Quinault fut, de son vivant, un auteur à succès. De nos jours, si ses pièces ne sont plus jouées, il reste l’un des « minores » les plus connus. Il figure dans les ouvrages consacrés au XVIIe siècle, son nom généralement associé à celui de Thomas Corneille, et à la tragi-comédie. En outre, deux biographies et une bibliographie sont consacrées à sa vie et ses œuvres, et ses pièces sont, depuis une dizaine d’années l’objet d’éditions critiquesBellerophon, Stratonice, Astrate, Alceste et Le Fantôme amoureux. Toutes ces éditions sont disponibles à la Bibliothèque nationale de France.
S’inspirant de noms historiques, Quinault construit une intrigue fondée sur la reconnaissance. Assistant à la noyade accidentelle du roi Tibérinus, Tirrhene persuade son fils de prendre la place du roi dont il est le sosie et, pour cacher la supercherie, répand la nouvelle de l’assassinat de son fils par Tibérinus. Aussitôt se met en place un complot visant à la mort du roi, auquel participe l’amante et la sœur d’Agrippa. Après de nombreux quiproquos et une tentative d’assassinat durant lequel seul le chef des conjurés trouve la mort, la substitution est révélée, permettant le mariage du héros et de Lavinie, qui, détenant le pouvoir, légitime le règne d’Agrippa.
Ce sujet offrait la possibilité d’une réflexion sur la question de l’identité. Mais nous verrons en quoi, sous des apparences classiques propres à la tragédie, Agrippa se révèle comme une pièce galante, jouant des faux-semblants pour mieux séduire le public.
Lorsque cette nouvelle tragi-comédie parut, Quinault était déjà un auteur à succès, et déjà, on se moquait des invraisemblances de ses intrigues et du traitement des sources historiques de ses pièces. Lorsque l’on connaît l’origine du sujet d’Agrippa, il paraît évident que Quinault ne s’est absolument pas préoccupé de ces critiques.
Aristote, en évoquant dans la Poétique le choix du sujet des tragédies, constate que généralement : « on s’attache aux noms d’hommes qui ont existé ». Quinault pour la construction d’Agrippa s’est donc contenté de choisir des noms de personnages cités par Tite-Live. Mais, il leur a attribué des actions et des liens de parenté imaginaires. Les noms des principaux personnages sont cités dans les trois premiers chapitres de l’Histoire romaine de Tite-LiveHistoire romaine, Livre I, Paris, Les Belles Lettres, « collection des Universités de France ».
Latino Alba ortus, Alba Atys, Atye Capys, Capye Capetus, Capeto Tiberinus, qui in traiectu Albulae amnis submersus, celebre ad posteros nomen flumini dedit. Agrippa inde Tiberini filiusTraduction : Latinus fut le père d’Alba, Alba d’Atys, Atys de Capys, Capys de Capetus, Capetus de Tibérinus. Celui-ci sombra dans l’Albule lors de la traversée, et devint célèbre en donnant son nom au fleuve. Son fils Agrippa lui succéda. .
En choisissant d’intituler sa pièce Agrippa, Quinault ne pouvait ignorer qu’il entretenait une certaine confusion pour le spectateur. En effet, pour le public du XVIIe siècle, Agrippa fait référence au petit-fils d’Auguste, assassiné à la mort de ce dernier, probablement par Tibère et Livie, en 14 après J.-C., événement relaté par parle Tacite, dans les AnnalesAnnales, Livre I, Paris, Les Belles Lettres, « collection des Universités de France ».Op. cit., I, 2.
C’est donc avec ces données si minces que Quinault entreprend de bâtir une intrigue. Il fait d’Agrippa un parent de Tibérinus, garde l’épisode de la noyade, de la bataille contre les Rutules, et choisit un thème fort en vogue à cette époque, et qu’il a d’ailleurs traité à plusieurs reprises : le déguisement. Ce thème est évidemment lié à une intrigue amoureuse, impliquant Agrippa et Lavinie.
Agrippa fait suite à une série de tragédies et de tragi-comédies ayant rencontré un certain succès. Le roi appréciait ses œuvres et Quinault se permit donc de lui adresser la dédicace de sa nouvelle pièce. Comble d’honneurs, Sa Majesté lui avait permis de révéler qu’il prenait plaisir à collaborer à ses pièces.
Il n’y a pas, SIRE, jusques aux secrets des belles Lettres, où les Lumieres de VOSTRE MAJESTE ne s’estendent ; Elles n’ont pas desdaigné de m’esclairer dans la conduite de cét Ouvrage, & je suis obligé de confesser qu’Elles sont la source de ce que l’on y a trouvé de plus brillant.
On peut noter que Quinault, dès le début de son succès, s’était attaché à ne dédier ses œuvres qu’à des personnes de qualité. Ainsi, ses dédicaces concernent notamment : le Cardinal Mazarin, le surintendant Fouquet (puis sa femme), le Duc d’Anjou…
La dédicace d’Agrippa est un modèle du genre et la flatterie y est portée à son plus haut point : « la Personne Auguste du plus accomply de tous les Monarques, & d’y voir briller de prés ces Vertus éclatantes qui font aujourd’huy l’admiration de toute la Terre ». Il est certain que le lecteur du XXe siècle s’étonnera de tant de flagornerie, mais la flatterie était le passage obligé de toute dédicace et celles qui furent composées par Corneille, Racine ou Molière sont tout aussi édifiantes.
Agrippa, tout comme Les Rivales, a été l’objet de nombreuses discussions quant à l’exactitude de l’année de la première représentation. Boscheron, son premier biographe, mentionne 1660Vie de Monsieur Quinault, de l’Academie Françoise avec l’origine des opera en France, Boscheron. Cette biographie n’est toutefois pas exempte d’erreurs, notamment dans la chronologie des évènements et représentations.Agrippa, dans le sommaire, figure Bellerophon.Agrippa a été représentée en 1662.
Etienne GrosPhilippe Quinault, sa vie et son œuvre, Paris, Champion, 1926.La Comédie sans comédie et L’Amant indiscret, au début de la carrière de Quinault, la publication suivait la pièce. Ensuite, les œuvres rencontrant un large succès bénéficiaient généralement d’une édition (légale ou non) en Hollande. Or, Abraham Wolfgang, qui a édité toutes les pièces de Quinault appréciées du public, et cela dans de brefs délais, n’édite Agrippa qu’en 1663. Enfin, dernier argument et non des moindres, la dédicace de la pièce est adressée à Louis XIV et il eut été peu délicat d’adresser à ce jeune roi, dont Quinault loue l’orgueil, une pièce vieille de deux ans. William Brooks qui a réalisé une bibliographie critique des œuvres de Quinault se rallie également à cette théorie. Nous en concluons donc que, la même année, furent jouées Agrippa, le Faux Tibérinus de Quinault et Oropaste ou le Faux Tonaxare de Boyer.
Ces deux pièces ont déjà fait l’objet d’une comparaison dans l’édition critique de la tragédie de Boyer par G. Forestier. À notre tour, nous nous sommes intéressés à ces troublantes similitudes. Ces pièces traitent toutes deux d’une substitution d’un roi par un de ses sujets. Dans les deux cas également, cette usurpation d’identité n’est pas de leur propre initiative mais de celle d’un parent, père ou frère.
