prestigieuse université de Padoue Giasone de Nores définissait le genre tragi-comique comme une « composition monstrueuse et disproportionnéeBaby, op. cit., p. 23.Aminte, considérée comme un exemple de « parfait équilibreMarsan, op. cit., p. 48.Pastor Fido de Guarini. Ainsi la pastorale qui avait déjà pour domaine un monde imaginaire, affirme son penchant en « cédant aux extravagances romanesquesMarsan, ibid.Marsan, ibid.
C’est ainsi qu’en s’appuyant de plus en plus sur son côté romanesque le genre protéiforme de la tragi-comédie connaît une grande prospérité en France. À partir de 1628 s’ouvre pour elle une grande époque, surtout parce que celle-ci devient l’étendard éclatant des modernes irréguliers pendant les six années de débat théorique qui traversent le théâtre françaisForestier Georges Six années de débats (1628-1634), in Passions tragiques et règles classiques, Paris, Puf, 2003.utile dulci. Le procès de régularisation va ainsi redéfinir les principales parties de la composition du poème dramatique ; et la pièce de Discret en 1637 est un exemple de l’aboutissement de ce processus : une tragi-comédie dans son ossature mais avec tous les ajustements nécessaires pour évacuer les éléments scabreux de l’esthétique baroque.
Ces ajustements se font de manière progressive dans le débat qui oppose les deux factions adverses. Ainsi le refus de l’instruction au théâtre se déploie d’abord sur la question de l’ elocutio. Les modernes, partisans de Malherbe, rejettent en bloc la poétique ronsardienne à laquelle était attachée la vieille génération des dramaturges. Ainsi les déclarations de Hardy, qui recommande en 1628 « la douceur des digressions » et « un grave mélange de belles sentencesForestier Georges, op. cit., p. 47.
C’est à travers le système représentatif de Chapelain basé sur l’idée d’illusion mimétique qu’on arrive à réunir plaisir et utilité, en proposant pour le théâtre une instruction qui ne tombe pas dans le défaut du didactisme mais qui s’accorde parfaitement avec l’esthétique moderne du plaisirLettre à Godeau de Chapelain : « il est certain que la vraie fin de la poésie est l’utilité, [...] mais qui ne s’obtient que par le seul plaisir, comme par un passage forcé ; de façon que sans plaisir il n’y a point de poésie, et que plus le plaisir se rencontre en elle, plus elle est poésie, et mieux acquiert-on son but qui est l’utilité. » (Forestier, op. cit., p.42).insensible où tout ces « belles sentences » qui tendent à rompre l’illusion théâtrale, doivent être condamnées chez les mauvais auteurs, dont il blâme « [ces] poinctes, qui, pour proprement parler, ne sont que metaphores hyperboliques forment des espines si piquantes, que leur honneur s’y escorche le plus souventAdvertissement des Noces.
Cependant la réflexion élaborée par Chapelain ne se limite pas au plan de l’elocutio. Une fois que le plaisir a été reconnu nécessaire, un partage est fait entre deux sortes de plaisirs : les faux et les véritables. Les premiers sollicitent un mélange désordonné, alors que les vrais plaisirs nécessitent « l’ordre dans la dispositio et la vraisemblanceForestier, op. cit., p.53.
Ainsi pour les différents plans de construction du poème, on indique que le véritable plaisir est dans la règle parce qu’elle est source de clarté. Par conséquent les irréguliers se trouvant privé de leur justification principale, le principe de plaisir contre celui de l’utilité, vont au fur et à mesure se plier aux règles. La tragi-comédie donc se régularise, et, bien qu’il reste encore quelques irréguliers irréductiblesMazouer, op. cit., La poétique du théâtre, p. 185.Noces, les idées principales de l’argumentation régularisante maintenant appliquées à la tragi-comédie ; s’adressant aux auteurs qu’il dédaigne, Discret dit :
je conseillerois volontiers à ces esprits de donner plus de temps à la
compositionde leurs ouvrages, [...] il n’y a pas un vers qui n’en fournisse quatre pour ronger ce qu’il y a de mal digeré dans leur travail ; de sorte que comme la chauve-souris à cause de sadifformitén’ose paroistre devant le jour, ces ouvrages devroient demeurer enfermez, ou n’estre mis en lumiere que par le feuAdvertissement des Noces.
et un peu plus loin, quant à la composition de sa pièce, il s’empresse de mettre en avant tout son zèle de régulier « [la] Pastoralle que j’ay faicte, [...] j’ay beaucoup de fois repassé par dessus, j’y ay corrigé quantité de choses, j’ay faict mon possible pour la polir, & empescher qu’il n’y eust point de fautes remarquables ».