Dans Oropaste, Cambise, roi de Perse (frère d’Hésione et de Tonaxare), craignant l’avènement au pouvoir de son frère, le fait assassiner par Prexaspe et Patisite. Celui-ci, pour cacher ce crime, fait couronner son frère, Oropaste, en le faisant passer pour Tonaxare, mais sans l’avouer à Cambise. Ce dernier, fou de rage, tente d’assassiner Prexaspe mais se tue avec son épée. C’est le père d’Oropaste, Mégabise, qui rapporte ces faits, tout en les doutant de leur véracité, à Hésione (sœur de Tonaxare), Zopire (prince perse), Darie et Araminte. Darie décide de venger son ami Tonaxare en tuant Oropaste l’imposteur. Zopire lui conseille d’être sûr de la véracité des faits mais penche lui aussi pour l’hypothèse de la supercherie. Hésione ne sait qui croire tandis qu’Araminte, qui était aimée de Tonaxare, refuse catégoriquement d’envisager la substitution.
Le roi, épris d’Hésione, lui propose le mariage. Horrifiée, la jeune femme tente de savoir la vérité : elle demande au roi de sacrifier Patisite. Lorsqu’il le fait, elle est persuadée qu’il est réellement Tonaxare. Amarinte, toujours amoureuse du roi, le prévient de l’existence d’un complot. Mais il est trop tard et le roi, sous les coups de Darie, avoue la vérité avant d’expirer. Tout se termine par un double mariage : celui d’Amarinte et de Zopire et celui de Darie et d’Hésione, qui détient dès lors le pouvoir.
Si Quinault et Boyer ont choisi le même thème, celui de la substitution, les sources sont extrêmement différentes. Là où Quinault s’inspire, pour bâtir son intrigue, de quelques lignes puisées chez Tite-Live, plus que librement adaptées ; Boyer cherche à respecter des faits avérés sinon tenus pour tels. Et il n’échappe pas que son avis « Au lecteur » est une attaque contre Quinault.
Je suis obligé de t’advertir que le Nom de Tonaxare n’est pas un nom inventé, comme quelques uns ont crû [citation des sources : Justin, Hérodote, Xenophon]. J’ai crû te devoir cét Advis, afin que tu ne juges pas de moy sur l’exemple de quelques Autheurs de ce temps, qui prenans la licence de prester un Nom veritable à un sujet chimerique, pourroient faire croire, que j’ay donné un Nom inventé à un sujet historique.
Leur traitement du sujet est tout à fait différent. Oropaste est une tragédie, non pas seulement par la mort du héros. Le faux Tonaxare est affecté par ce changement d’identité au point de ne plus savoir qui il est vraiment. Il se sent devenir de plus en plus proche du roi dont il occupe la place et prend tellement goût au pouvoir qu’il préfère mourir plutôt que d’avouer la vérité.
De plus, dès le début de la pièce, la question de l’usurpation est posée aux protagonistes qui doivent alors tâcher de découvrir la vérité alors que seule Lavinie, dans la pièce de Quinault, manifeste des doutes. En outre, le sous-titre des deux pièces : ou le Faux Tiberinus, ou le Faux Tonaxare nous informe de l’existence d’une supercherie. Mais, si Quinault, dans les dialogues et les didascalies, a choisi de nommer le héros Agrippa, Boyer a décidé de conserver une légère incertitude, de se mettre au niveau des protagonistes et de mentionner « le roy ». Bien évidemment, cette subtilité de l’auteur n’était visible que pour le lecteur.
Le thème de l’inceste est également évoqué, bien que dans les deux cas, il n’y ait pas réellement de danger d’inceste. D’un côté, parce que Hésione n’est pas la sœur d’Oropaste, de l’autre, car Agrippa fait tout pour éloigner sa sœur. Enfin, la pièce de Boyer se termine par l’assassinat du héros tandis que celle de Quinault s’achève sur son mariage. Mais, la fin des deux pièces est tout aussi insatisfaisante, tant elle est traitée brièvement. Dès lors que la reconnaissance est entière, les auteurs traitent superficiellement les derniers vers de leurs pièces, dignes des contes de Perrault, en évoquant le mariage des survivants.
Les deux pièces furent différemment reçues : Oropaste est représentée par la troupe de Molière et comptera quinze représentations successives. La pièce ne sera plus reprise ensuite. Agrippa est jouée à l’Hôtel de Bourgogne. En 1675, la troupe Royale reprend la pièce et, en 1680, la pièce passe au répertoire de la Comédie Française pour n’en disparaître qu’en 1750, au terme de soixante-trois représentations. La pièce a été traduite en hollandais, transcrite en vers (toujours au Pays-Bas) et devient un opéra en Italie.
Boyer reçut, de la part des comédiens une somme importanteL’École des Femmes. Mais, Boyer se plaignant, dans sa dédicace au Duc d’Espernon, du « degoust des Pieces serieuses » de ses contemporains, il est possible d’attribuer le retrait d’Oropaste à l’attrait de la pièce de Quinault, plus légère et conforme aux goûts de l’époque.
Reste à savoir qui, de Boyer ou de Quinault, s’est inspiré de l’œuvre de l’autre. Selon Étienne Gros, C’est Boyer qui a « doublé », comme il le dit, Quinault car il pense que l’abbé s’est contenté de développer une pièce déjà écrite ce que Georges Forestier dément totalement. Certes, chacun des critiques défend « son » auteur, Forestier écrivant que la pièce de Quinault repose sur « un traitement superficiel de l’intrigue » et révèle un « vide thématiqueOp. cit., p. 30.e siècle, affirme que « l’abbé Boyer est un exemple de constance littéraire : nul auteur ne fut plus sifflé que lui et nul auteur n’écrivit davantage et plus longtempsOp. cit., p. 37.
Quelles que soient nos préférences, nous ne saurions oublier que l’auteur d’Agrippa s’est déjà rendu coupable de plusieurs plagiats. En effet, il avait dû reconnaître que Le Portait d’Isis était en réalité une création de son ami Perrault. En 1653 (la date est approximative) il réadaptait (sans signaler ses sources) Les Deux Pucelles, comédie de Rotrou qui devient sous le nom des Rivales une comédie de Quinault, fort appréciée du reste. Enfin, Visé lui reprocha de lui avoir « volé » le sujet de La Mère Coquette
La question se pose d’emblée puisque la pièce ne comporte pas, sur la page de titre, de mention du genre auquel elle appartient. Si l’on s’en tient à la définition proposée par Etienne GrosOp. cit.Agrippa est effectivement une tragi-comédie. Toutefois, Etienne Gros lui-même classe Agrippa dans la catégorie des tragédies, puis, il la cite comme « pseudo-tragédie ».
Selon Hélène Baby-Litot, qui a consacré un passage de sa thèseEsthétique de la tragi-comédie de 1628 à 1643.
Examinons un peu cet « habillage classique ». La pièce, découpée en cinq actes, se déroule en un lieu unique, l’appartement de Lavinie, et un seul jour. Quinault cherche d’ailleurs à le prouver en multipliant, par le biais de ses personnages, les rappels : « Avant la fin du jour commandez qu’on m’arreste
Tous les personnages étant de noble condition, et le déguisement ne transformant pas le héros en « inférieur », le ton de la pièce est grave et uni. L’humour y est absent, si l’on excepte l’ironie. La pièce ne mélange donc pas genre noble et genre bas, éclats de rire et tristesse.
L’action est unique, centrée sur la reconnaissance d’Agrippa dont découle le complot et les obstacles à ses amours. Comme le signale Hélène Baby-Litot, l’intrigue amoureuse et le complot mettent en cause la même personne, il n’y pas d’intrigue parallèle.
Si Quinault s’était permis quelques libertés avec la bienséance externe, au début de sa carrière, en faisant apparaître, par exemple, un cadavre sur scène, il s’était depuis assagi et dans Agrippa, la sanglante dépouille fait place à une saisissante description. Quinault a donc recours à l’hypotypose pour « faire voir » le suicide de Mézence. Il est vrai que ce procédé a l’avantage de retarder la reconnaissance. En outre, le cadavre du Prince aurait pu gâcher les instants de pure félicité des survivants.
S’il est vrai que la tragi-comédie chez Quinault arbore un aspect régulier, elle n’en est pas moins différente de la tragédie. Du moins, de la tragédie en général, car les tragédies de Quinault ne sont rien moins finalement que des tragi-comédies à fin malheureuseLa Mort de Cyrus, tragédie, et Agrippa, tragi-comédie, réside en la mort du héros, effective dans la première, évitée dans la deuxième.Agrippa est une fois de plus chez Quinault, un prétexte pour parler d’amour sur tous les tons.
Il écrit toujours tendrement : Il conjugue Amo galamment. Jamais auteur hormis lui-même, N’a dit autant de fois je vous aime, Et de plus, selon mon goût mien, On ne l’a jamais dit si bien « Gazette en vers », dans .Les Continuateurs de Loret, t. I, p. 120, « Gazette du 19 juillet 1665 », éd. James de Rotschild, 1881-1888.
Cette citation de Boursault illustre parfaitement bien l’enjeu des pièces de Quinault et notamment d’Agrippa où toutes les discussions concernent l’amour. Pour preuve, la récurrence de ce terme : plus de six cent fois. En outre, le mot de la fin revient à l’amour, le dernier vers étant « Vostre Fils de nouveau couronné par l’Amour ».
L’isotopie de l’amour est présente également par l’abondance des termes évoquant les sentiments amoureux : « flamme, cœur, plaire, feux ».
Les personnages ne cessent d’évoquer l’amour, d’en discuter, de comparer les différents degrés de la passion. Bien évidemment, le dessein de tout acte est l’amour, même l’ambition de Tirrhene est motivée par l’affection qu’il porte à son fils.
Dès la scène d’exposition, l’amour (ou plutôt l’Amour) entre en jeu, puisque la question est de savoir qui, de l’amante ou de la sœur, peut aimer le plus, après la mort d’Agrippa. Si les deux héroïnes évoquent la question de la tyrannie, Albine, très vite, replace l’amour au cœur du débat. Les deux femmes comparent l’intensité de l’amour « naturel » à l’amour passionnel. Ces deux notions « Amour » et « Nature » sont constamment en opposition dans cette pièce et seul Tirrhene met les liens du sang avant les sentiments amoureux, considérant plus fiable et moins sujet aux débordements l’attachement dû aux liens de parenté.
L’amour et l’ambition entrent également en conflit. Ce sont deux notions opposées pour la société galante en général, et pour les amants des pièces de Quinault en particulier. L’une étant l’aspiration noble, désintéressée des amants, l’autre ne représentant qu’une envie triviale de pouvoir. Pour la société galante, si l’on aime, tout désir de pouvoir pour le seul plaisir de régner doit être banni. Ainsi, Mézence, touché par l’amour, ne songe plus un seul instant à déloger du trône Tibérinus. S’il accepte de fomenter un complot, ce n’est jamais que pour se plier aux désirs de son exigeante maîtresse. Quant à cette dernière, le seul intérêt qu’elle voit au fait de posséder le pouvoir est la possibilité donnée à son amant d’accéder légitimement au trône.
Finalement, les seules personnes intéressées par le pouvoir sont Tirrhene et, bien que dans une moindre mesure, Albine. Celle-ci, en effet, se lamente au premier acte de constater le peu de chances d’accéder au trône, chances amenuisées par la disparition de son frère (on ne comprend pas pourquoi, la loi salique n’étant pas en vigueur à Albe). Cette situation, toutefois, lui paraît pénible dans la mesure où elle savait Tirrhene désireux de voir l’un de ses enfants régner. Il avait d’ailleurs fortement encouragé sa fille à accepter les marques d’affection de Tibérinus, parti pourtant peu recommandable pour une jeune fille vertueuse, à seule fin de se frayer une place sur le chemin du pouvoir. Pour Tirrhene, rien ne peut se placer au-dessus du pouvoir et de la fierté de régner. Il faut savoir réprimer les mouvements de son cœur lorsque l’on accède au trône.
Ah ! quittez ces erreurs : l’Amour, & ses chimeres, Sont des amusements pour des Ames vulgaires, La foiblesse sied mal à qui donne des loix, Et la seule grandeur est l’amour des grands Rois Acte I, scène 5. .
De ce point de vue, la pensée de Tirrhene s’inscrit dans une conception que l’on retrouve dans les pièces de Corneille et de Racine, et qui met en évidence la difficulté de concilier amour et devoir politique. Un monarque doit placer son devoir politique avant toute autre motivation personnelle. En outre, l’amour, comme toute autre passion, place les puissants en état de faiblesse. Or, garder le pouvoir étant un exercice périlleux, rien ne doit venir troubler celui qui le possède. C’est pourquoi Tirrhene tente de persuader son fils de renoncer à Lavinie, et de lui préférer des attaches plus superficielles.
Il est à noter que l’ambition est, pour les personnages d’Agrippa, Tirrhene excepté, une valeur triviale et négative. Pas un des personnages ne se représente le désir de régner comme une manière d’améliorer la vie de son peuple. Si Tirrhene tente de persuader Agrippa de rester au pouvoir, en lui démontrant que son règne serait plus juste et plus vertueux que celui de Mézence, il ne tient ce discours qu’à seule fin de toucher Agrippa, lui-même ne pense qu’au plaisir de voir sa descendance détenir la couronne. Le bonheur du peuple est accessoire comparé au bonheur personnel des amants. Aussi Agrippa évoque-t-il à nouveau la question de ses amours contrariées.
La pièce se déroule au gré de déclarations enflammées, de vengeances promises à l’être chéri, de dépits amoureux. Car l’amour chez Quinault n’est pas, malgré l’opinion de certains critiques, un sentiment tiède et fade. Nous nous inscrivons en faux contre l’avis de BuijtendorpPhilippe Quinault : sa vie, ses tragédies et ses tragi-comédies, Amsterdam, H.J. Paris, 1928, p. 72.
L’intrigue amoureuse est le canevas de toutes les pièces de Quinault, il justifie tout, du mensonge au crime. Selon Michel PelousAmour précieux, amour galant. Essai sur la représentation de l’amour dans la littérature et la société mondaine (1654-1675), p. 126.