Ayant montré le chemin que la tragi-comédie et la pastorale parcourent ensemble, nous allons à présent nous concentrer sur le fonctionnement dramaturgique à l’intérieur de la pièce. La tragi-comédie, est un genre qui cherche à établir des archétypes, par conséquent il est relativement aisé pour le lecteur de se rendre compte de la répétition des mêmes processus actantiels et des traits distinctifs permanents. Pour ce faire, nous suivrons de près l’analyse menée par H. BabyBaby, op. cit.Les Noces en précisant les infléchissements particuliers et les atténuations que le processus de régularisation exige.
La structure actantielle des Noces, correspondant au schéma topique « des amours contrariésBaby, op. cit., p. 103.
Seules ces deux conditions ensemble, permettent de hiérarchiser les couples à l’intérieur de la pièce, et de reconnaître dans la relation Polydas-Lidiane le couple principal. Les autres couples, qui présentent tantôt une condition tantôt l’autre mais jamais les deux ensemble, constituent des intrigues secondaires reliés ou pas à l’intrigue principal. Ainsi l’exposition du premier acte des Noces, contribue à informer le spectateur sur la composition des différents couples et des leurs relations internes parmi lesquelles se produit la rencontre de Polydas et de Lidiane dans la scène de danse (I , 4). Une fois posée cette structure, le début du deuxième acte précise par le biais du monologue de Lidiane (II , 1) le type de relation entre les deux personnages, présentant ainsi les caractères du couple des héros. On est alors instruit du fait que Lidiane n’est pas une bergère mais qu’elle s’est réfugiée avec sa mère à Vaugirard en fuyant la guerre :
Je n’avois pas encore l’usage de raison, 360 Lors que je commençay de gouster le poison. Des douloureux regrets d’une fuite causee, Par les guerriers exploits du Prince de Luzee :
S’ouvre par conséquent la possibilité d’une naissance noble de Lidiane, confirmée dans plusieurs passages successifs, comme lorsque sauvée par les pêcheurs (V, 1) elle les remerciera en leur offrant une précieuse bague ; exprimant ainsi par cette action la largesse aristocratique, qualité noble par excellence. Quant à Polydas, les mêmes caractéristiques sont évoquées par Lidiane qui reconnaît en lui sa véritable qualité :
Et je croiray plustost que ce soit quelque Dieu En Berger deguisé, qu’un pasteur de ce lieu. 385 Toutes ses actions & sa docte eloquence, Font veoir que d’un Pasteur il n’a point pris naissance : Son port plus relevé que cette nation, Monstre qu’il tire lieu de nostre extraction : C’est peut estre un Seigneur, que quelque subject porte 390 A delaisser la Cour déguisé de la sorte :
À l’appartenance à la noblesse vient s’ajouter la deuxième caractéristique de l’amour réciproque, qui nous montre les deux amants soupirer l’un pour l’autre tout au long de la pièce. Cette dernière condition détermine l’action-type des amoureux de la tragi-comédie qui est celle de lutter pour son amour et retrouver finalement l’objet aimé. Mais si la qualité d’amant correspond à la fonction actorielle, le couple est toujours soumis à une instance qui leur est supérieure. Au couple d’amoureux s’ajoute ainsi une troisième catégorie qui est celle de la « non-souverainetéBaby, op. cit., p. 109.
La catégorie des opposants dans Les Noces présente une disposition particulière dans le schéma actantiel général. La pièce démarre sur un schéma actantiel qui met au centre le couple Polydas-Amarille. Mais à partir du moment où Polydas délaisse Amarille pour Lidiane (I, 5) on se place dans un nouvel schéma actantiel construit cette fois-ci sur le couple Polydas-Lidiane. Cependant le schéma du départ n’est pas complètement neutralisé grâce à l’incertitude qui demeure sur le délaissement d’Amarille par Polydas. En effet Floridon, le naïf époux d’Amarille et par conséquent rival de Polydas, est persuadé lorsqu’il tombe sur Lidiane (V, 1) que Polydas a aussi enlevé son épouse Amarille alors qu’on l’a vu se suicider auparavant :
FLORIDON Fidelles deputez de tout le voisinage, Pour rechercher celuy qui de nostre village 1645 A la perte causé par un embrasement, Commis pour enlever ma femme nuictament : [...] Où est ce Polydas, [...] Il vous a emmenee, 1665 Et Amarille aussi, LIDIANE. Rien moins, croyez pasteur Que jamais Polydas ne fut d’un crime autheur.