Quinault est souvent associé aux Précieuses, dont il fut le favori au début de sa carrière. Mais s’il est vrai que, par certains côtés, les intrigues amoureuses de ses pièces sont conformes aux canons de l’amour précieux, il s’en détache peu à peu et, dans le cas d’Agrippa, on assiste même à un renversement des codes régissant les comportements amoureux.
Les amoureux voulant se conformer aux usages de l’amour galant sont confrontés à des situations apparemment inextricables. Le parfait amant n’est pas censé avouer ses sentiments passionnés, la femme trouvant choquant d’entendre de tels aveux, même si elle ressent la même inclination. Lors des tragi-comédies (ceci est valable pour d’autres auteurs que Quinault), le héros cherche désespérément à cacher sa passion qu’il finit toujours par avouer, tout en s’attendant aux réactions les plus vives de sa dame.
Les jeunes femmes se trouvent dans une situation plus délicate encore. En effet, leur pudeur suppose qu’elles taisent leur amour et ne peuvent se découvrir qu’à leur confidente qui, dans les tragi-comédies, n’existe généralement que pour recueillir les aveux amoureux. Dans le cas d’Agrippa, aucune incertitude pour le héros puisque Lavinie, pensant avoir affaire au meurtrier de son amant, l’assure de son amour.
Le code amoureux adopté par l’esthétique galante exigeait de l’amant qu’il se soumette à diverses épreuves avant de bénéficier d’une quelconque marque d’affection. Le comportement de Mézence est tout à fait conforme à ce code. Le jeune homme vénère Lavinie au point de tout supporter, même son mépris. La Princesse se montre cruelle, attendant tout de lui sans qu’il puisse espérer une seule marque de reconnaissance. A plusieurs reprises, elle met son amour à l’épreuve, s’indignant qu’il ait une seule seconde d’hésitation face à son obsession : venger son amant et pour cela, tuer le roi. Que cette exigence suppose, pour Mézence, de tuer un de ses parents, ne lui importe absolument pas et c’est avec véhémence qu’elle reproche son manque d’enthousiasme au malheureux amant. Mézence lui, se plie humblement aux contraintes de l’amour raffiné, accepte les colères de Lavinie, se soumet à toutes ses volontés sans qu’il ne lui soit même pas permis d’espérer quoique ce soit en retour. L’amant pousse même le zèle jusqu’à mourir pour sa maîtresse.
Si les rapports de Mézence et de Lavinie sont tout à fait conventionnels, adaptés aux exigences de raffinement et de galanterie de la Cour, ceux de Lavinie et d’Agrippa sont atypiques. En effet, il est tout à fait normal qu’elle se montre exigeante et cruelle avec Mézence mais il est singulier que son amant, Agrippa, se comporte de la même façon avec elle.
Il est admis que la femme peut (et doit) éprouver la valeur de l’amour de ses prétendants mais l’inverse surprend. Agrippa connaît l’authenticité de la tendresse que lui porte sa maîtresse puisque Lavinie est toujours éprise d’un homme tenu pour mort depuis un an. Elle-même, pensant s’adresser au meurtrier de son amant, proclame sa passion pour le défunt. Pourtant Agrippa, qui s’émerveille de la constance de l’amour de la jeune femme, ne peut s’empêcher de « tester » sa maîtresse en lui proposant la couronne. Et ce n’est que lorsqu’elle s’indigne de cette proposition, appelant sur lui toutes les malédictions divines, que le faux Tiberinus, rassuré, chercher à révéler son identité. Et il a beau jeu ensuite, de reprocher à son père de faire couler les larmes de Lavinie alors que son projet était de goûter la douceur de s’assurer de l’amour extrême de sa maîtresse, quitte à supporter sa souffrance.
L’amour est bien le sujet principal de la pièce mais trop d’amour tue l’amour et les personnages apparaissent bien seuls. Leur amour n’est pas un amour généreux. Il ne se tourne que vers l’aimé(e) et peut sembler bien égoïste. Dans leur quête de l’amour, les personnages oublient tout, excepté eux-mêmes dans la représentation qu’ils se font de leur personne.
Le thème du déguisement, source de quiproquos, de rebondissements, est fort en vogue au moment où Quinault compose Agrippa. Il a d’ailleurs traité ce thème à plusieurs reprises : Alamasonte en 1657, Le Feint Alcibiade en 1658. Mais, dans le cas d’Agrippa, il ne s’agit pas, pour le héros, de se faire passer pour un homme de classe inférieure
Ce recours aux sosies est également répandu dans le théâtre de l’époque mais, contrairement aux Mechmenes de Rotrou ou même au Feint Alcibiade, il ne s’agit pas d’une vraisemblable ressemblance. Certes, Tibérinus et Agrippa sont issus du même sang, mais il n’existe entre eux qu’un vague lien de parenté
On peut s’étonner et nombre de critiques l’ont fait, de l’absence de doutes des proches d’Agrippa quant à sa réelle identité. Il est vrai que l’auteur a pris soin dès le début de la pièce de prévenir ces objections.
Ainsi, Mézence déclare que, pour sa part :
[…] apres les avoir cent fois considerez,
Je m’y trompois, moy mesme, à les voir separez.
N’ayant plus d’élément de comparaison, c’est tout naturellement qu’il accepte la substitution.
Dans le cas d’Albine, l’auteur avait également mis en place un possible changement d’attitude. En effet, Albine n’aimait déjà, en réalité, qu’une seule et même personne en deux corps. Le fait qu’elle aime un homme qui est la copie conforme de son frère est troublant. Albine, elle, inverse la situation : si elle aimait tant son frère, c’est qu’il ressemblait à son amant
Et la Nature exprès pour me le rendre aymable Sceut même à mon Amant le former tout semblable.
L’amour qu’elle porte à son amant n’est qu’une réplique de celui qu’elle voue à son frère. Ou plutôt, elle a transféré sur un être identique cet amour excessif donc tabou :
Pour un frere jamais le sang avec chaleur, Ne mit tant de tendresse en l’âme d’une sœur , Ibid.
Que celui qu’elle considère comme son amant soit ou non le vrai roi importe peu, son amour est là.
La reconnaissance se fait tout de même à la fin de la pièce
Comme pour un Amant, son cœur tremble & murmure ; Elle impute à l’Amour, ce que fait la Nature , Ibid.
Il est évident que le héros, qui avait cru remarquer l’amour toujours vivant de sa sœur pour le roi, refuse d’admettre que, peut-être, il ne faut imputer qu’à la passion d’Albine ce geste miraculeux.
Quant à Lavinie, il est vrai que sa réaction première à la vue d’Agrippa est loin de correspondre à ce que le héros aussi bien qu’elle-même avait pû imaginer. C’est donc avec stupeur que le héros découvre l’absence de « transports de haine et de fureur »
[…] mais ô Ciel ! Qu’aperçois-je, & quels charmes Font que vos yeux aux miens ne montrent que des larmes Acte IV, scène 2. .
Cette réaction n’est d’ailleurs ni du goût d’Agrippa qui craint d’être supplanté par son pseudo-meurtrier, ni de celui de Lavinie qui justifie très vite cette attitude par la ressemblance des deux personnages. Il n’est guère possible de tenir cette manifestation de trouble comme une reconnaissance. En effet, elle est identique à celle d’Albine. Toutefois, lorsque le héros lui révèle son identité, elle n’émet guère d’objections, comme si elle était préparée à une telle révélation. Même lorsque Tirrhene cherche à la convaincre du contraire, elle manifeste des doutes jusqu’au dénouement.