La méconnaissance du suicide d’Amarille par les autres personnages, crée ainsi un quiproquo permettant de faire fonctionner les opposants du premier schéma dans le deuxième.
À partir de cette organisation actantielle nous pouvons individualiser le profil de chaque catégorie agissante sur le couple des amants.
Dans la catégorie des opposants nous avons d’abord le rival dont la fonction consiste à aimer sans réciprocité, et à ruiner la relation amoureuse du couple principal de quelque manière que ce soit. Cependant sa fonction ne se concrétise pas nécessairement par une action directe mais peut s’exercer passivement. Le rival devient alors un « opposant passifBaby, op. cit., p. 153 et suivantes.Les Noces permet d’opérer un infléchissement dans le repli intérieur du personnage, qui se manifeste par la plainte amoureuse, trait typique provenant de la pastorale. Ainsi la présence d’Amarille sur scène se caractérise par des plaintes accompagnant l’espoir de récupérer Polydas mais sans que cela implique une quelconque action de sa part.
L’Esprit inquieté de milles pensemens*, [III, 2]Dont la jalouse ardeur blesse mes sentimens : Sans resolution je demeure confuse, 820 Et dans ma passion une crainte m’abuse : [...] Helas que deviendray-je apres tant de travaux*, Peut estre que le Ciel adoucira mes maux. 915 [...] PLeure Amarille helas ton malheur sans pareil, 1350 [IV, 5]Que les larmes jamais ne seichent dans ton œil, Souspire incessamment ton douloureux desastre L’amante, sans repos l’injure de ton astre : [...] Je n’auray pas ce bien que de les veoir punir, Je serois trop contente à ce doux souvenir : Il faut auparavant que l’inhumaine Parque, 1380 Me face devaller* dans l’infernalle barque [...] Je veux presentement malgré vostre puissance, En me donnant la mort apaiser ma souffrance :
Le deuxième type d’opposant est l’acteur parental incarné par le personnage de Luciane. À la différence du rival, elle ne demeure pas passive mais, étant pourvue d’une autorité, elle est engagée dans une action contraire au désir de sa fille Lidiane, qui se traduit par l’enfermement de celle-ci (III, 1), constituant ainsi l’obstacle principal de la pièce.
L’enfermement, selon H. Baby est l’un des obstacles faisant partie du répertoire récurrent de la tragi-comédie ; et l’attitude du héros peut varier entre la passivité et l’action violente, quoique ce dernier type de réaction demeure dans les limites déjà imposées par l’inventaire fixe des obstacles. Polydas, le héros de notre pièce, répond à l’obstacle en prenant la fuite avec Lidiane après l’avoir délivrée. Avec le moyen de la fuite Polydas adopte l’action-type privilégiée par le héros tragi-comique. Cette préférence s’explique par des raisons d’ordre structurel : la tragi-comédie qui est un genre spectaculaire, provoque majoritairement des obstacles extérieurs qui déterminent une structure fonctionnant dans l’exploitation de l’accidentel. Or comme l’événement accidentel se manifeste dans le court terme, pour nourrir suffisamment une intrigue, la tragi-comédie doit nécessairement multiplier ces obstacles extérieurs. La fuite est donc un excellent moyen pour les auteurs de tragi-comédie d’organiser le parcours du héros selon cette « dramaturgie de l’extérioritéBaby, op. cit., p. 125.
Cependant on ne peut pas véritablement parler des Noces comme d’une pièce qui épouse pleinement les ressources de la fuite dans ce que Jacques MorelMorel Jacques, Jean Rotrou dramaturge de l’ambiguïté, Paris, Colin, 1968.Noces se construit sur un seul obstacle majeur (l’enfermement de Lidiane) à partir duquel, toutes les péripéties qui se produisent pendant la fuite sont liées par des rapports de causalité qui montrent la volonté du dramaturge d’aller vers l’unification de l’action, qui demande, pour se faire, la suppression d’événements dus au seul hasardScherer J., La dramaturgie classique en France, Paris, Nizet, 2001, p. 100).
Se privant de faire intervenir le motif de la fuite plus tôt, Discret ne peut alors remplir les premiers actes de sa pièce par une commode successions d’obstacles comme dans la plus conventionnelle des tragi-comédies. Dès lors, une fois que l’exposition s’achève (I, 2) en donnant le cadre complet des relations entre les personnages, l’action dramatique procède par touches, et dans les moments où l’action dramatique se suspend entre des scènes ou à l’intérieur d’une même scène viennent s’intercaler des intrigues secondaires proposant des séquences qui mêlent un comique de mœurs et des moments topiques du genre pastoral. Faisant ainsi alterner l’action dramatique avec la peinture de mœurs bourgeois et les clichés de la pastorale, Discret s’éloigne de la structure tragi-comique de base pour chercher à réaliser un équilibre difficile entre scènes d’action et scènes de genre.
Comme on l’a vu, la tragi-comédie raconte presque toujours les aventures d’un couple de jeunes amants qui lutte pour établir ou préserver leur amour. Par rapport à ce sujet-type, elle privilégie deux sortes d’intriguestragi-comédie d’aventure et tragi-comédie des amours contrariées. Signalons d’ores et déjà qu’il n’existe pas une nette distinction entre les deux types d’intrigues, et qu’il faut par conséquent considérer se deux entités plutôt comme deux pôles opposés vers quoi les différentes tragi-comédies peuvent tendre.Scherer, op. cit., p. 85).Noces, à rassembler son action sur un obstacle majeur qui s’oppose au couple d’amants. L’accent, au lieu de porter sur la prolifération des aventures, est alors mis sur les amants et leurs réactions devant les persécutions dont ils sont l’objet ; de la même manière qu’il peut, comme dans notre pièce, donner de l’espace à l’expression du comique. Dans les deux cas les dramaturges gardent donc un intérêt pour les actions complexes, mais avec l’influence des théoriciens, on voit apparaître chez Discret une plus grande concentration dramatique avec le conséquent abandon de pièces « à tiroirs » et à épisodes multiples. Il s’agit donc de disposer les plusieurs fils de l’action complexe en allant vers une progressive unification. Si Les Noces, participent encore pleinement de ce goût pour l’action complexe, l’emploi dans la structure de la chaîne amoureuse permet la mise en œuvre d’une unification appréciable entre l’intrigue principale et les intrigues annexes.
C’est en effet grâce à la chaîne des amants de la pastorale, que l’intrigue amoureuse secondaire dépend de l’issue de l’intrigue principale. Dans Les Noces en effet les espoirs de Floridon de reconquérir son épouse Amarille ne se concrétiseront qu’au moment où le couple Polydas-Lidiane se confirmera dans son union, rendant ainsi inutile les efforts de la rivale Amarille qui acceptera à la fin de la pièce l’amour de son mari Floridon. Cela contribue donc à rechercher une plus grande concentration dramatique même si, comme l’a remarqué Jacques Scherer, la conception de l’unité d’action que l’on retrouve appliquée chez les auteurs préclassiques et théorisée dans la Pratique du Théâtre de D’Aubignac est l’inverse de celle qu’on trouvera appliquée en plein classicismeÉléments de littérature, s, v°, Unité. in Scherer, op. cit., p. 102).
Un volume. [16] -144 p. ; in-8
[I] LES NOPCES / DE / VAVGIRARD, / OU LES / NAIFVETEZ CHAMPESTRES. / PASTORALLE / Dediée à ceux qui veulent rire. / Par L.C.D.
[II p. bl.]
[III-X] EPISTRE / SERVANT / D’ADVERTISSEMENT / à ceux qui veulent / rire.
[XI-XIII] ARGVMENT
[XIV] A.D.D.L.R.D.L.P. [1er poème liminaire] / Aux Lecteurs [2ème poème liminaire]
[XV] Extraict du Privilege du Roy. / Errata.
[XVI] Les Acteurs.
[1-144] [le texte de la pièce]
[1 p. bl.]
[1 p. bl.]