Les invraisemblances sont elles-mêmes révélées puis justifiées. Ainsi, lorsque Lavinie s’étonne que le roi ait pu découvrir l’amour qu’elle portait à Agrippa alors que ce dernier n’en savait rien, (Lavinie, en héroïne type ayant, par orgueil, dissimulé sa tendresse) Albine s’émerveille de la capacité d’un homme jaloux à découvrir des « regards muets ».
Enfin, pour ce qui est de l’absence de doutes des gardes et de l’armée, Quinault a tout résolu en un procédé artificiel : Agrippa a eu la main transpercée (celle dont il se sert pour écrire, bien sûr) et, selon les protagonistes, ce fait est dû à une intervention du Ciel, heureuse intervention divine !
Nous ne sommes pas sans prétendre qu’une substitution si aisée ne soit pas marquée d’invraisemblance. Toutefois, elle est rendue crédible par la magistrale performance d’acteur de Tirrhene. Si les personnages voient le roi en Agrippa, c’est qu’ils ne sauraient mettre en doute la parole de Tirrhene. Comment un père si aimant chercherait à favoriser l’assassinat de son fils ? C’est d’ailleurs ce qu’avance Tirrhene comme preuve de la véracité de ses propos
Vous sçavez pour la mort quels soins j’ay toujours pris ; Et vous pourriez encor, penser qu’il fût mon fils Luy dont je suis prêt d’aller trancher la trâme…
Cependant, si cette attitude justifie la réussite de la supercherie, elle est fort peu plausible. En effet, quoiqu’il fasse dire à Tirrhene (le complot aurait permis de détourner d’éventuels soupçons pouvant peser sur l’identité du roi), Quinault rend peu probable une telle prise de risque. En fait, le complot était nécessaire à la construction dramatique afin d’éliminer le successeur légitime et assurer ainsi la réussite de l’entreprise.
C’est Agrippa qui met lui-même en péril le succès de son déguisement lorsqu’il veut révéler sa véritable identité à Lavinie
Agrippa est prisonnier de son subterfuge. Il ne bénéficie d’aucun moyen pour se faire reconnaître en tant que lui-même, Agrippa. Nulle reconnaissance possible puisque le succès de son subterfuge est justement l’absence, d’une part d’indices compromettants, d’autre part, de témoins autres que son père.
Il est surprenant de constater que le héros ne semble guère effrayé à la perspective d’un complot et que la seule raison qui le pousse à révéler son identité est l’impossibilité de se faire aimer sous le déguisement du roi. Même lorsque sa sœur s’apprête à venger son frère et son honneur bafoué, il ne cherche pas à la détromper. Certes, elle aurait peut-être eu du mal à le croire mais il aurait suffi, comme pour Lavinie, de demander l’intervention de leur père pour l’assurer de la véracité de ses propos.
Bien sûr, il est possible d’attribuer ce non-recours à l’échec de la première tentative. Mais, face au danger réel encouru par son fils, Tirrhene aurait tout révélé ou, du moins, se serait arrangé pour trouver un stratagème permettant de contourner le danger. De plus, tout comme Oreste face à sa sœur dans Iphigénie en Tauride d’Euripide, Agrippa pouvait trouver quelque détail connu d’eux-seuls.
Mais, l’identité d’Agrippa dévoilée, le héros avait, certes, la vie sauve pour un temps mais c’était Mézence qui prenait le pouvoir. Or, ce dernier pouvait le punir pour crime d’usurpation dynastique et se débarrasser ainsi d’un rival qui l’avait humilié.
Le dénouement assure le succès total du déguisement : la reconnaissance n’intervient que lorsque toutes les conditions favorables au bonheur (et à la gloire) d’Agrippa sont réunies.
Après une scène d’une grande intensité dramatique, les remords de Tirrhene et de Lavinie, la fin laisse un peu perplexe. Puisque Lavinie et Agrippa sont réunis, tout va pour le mieux, nous dit Quinault. Qu’Albine ait souffert de la pseudo-mort d’Agrippa comme des mensonges de son frère et de son père ne compte pas. Que le complot ait provoqué la mort de nombreux conjurés et de soldats n’émeut guère. Même la mort de Mézence est traitée sur un ton badin. Apprenant que le prince s’est tué pour respecter la promesse qu’il lui avait faite ne suscite chez Lavinie que ces quelques mots :
Je le plains, mais le bien qu’en vous le Ciel m’envoye Ne laisse dans mon cœur, de lieu que pour la joye Acte V, scène finale. .
La princesse n’est pas non plus préoccupée de la supercherie d’Agrippa. Il semble pourtant qu’un règne et un mariage fondés sur le mensonge ne soient pas de meilleure augure. En outre, il y a eu tout de même usurpation dynastique.
En effet, la substitution pose le problème de la légitimité d’un tel acte : quelles qu’en soient les raisons, a-t-on le droit de s’approprier abusivement la place d’un roi ? Cette question se pose évidemment dans le contexte de l’époque de Quinault, non de celui des protagonistes. Au XVIIe siècle, l’usurpation dynastique est considérée comme un crime de lèse-majesté. Tirrhene, lui, évoque la question du mérite
Regnez mieux qu’il n’eut fait, meritez la Couronne, Mezence en est indigne, & le Ciel vous la donne ;
À cela, Agrippa rétorque qu’il n’y pas à juger de la valeur et des qualités des personnes destinées à régner. Étant élues de droit divin, les hommes n’ont qu’à les servir de leur mieux.
Le throsne eust pu changer les injustes maximes ; Respectons sa naissance, en detestant les crimes ; Noircy d’impietez, de meurtres, d’attentats, Il sort tousjours d’Ænée Acte I, scène 4. .
Pour sa part, Agrippa avait toujours loyalement servi son roi, ce que nous indique Lavinie lors de la première scène de la pièce :
Il Agrippa. sortait de son sang, & jamais plus de zelleN’esclatta pour un Roy, dans un sujet fidelle.
Tiberinus, pourtant, ne passait pas pour un modèle de vertu. On le décrit même comme un compagnon de débauche de Mézence. Cette noirceur d’âme était nécessaire évidemment. Il fallait que le roi et son successeur fussent peu recommandables pour excuser l’action d’Agrippa (usurpation dynastique) comme celle des autres personnages (conspiration contre un roi). En outre, il était nécessaire de respecter la cohérence du personnage. Accuser un roi sage et honnête du meurtre d’un sujet loyal eut été difficile à faire croire, même pour un acteur consommé tel que Tirrhene, même pour un auteur peu attaché aux vraisemblances comme Quinault.
L’autre argument de Tirrhene face aux réticences de son fils à considérer leur supercherie comme une action juste est qu’elle est du fait, non de leur propre volonté mais de celle du Ciel :
Pour l’esloigner du Throsne, & pour le luy ravir, C’est de vous que le Ciel a voulu se servir ; Vous estes l’instrument sur qui son choix s’arreste, Et puis qu’il veut enfin emprunter vostre teste, Souffrez la Couronne, & vous representez Que c’est à tous les Dieux à qui vous la prestez.