Nous avons établit le texte à partir de l’exemplaire qui se trouve à la Bibliothèque nationale de France (site de la Bibliothèque de l’Arsenal) sous la cote 8-BL-4637.
Il existe à notre connaissance cinq autres exemplaires en France de l’unique édition de 1638
À titre indicatif, nous avons recensé les autres exemplaires à l’étranger
Variantes entre l’exemplaire de réference 8-BL-14637 et l’exemplaire YF-7045 :
[30] v.435 : « servant » (YF-7045 gallica) → « servante » (8-BL-14637) ; [37] v.540 : « mort » (YF-7045) → « mors » (8-BL-14637) ; [89] v.1203 titre de replique : « PNACARCE. » (8-BL-14637) ; « PANCARCE » (YF-7045 gallica) ; [110] l’exemplaire YF-7045 gallica présente un doublet de la page [110] on a en effet la sequence : [110, 111, 110, 111, 112]
EPITRE
[VI] l.5 : « quils avaient données » → « qu’ ils avaient données » ; [VII] l.9 : « ny a pas un vers » → « il n’y a pas un vers » ; [IX] l.7 : « telle quelle est » → « telle qu’elle est »
ERRATA
[XV] : « l.2 : « r8 & 19 l. » → « v.18 & 19 l. »
ACTE I [1-23]
[8] v.119 : « tes pas » → « ses pas » ; [10] v.162 : « quelle est » → « qu’elle est » ; [18] v.266 « ces Argus » → « cet Argus » ; [20] avant v.303 : « POLIDAS » → « POLYDAS » ; [20] v.303 : « si j’ay parlay » → « si j’ay parlé » ; [20] v.305 : « ma ravit » → « m’a ravit » ; [22] v.333uy « que tu puisse » → « que tu puisses »
ACTE II [24-51]
[27] v.380 : « d amour » → « d’amour » ; « à des yeux » → « a des yeux » ; [28] v.412 : « pl9 » → « plus » ; v.414 : « bon estime » → « bonne estime » ; [30] après v.440 : titre de replique « POLIDAS » → « POLYDAS » ; [30] v.447 : « la’ spect » → « l’aspect » ; [31] v.456 : « avant manquer » → « ayant manqué » ; [33] v.471 : « trefve » → « tresve » ; [33] v.482 : « cét heure » → « cétte heure » ; [34] v.486 : « nen → n’en » ; [37] v.540 : « plastot » → « plustot » ; « mors → mort » ; [41] après v.581 titre de replique : « AMARILE » → « AMARILLE » ; [42] avant v.595 titre de replique : « AMARILE » → « AMARILLE » ; [42] v.595 : « La Fortune a Lidiane. » → « La Fortune à Lidiane. » ; [45] v.632 : « si Floridon t’atrappe » → « si Floridon j’atrappe » ; [46] v.634 : « Vist e s œurs » → « viste sœurs » ; [46] avant v.635 titre de replique : « AMRRILLE » → « AMARILLE » ; [46] v.633 : « si mes mains il eschappe » → « si des mains il m’eschappe » ; [47] v.649 : « l’autre ce sauve » → « l’autre se sauve » [48] v.669 : « parler a elle. » → « parler à elle. »
ACTE III [52-84]
[52] v.720 : « to9 » → « tous » ; [55] v.756: « qu’a cholere » → « qu’à cholere » ; [56] v.781 : « outrageast » → « outragea » ; [57] v.797 : « qu’en regret » → « qu’un regret » ; [58] v.811 : « m’oblige » → « t’oblige » ; [59] v.817 : « amy faites » → « amy fais » ; [61] v.851 : « je te hayt reprend les » → « je te haÿs reprends les » ; [63] v.867 : « pense-tu » → « penses-tu » ; [64] v.881 : « Si tu debvoient brusler je t’en donneroient mille. » → « Si tu debvois brusler je t’en donnerois mille. » ; [65] v.893 : « Jamais comme j’entend tu » → « Jamais comme j’entends tu » ; [74] V.1018 : « qui l’a contraint » → « qui l’a contrainte » ; [75] v.1030 : « a il raison a-il le cœur » → « a-t-il raison a-t-il le cœur » ; [79] v.1081 : « Venez—ça » → « Venez-ça » ; [80] v.1090 : « ne m’offence pas », → « ne m’offences pas » ; [80] v.1090 : « Vous avez sur le nez » → « Vous m’avez sur le nez » ; [80] v.1091 : « tu n’aye » → « tu n’ayes » ; [80] v.1096 : « ce refere » → « se refere » ; [81] v.1105 : « Ou est » → « Où est » ; [81] v.1109 : « du vaillant » → « le vaillant » ; [84] didascalie : « a la main. » → « à la main. »
ACTE IV [85-113]
[88] didascalie : « Ils viennenttnds [...] des lanternej » → » ils viennent [...] lanternes » ; [89] v.1203 titre de replique : « PNACARCE. » → « PANCRACE. » ; [90] didascalie : « emmeine Diane » → « emmeine Lidiane » ; [91] v. 1228 : « despourveue » → « despourvue » ; [91] v.1232 : « eclypses ses lumieres » → « eclypsent ses lumieres » ; [91] v.1242 : « Non, souds » → « Non, sourds » ; [91] v.1245 : « c’est esteint » → « s’est esteint » ; [92] v.1256 : « pus-je endurer » → « puis-je endurer » ; [94] v.1288 : « Le jour qui peu a peu » → « peu à peu » ; [95] v.1309 : « ce porte » → « se porte » ; [96] v.1325 : « habandonnee » → « abandonnee » ; [97] v.1335 : « on les tiens » → « on les tient » ; [97] v.1337 « cbouche » → « bouche » ; [98] v.1358 : « Bon Dieux ce ! a » → « Bon Dieux cela » ; [98] v.1361 : « Ou estes vous [...] Ariadne » → « Où estes vous [...] Arianne » ; [99] v.1370 : « il ne ce peut pas » → « il ne se peut pas » ; [100] v.1399 : « quesque » → « quelque » ; [102] v.1428 : « dy moy » → « dys moy » ; [103] v.1434 : « cestoit » → « c’estoit » ; [105] v.1464 : « ne te courrouce » → « ne te courrouces » ; v.1466 : « en doubte-tu » → « en doubtes-tu » ; v.1473 : « que tu me baise » → « que tu me baises » ; [107] v.1498 : « Chaots » → « Chaos » ; [108] v.1515 : « Pollydas » → « Polydas » ; [109] v.1544 : « cousté de larmes » → « cousté des larmes » ; [110] v.1546 : « las » → « Las » ; [110] v.1548 : « Polydas ce malheureux profane, » → « Polydas, ce malheureux profane » ; [113] v.1594 : « ne leur a ton » → « ne leur a-t-on » ;
ACTE V [114-144]
[121] v.1693 : « b ! asmable » → « blasmable » ; [123] v.1723 : « crime apparant » → « crime appariant » ; [123] v.1723 : « crime apparant » → « crime appariant » ; [123] v.1726 : « Le ciel command » → « Le ciel commande » ; [124] v.1735 : « je jugerois » ; [124] v.1739 : « qui aye mis » → « qui ayt mis » ; [129] v.1822 : « Et si j’ay parlay » → « Et si j’ay parlé » ; [132] v.1864 : « Reprend un peu tes sens » → « Reprends un peu tes sens » ; [134] liste de personnages : « FORIDON » → « FLORIDON » ; [135] v.1896 : « Se seroit » → « Ce seroit » ; [135] v.1910 : « attend moy » → « attends moy » ; [136] v.1922 : « que tu meure » → « que tu meures » ; [138] v.1943 : « vous veille consoler » → « vous veuille consoler » ; [141] v.1985 : « Que Polydas aussi aye » → « Que Polydas aussi ayt » ; [141] v.1991 : « ont ce matin » → « sont ce matin » ; [142] v.2007 : « allez embrassez » → « allez embrasser » [143]
Le rôle de la ponctuation, dans la déclamation théâtrale du XVIIe siècle, ne se limite pas à noter les rapports syntaxiques entre les divers éléments de la phrase mais détermine aussi le débit et l’intonation de la voix du comédien.Œuvres complètes de Racine, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, t. I, 1999, p. LIX-LXIV. et Sabine Chaouche, « Remarques sur le rôle de la ponctuation dans la déclamation théâtrale du XVIIe siècle », dans Ponctuation et théâtre classique texte réunis par Jacques Dürrenmatt, 2000, La licorne, Ufr langue et littérature de Poitiers.