Selon Tirrhene, ce sont les dieux qui ont voulu la mort de Tiberinus comme ils ont voulu le règne d’Agrippa. Pour s’en convaincre, il suffit d’examiner les signes d’une protection favorable : sa main transpercée n’est pas un châtiment car elle lui évite d’être découvert par son écriture, il a gagné la bataille opposant depuis si longtemps les Rutules aux habitant d’Albe et tous les témoins de son subterfuge ont péri providentiellement. En outre, Mézence était prêt à assassiner le roi. Que le héros ne soit pas légitime n’a aucune importance puisque Mézence n’en savait rien. À partir du moment où le Prince était capable de s’attaquer au symbole royal, il ne méritait pas de régner.
Les arguments de Tirrhene font mouche et Agrippa consent à rester sur le trône, sans trop se faire prier. Cette faible résistance provient d’une part, de la tonalité de la pièce qui se veut galante avant que d’être politique et, d’autre part, du héros lui-même qui prend conscience du pouvoir que lui confère la couronne. Bien évidemment, ce pouvoir est à l’usage exclusif de l’Amour, seul but noble de l’ambition. Mais, lors de l’entretien avec Mézence, il semble prendre un malin plaisir à humilier le Prince en lui rappelant sa condition de sujet. L’ironie mordante du faux Tiberinus envers Mézence n’était pas nécessaire, celui-ci lui ayant fait comprendre l’amour intact de Lavinie pour Agrippa, sinon à susciter son inimitié et à justifier l’appartenance de Mézence au complot.
En effet, Mézence était, pour sa part, attaché au roi et, lors d’une entrevue avec Lavinie, il tente de justifier le meurtre d’Agrippa. Le fait que Mézence accepte d’assassiner le roi peut être envisagé comme une preuve d’amour mais nous pensons, pour notre part, qu’il faut également tenir compte de l’attitude humiliante du roi comme facteur déterminant dans cette décision.
Les motifs avoués du complot sont liés à l’amour : Lavinie l’entend comme une preuve d’amour à son amant défunt, Mézence s’y résoud par amour pour Lavinie, Albine pour venger son frère. Mais la motivation des personnages provient en grande partie des offenses ressenties face à l’attitude du faux Tiberinus à leur égard. Pour s’en rendre compte, il suffit de relever les termes exprimant la colère et le mépris : « venger, sang, haine, dépit, honte, offense, colère, fureur » ; tous ces termes sont utilisés en abondance par le trio que forment Lavinie, Mézence et Albine. En quelques scènes, Agrippa semble agir et parler dans le seul but de s’attirer la haine de tous. Il est vrai qu’en cela, il est admirablement secondé par Tirrhene qui ne cesse d’exciter la colère des uns et des autres. Ainsi, c’est lui qui « révèle » le véritable motif du meurtre d’Agrippa : se débarrasser d’un rival, amoureux et politique, gênant.
Mézence, parfait amant, semble obéir aux ordres de sa maîtresse. Mais, il ne nous échappe pas que ce crime lui permettrait également de se laver de l’affront commis par le roi. C’est un véritable camouflet que lui a fait subir Agrippa, et Mézence est orgueilleux. Si son ambition a disparu du fait de son amour pour Lavinie, il ne supporte pas l’idée d’être « doublé » sur le plan amoureux :
Et dés que la Princesse a demandé sa vie, A peine ay-je un moment senty fremir mon cœur, Tant le nom de Rival traîne avec luy d’horreur Acte III, scène 5. .
Et son suicide est aussi bien la réalisation d’une promesse solennelle que le refus de s’avouer vaincu devant le héros.
Lavinie, elle, se sent insultée par l’amour du roi. Cette jeune femme fière supporte difficilement de savoir qu’elle est l’objet de la convoitise du roi :
Sçavez-vous qu’un Tyran m’ose offrir ses soupirs ? Et que mes tristes yeux, pour comble de misère, Au plus lâche des cœurs ont la honte de plaire Acte III, scène 4. ?
Lavinie est blessée dans son orgueil de femme mais aussi de Princesse. Elle qui, par soucis de protéger sa gloire, avait dissimulé son amour pour un homme vertueux et admirable, ne peut que se sentir choquée par les tendres aveux de celui qu’elle considère comme un homme impie et sanguinaire. En outre, elle estime que la conduite infâmante du roi entache la réputation des descendants d’Énée dont elle fait partie. Laisser impuni un crime qui la met en cause, puisqu’elle fut, sans le vouloir, la motivation du meurtre d’Agrippa, serait indigne d’elle. N’ayant pu se résoudre à se donner la mort, il ne lui reste plus, pour laver son honneur, que la mort du roi.
L’amour du roi pour Lavinie offense également Albine. Cette dernière se sent doublement blessée dans son orgueil. D’une part, elle éprouve de la culpabilité du fait d’être éprise du meurtrier de son frère, ainsi qu’elle le confie à Julie :
Je ne t’ay dit mon mal que pour y resister, Et seule estant trop foible à combattre ma flame, J’appelle tes conseils au secours de mon ame Acte II, scène 1. .
D’autre part, cet amour est d’autant plus humiliant que le roi n’est plus amoureux d’elle. Enfin, dernière offense, il semble s’être aperçu de cet amour et le lui fait remarquer :
J’ay mesme, je l’avoue, eû peur, pour vostre gloire : Il m’a semblé, d’abord, qu’un peu d’émotion A trahy dans vos yeux vôtre indignation, Et qu’encor, à ma veuë, un vieux reste de flame S’est, à travers la haine, eschapé de vôtre ame Acte II, scène 4. .
La conduite d’Agrippa est des plus offensantes pour Albine car il s’exprime sur un ton badin et feint d’ignorer les souffrances de la jeune femme. L’humiliation d’Albine est manifeste dans le registre utilisé pour exprimer ses sentiments : « honteuse estime, indignée, outrage, offensée… ».
Le mensonge est l’apanage de Tirrhene. Certes, Agrippa incarne la supercherie, mais il trompe par son apparence, non par ses mots. Aucun autre personnage ne ment et il n’y a pas véritablement de traître. En effet, si tous veulent la mort du roi (tout en feignant, comme Mézence, la soumission), personne ne veut la mort d’Agrippa et pas une seule personne ne vient révéler la supercherie. Même si Tirrhene ment et que, par son ambition forcenée, il manque provoquer la mort de son fils, il reste foncièrement un adjuvant puisque ses intentions sont destinées à cacher la substitution. Le jeu des apparences est d’ailleurs présent dans le registre lexical du regard et de la démonstration : « tu vas voir
Le déguisement d’Agrippa est prétexte à de nombreux quiproquos et autres jeux d’énoncés à double sens. Les quiproquos sont de deux ordres. Ainsi, lorsqu’Albine apparaît, acte V, scène 5, en confessant son « crime », les protagonistes, comme les spectateurs pensent qu’il s’agit de l’assassinat d’Agrippa, tandis que la jeune femme évoque le fait d’avoir épargné le roi. Aussi, lorsqu’elle annonçant la venue du meurtrier, apparaît Agrippa, la surprise est grande.
L’ironie dramatique est également présente. Cette figure de style ne se définit pas comme le fait d’indiquer à son interlocuteur, par un ton railleur ou des hyperboles, que les propos tenus doivent être interprétés différemment, mais le résultat d’une situation spécifique au théâtre où l’énoncé est destiné à la scène et à la salle. Le spectateur, en sachant souvent autant que le personnage qui parle, peut ainsi comprendre un signifié autre sous un même énoncé. Ainsi, lors de la conversation de Mézence et de Tirrhene, acte III, scène 5, ce dernier, évoquant l’heureuse initiative du Prince qui vient de l’informer du complot, tient ces propos :
Je doy tout, je l’avouë, à cette confiance, Vous relevez par là ma plus chere esperance, Et m’auriez fait un tort qui m’eut desesperé, Si, sans m’en avertir, vous eussiez conspiré Acte III, scène 5. .
Tirrhene ne ment pas : il aurait été tragique pour lui de ne pas être informé du complot visant à la mort du roi. Mais, là où Mézence entend la joie de Tirrhene à l’entente de la mort prochaine de l’assassin de son fils, le spectateur lui comprend le soulagement de Tirrhene à l’idée de pouvoir contrôler cette situation dangereuse L’ironie vient de la situation de Tirrhene à qui on réserve l’honneur de décider des modalités du meurtre de son fils. Si Agrippa était une comédie, cette situation aurait pu donner lieu à une scène outrée avec force clignements d’yeux et adresse aux public.
Il en est de même acte V, scène 5, lorsque Tirrhene se plaint de ne pouvoir assister le jour même à l’exécution du roi.
Tirrhene
Pleust au Ciel, seul recours d’un Pere miserable, Que dés ce mesme jour, il m’eust ésté permis D’offrir cette victime aux Manes de mon Fils. C’est un tourment cruel, pour mon impatience, De n’oser pas encor haster nostre vengeance.
Il n’y a pas une once de vérité dans les propos de Tirrhene. A cet instant, le spectateur en sait plus que les deux protagonistes. D’une part, il perçoit le sens caché de ces paroles : Tirrhene feint le ressentiment et la tristesse tandis qu’il se félicite de ce retard présumé. D’autre part, le spectateur n’est pas sans savoir que Lavinie vient de presser Mézence de devancer l’heure du meurtre. Tirrhene est donc pris à son propre piège, ses (hypocrites) vœux se trouvant malheureusement exaucés.
Agrippa, non plus, n’est pas en reste de sous-entendus. Ainsi, lors de son entretien, qui tourne plutôt à l’algarade, avec Albine, il lui tient innocemment ce langage :
Si la perte d’un frere est tout ce qui vous blesse, Vous n’aurez rien perdu que vôtre douleur cesse ; Je vous offre en moy-mesme un frere plein d’ardeur ; Acte II, scène 4.
On assiste ici à un cas d’ironie liée au déguisement. C’est ce que Georges Forestier appelle le « Dire le vrai en disant le vrai qui paraît fauxEsthétique de l’identité dans le théâtre français (1550-1680). Le déguisement et ses avatars, Genève, Droz, 1988, p. 278.
En effet, Agrippa ne ment pas. Si Albine ne souffre que de la mort de son frère, la révélation de l’identité d’Agrippa lui ôtera tout sujet de douleur. En outre, il est bel et bien son frère. Mais, comme Albine ne met pas en doute l’identité du roi, elle ne peut tenir ces propos pour véridiques. Elle n’y voit que raillerie, une cruauté de plus du roi. Quinault n’a pas voulu se priver de cette connivence avec le spectateur mais ce jeu paraît bien cruel et indigne d’Agrippa. Que signifient ces propos, insultants pour Albine qui se voit proposer pour frère le meurtrier de celui-ci ? Si Agrippa se nommait Richard III, on pourrait parler d’audacieuse stratégie, mais, outre le fait qu’Agrippa est loin de ressembler au héros roué et retors de Shakespeare, il n’est guère de profit pour lui à s’exprimer ainsi, sinon, une fois de plus, s’attirer les foudres de son entourage. Agrippa voulait-il susciter des doutes quant à son identité ? Nous ne pouvons croire que le héros se moque de sa sœur. Il s’agit plutôt d’une part, d’entretenir une relation de complicité avec le spectateur, et d’autre part, de justifier la haine de la jeune femme pour le roi.
Si Agrippa fit les délices de la Cour du XVIIe siècle, les critiques de l’époque et des siècles suivants se montrèrent plus sévères. Les Frères ParfaictOp. cit.Lycée ou Cours de Littérature ancienne et moderne, Paris, 1805.Œuvres complètes, éd. Françoise Escal, Paris, Gallimard, 1996.
Plus à l’aise dans le registre des Questions d’amour que dans celui du tragique, Quinault a su pourtant, approcher le pathétique lors, notamment, de la confrontation entre le héros, Tirrhene et LavinieAgrippa pour ce qu’elle est, un marivaudage plaisant, un conte de fées, dont le dénouement est d’autant plus heureux que le péril fut grand.
Il n’existe aucun manuscrit des pièces de Quinault.
Nous avons reproduit l’édition princeps de 1663, d’après l’exemplaire, sous forme de micro-fiche, de la Bibliothèque de l’Arsenal :
Agrippa, Roy d’Albe ou le faux Tiberinus, Dédié au Roy. A Paris, chez Guillaume de Luyne, MDCLXIII.–In-12, X-72 p.
Cette édition comprend une dédicace au roi, le privilège du roi, l’achevé d’imprimer date du 25 janvier 1663. La page de titre ne porte ni mention de genre, ni indication d’auteur mais l’épître dédicatoire est signée Quinault.
Nous avons également consulté l’exemplaire, toujours sous forme de micro-fiche, présent à la Bibliothèque nationale. Cette version est quasiment identique à celle de l’Arsenal puisqu’elle comprend la dédicace, l’achevé d’imprimer, le bandeau caractéristique des éditions de Guillaume de Luyne, l’absence de classification et si le nom de Quinault apparaît, il a été ajouté à la main. En outre, les coquilles repérées dans l’édition de l’Arsenal sont également présentes. Par contre, nous avons pû remarquer une coquille qui n’existe pas dans l’édition de l’Arsenal, signalée dans la présente édition.
Une seule autre édition d’Agrippa a paru du vivant de l’auteur :
Agrippa, Roy d’Albe ou le faux Tiberinus, Dédié au Roy, suivant la copie imprimée à Paris [Amsterdam, Abraham Wolfgang] 1663 (quaerendo)
Elle fait partie d’un recueil factice qui est décrit dans les Elsevier mais qui, malheureusement, a disparu. Nous n’en avons pas trouvé trace dans les autres bibliothèques parisiennes.
Il existe une édition pirate, ne comprenant ni mention de date, ni auteur mais une indication de genre : tragédie. La Bibliothèque nationale en possède deux exemplairesLes Précieuses ridicules de Molière), il s’agissait de Jean Ribou.
William Brooks note ceciOp. cit., p. 23.