Nous avons rectifié la ponctuation en corrigeant les coquilles et lorsque cela s’est averé nécessaire pour faciliter la compréhension du texte :
MESSIEvRS,
Je ne suis point de ces sçavans personnages dont les siecles ont si curieusement* conservé les precieuses reliques pour nous donner lumiere des sciences qui les ont faict estimer vrais Orateurs, & parfaictement bons Poëtes : mon sçavoir est aussi peu cogneu que ma personne,apologie : « Livre ou discours fait pour justifier quelqu’un. Il se dit plus particulierement en matiere de litterature, de la deffense qu’on fait des fautes dont on accuse un Auteur » (Furetière, 1690).scire) de la variante savante du verbe savoir. Nous signalons que l’usage des deux formes savoir ou sçavoir sont attestés par les dictionnaires de l’époque : « Savoir ou sçavoir, v.a. L'un et l’autre s’écrit. » (Richelet, 1680).L’Heureuse constance (1631) dont la préface, à laquelle Lancaster nous renvoit, éclaire les allusion de Discret. En 1628 il devient le dramaturge de la troupe des Comédiens du Roi de l’Hôtel de Bourgogne.L’Heureuse constance de Rotrou, voir à ce sujet la section Le répertoire des théâtres parisiens de notre introduction.
MESSIEURS,
Vostre tres-humbe, &
Obeïssant serviteur
L. C. D.
Amarille est jointe par mariage à Floridon qu’elle n’ayme point sous promesse faite de l’advis de ses parens, & pour la contenter que Floridon ne cueillera le fruict de son amour, que six mois apres le jour de leurs nopces, pendant lequel temps Polydas fils d’une des Illustres maisons de Paris déguisé en Berger, & qui cherissoit grandement Amarille, promettoit de l’enlever secrettement, mais estant mandé* à la nopce avec une jeune Bergere nommée Lidiane, qui estoit venuë avec sa mere demeurer à Vaugirard à cause des guerres qui estoient dans la Province de leur naissance
Pendant que Polydas, Lidiane, Pysandre, Cleanide, & Amarille Bergers, & Bergeres passent le temps à mille gentillesses, & tromperies amoureuses : Luciane mere de Lidiane ayant veu au travers d’une vitre Polydas qui baisoit sa fille. Cette action luy donne subject de l’enfermer, Polydas desesperé de ne plus voir sa maistresse, prend resolution de l’enlever, & pour cet effect* luy ayant faict sçavoir par un mot de lettre que Pysandre luy porte (sans sçavoir ce qui estoitentraîner n’est pas acceptable, mais à la période classique Nathalie Fournier signale que : « la concurrence entre construction transitive (V N) et construction intransitive (V Ø) est une forte zone de variation [...] ».
Polydas qui croit qu’elle est morte se precipite dans la grotte des Demons, Amarille qui se doute qu’elle est trompée, voyant que Polydas estoit precipité, s’y jette pareillement, laissans tous leurs parents dans une confusion épouventable, & en fin Lidiane repeschée, & ramenée par les Pescheurs au lieu où elle pensoit retrouver Polydas, est à l’instant prise par les Deputez de Vaugirard qui faisoient la recherche d’eux, par le soupçon qu’ils avoient que Polydas avoit efté le boutte-feu*, elle est ménée devant les Juges qui luy font son procez, & quelques prieres,Grotesque.
Aux Lecteurs.
Par grace & Privilege du Roy, il est permis à Jean Guignard, Marchand Libraire, d’imprimer ou faire imprimer, vendre & debiter un livre intitulé, Les Nopces de Vaugirard : avec deffences à tous
Page 13, vers 4 lisez baise pour baiser p. 40. v.7. 1. sans vous veoir p.49.v.13. l. d’Orphee. p.53 v.18 & 19 l. affection au premier, & affliction au second. p.57.v.8. l. qu’un pour qu’en. p.58.v.10. l. faicts pour faictes. p.63.v.9. l. me parleront. p.101.v.15 l. seile pour sicle. p.107.v.10. l. qu’un pour qu’en.
Echo, viste
tost
haste
tien
garde
ouy
meure.
par tout
menace.
bien.
voire.
ouy
sauve.
Icy
cherche
adieu
veille
bon-soir
passe
coucou
donne
& tant
elle
FIN.