La désignation « tragédie » nous ferait peut-être conjecturer que cette édition date du 18
esiècle, car il y a tout lieu de croire que même si la pièce manque d’indication de genre, elle fut considérée comme une tragi-comédie pendant le 17esiècle, et elle ne fut réclamée comme tragédie que par les éditions collectives du 18e. Mais une contrefaçon du 18eaurait-elle reproduit le privilègeEn réalité, nous pensons que W. Brooks n’a peut-être pas consulté les exemplaires car il fait allusion au privilège du roi, qui est absent de cette édition, et ne signale pas la mention « selon Pierre Ribou ». ? Nous croyons que non : et nous en concluons donc que cette édition date d’une époque peu postérieure à celle de la 1eedition.
Nous en arrivons à la même conclusion mais avec un raisonnement différent. En effet, l’orthographe de cette édition est plus moderne que l’édition de 1663 mais présente encore des caractéristiques non présentes dans les éditions datant du XVIIIe, telles que le « y » à la place du « i », l’absence d’accentuation des « e »…
Enfin, les exemplaires que possèdent les université du Minesota et et de la Floride ne portent aucune date.
Les éditions parues après la mort de Quinault ne contiennent pas de différences notables, mis à part la ponctuation et l’orthographe.
Nous avons fait la distinction moderne entre « u » et « v », « i » et « j ». Nous avons remplacé le tilde de par « m » ou « n », selon les cas. Nous avons toutefois conervé la ligature & et avons respecté la graphie et la ponctuation originales. Toutes les modifications qui nous ont semblé nécessaires sont signalées par des notes de bas de page.
Sire,
Il y avait lieu de croire que mon Ambition devoit estre entièrement satisfaite, de l’agréement avec lequel cette Piece a esté receue de vostre majeste. Aprés une grace si considerable, je Luy pouvois en effet espargner la fatigue d’une Epistre ; & l’avantage d’avoir sçeu Luy plaire ; estoit un honneur assez grand, sans chercher encore un nouveau moyen de l’accroistre. Cét emportement est une foiblesse naturelle aux habitans du Parnasse ; & comme la gloire est souvent l’unique fruict qu’ils recueillent de ce Pays sterile, il leur est pardon- nable d’en desirer quelquesfois avec un peu trop d’ardeur. On s’imagi- nera, peut-estre, que je devois estre exempt de ce defaut, parce que j’ay le bon-heur d’approcher la Personne Auguste du plus accomply de tous les Monarques, & d’y voir briller de prés ces Vertus éclatantes qui font aujourd’huy l’admiration de toute la Terre : mais qui ne sçait point, SIRE, que lors qu’il s’agit de gloire, ce n’est pas en VOSTRE MAJESTE que l’on peut trouver des Exemples de moderation ? Cét excés n’est pas de ceux dont Elle se veut deffendre, & c’est proprement là dessus qu’Elle est la plus difficile du monde à contenter. La fin de la Guerre n’a pû devenir la fin de ses Conquestes. La Paix n’a sçeu L’empescher d’en faire de nouvelles, & qui Luy sont d’autant plus glorieuses, qu’elles n’ont pas cousté une seule goutte de sang à ses Subjets, & qu’Elle n’en doit rien qu’à Elle-mesme. A dire vray, SIRE, à moins que d’estre comme nous sommes, les tesmoins de tant de Merveilles, y auroit-il apparence de les pouvoir croire ? Ne pourrions-nous pas avoir bien de la peine à nous persuader, qu’à vingt-quatre ans VOSTRE MAJESTE n’ait pas esté moins redoutable dans son cabinet, qu’à la teste de ses Armées ? Qu’Elle ait sçeu joindre des choses aussi peu compatibles que la Jeunesse florissante, & la Prudence consommée ? Qu’Elle ait eu des Qualitez que l’on n’acquiert que par la perte des plus belles années, dans un âge qui n’est d’ordinaire que pour les plaisirs ? Enfin qu’Elle ait trouvé l’Art de rassembler en Elle seule tous les Avantages que le Ciel a accoustumé de separer dans le reste des hommes ? Il n’y a pas, SIRE, jusques aux secrets des belles Lettres, où les Lumieres de VOSTRE MAJESTE ne s’estendent ; Elles n’ont pas desdaigné de m’esclairer dans la conduite de cét Ouvrage, & je suis obligé de confesser qu’Elles sont la source de ce que l’on y a trouvé de plus brillant. Cette inclination que VOSTRE MAJESTE témoigne pour les Muses, n’avoit garde de Luy manquer, puisque c’est de tout temps la passion des Heros. Les vers d’Homere furent autresfois les Delices du Vainqueur de l’Asie au milieu de ses triomphes ; & les Comedies de Terence receurent leurs derniers traits des mesmes Mains qui venoient de terrasser Annibal, & d’abattre la grandeur de Carthage. Ceux qui sont attachez particulierement à ce genre d’écrire, n’ont plus, SIRE, qu’une seule chose à craindre avec toute l’Europe ; C’est que la haute Valeur de VOSTRE MAJESTE, qui s’est fait tant de violence pour donner le repos à ses Peuples, ne trouve quelque juste occasion de l’interrompre. S’il faut qu’une fois elle reprenne les Armes, le bruit que nous prevoyons bien qu’elles feront, ne nous permettra plus de songer aux Roys les plus Illustres des Siecles passez, & pour nous laisser le loisir de representer leurs actions, Celles de VOSTRE MAJESTE nous donneront asseurément trop d’affaires. Je n’ay pas la hardiesse de promettre de travailler sur de si grands Sujets, avec autant d’esprit qu’une infinité de gens plus habiles que moy, & qui ne laisseront pas eschaper une si riche matiere. J’ose respondre seulement que je puis défier qui que ce soit au monde, de surpasser le zele ardent qui animera toûjours,
SIRE,
DE VOSTRE MAJESTE,
Le tres-humble, tres obeïssant, &
tres-fidelle serviteur & subjet
QUINAULT.
Par Grace & Privilege du Roy, Donné à Paris le quatorzième Janvier mil six cens soixante-trois, Signé par le Roy en son Conseil, LE Mareschal. Il est permis à nostre cher & bien aymé PHILIPPE QUINAULT Nostre Valet de Chambre Ordinaire, de faire imprimer une Piece de Theatre de sa composition, intitulée : Agrippa Roy d’Albe, Ou le Faux Tiberinus, pendant le temps & espace de cinq années, finies & accomplies, à commencer du jour de l’achevé d’Imprimé. Et deffences sont faites à toutes personnes, de quelque qualité & condition qu’elles soient, de l’imprimer ou faire imprimer, vendre & debiter, sans le consentement dudit Sieur QUINAULT, à peine de cinq cens Livres d’amande, & de tous despens, dommages & interests, comme il est plus amplement porté par lesdites Lettres.
Et ledit Sieur QUINAULT a cedé & transporté ces droits de Privilege à GUILLAUME DE LUYNE, Marchand Libraire, pour en jouyr le temps porté par iceluy.
Achevé d’imprimer le 25. Janvier 1663.
Les Exemplaires ont esté fournis.
Registré sur le Livre de la Communauté des Libraires & Imprimeurs de cette Ville de Paris, le 24. Janvier 1663.
Signé, DUBRAY, Scyndic.
Fin du premier Acte.
Fin du second Acte.
Fin du troisième Acte.
Fin du quatrième Acte.
Fin du cinquième & dernier Acte.